L'inconnu de Léon Mardoche
Parfois, je l’ai déjà dit, la passion pour la littérature policière pousse le lecteur avide à mener des enquêtes plus exaltantes que dans certains romans du genre en question.
Il suffit parfois, du moins pour moi, aficionado de la littérature populaire policière du siècle dernier, d’une phrase sur un forum spécialisé, de l’évocation d’un personnage inconnu retrouvé dans plusieurs textes, pour que je me lance sur la piste de ce dernier afin d’en apprendre plus sur lui et, parfois, trouver le Saint-Graal : l’enquêteur récurrent qui sort de l’ordinaire.
Et c’est avec deux noms dans ma besace, cette fois-ci, que je suis parti sur la piste de Henri Picard et de son enquêteur Léon Mardoche.
Je dois bien avouer qu’au départ, cette quête ne déclencha pas un enthousiasme extraordinaire.
Déjà, parce que je ne trouvais rien du tout sur l’auteur (même si quelques homonymes sont recensés).
Ensuite, parce que des récits mettant en scène Léon Mardoche, je trouvais principalement quelques contes publiés dans un journal suisse.
Les contes, j’aime bien, un peu, mais c’est toujours frustrant pour faire la connaissance d’une plume et d’un personnage.
Puis je mettais la main sur quelques récits un peu plus longs (mais guère plus longs) dans un magazine québécois.
C’était mieux, mais toujours pas de quoi m’enflammer.
Enfin, après quelques mois à courir d’autres lièvres, je suis revenu sur la piste de Léon Mardoche et, là, jackpot, je découvrais des petits romans d’une trentaine de milliers de mots mettant en scène mon fameux Léon Mardoche dans un autre journal suisse.
Mieux encore, la plupart de ceux-ci contaient la confrontation entre Léon Mardoche et un personnage surnommé « L’inconnu ». Double jackpot : un enquêteur récurrent face à un ennemi récurrent.
Seulement, voilà, le problème des feuilletons dans les journaux, c’est qu’ils s’étalent sur des dizaines, voire des centaines, de numéros et qu’il faut au préalable de toute lecture, les regrouper tous sans en omettre un seul.
La chance me sourit (ou presque), parce qu’à part la première aventure publiée dans laquelle il me manque le passage contenu dans un numéro, je suis parvenu à regrouper l’intégralité des autres récits et, notamment, le premier mettant en scène « L’inconnu » de Léon Mardoche, qui s’intitule sobrement : « L’inconnu de Léon Mardoche ».
Ce court roman (31 500 mots) a été publié, dans le journal, en 1967, mais son histoire, si on s’en tient au texte, a pu être écrite en 1964.
Il est bien étrange de ne trouver aucune trace de Léon Mardoche ou Henri Picard, dans une édition française, que ce soit en format fasciculaire ou en petit roman…
Plus étrange encore, c’est de ne pas avoir trouvé d’autres occurrences, en France ou en Suisse, des textes publiés dans le magazine québécois.
Enfin, question étrangeté, Léon Mardoche, n’a rien à envier à tout cela, car, en survolant quelques textes le mettant en scène (des courts aux longs), je l’ai découvert parfois détective, ayant pour apprenti le jeune Bob, parfois écrivain et, enfin, dans les courts romans, il est commissaire.
Mais ceci s’explique peut-être par les dates d’éditions puisque les premiers textes (dans le magazine québécois) sont publiés en 1929 et les derniers (dans le journal suisse) en 1972.
Après toutes ces informations, il est temps de se pencher sur « L’inconnu de Léon Mardoche ».
L’INCONNU DE LÉON MARDOCHE
Le commissaire Léon MARDOCHE en est persuadé, un même criminel se cache derrière différentes affaires non élucidées. D’ailleurs, un journal a révélé cette théorie à ses lecteurs, surnommant le mystérieux personnage : « L’inconnu de Léon Mardoche »…
Quand le policier soupçonne son « inconnu » d’être l’auteur d’un audacieux cambriolage, il va alors tout faire pour lui mettre la main dessus…
Je découvre (au format long, car j’avais déjà fait connaissance avec le personnage quand il était encore détective dans des formats courts) Léon Mardoche, en commissaire de police d’une cinquantaine d’années, petit et grassouillet (selon la description de l’auteur)…
Henri Picard ne s’attarde pas sur son héros, ne partageant avec le lecteur ni sa vie personnelle ni son caractère, se contentant juste d’une brève description physique.
D’ailleurs, l’auteur laisse plus de place à « l’inconnu », aussi bien à travers la narration de son dernier cambriolage que de ses actions qui vont en découler.
Henri Picard n’offre pas, non plus, à son héros, une méthode d’investigation toute personnelle et originale. Il préfère nous livre un policier « classique » même si celui-ci est précédé d’une belle réputation.
Durant le récit, jamais le lecteur ne pourra constater un quelconque flair, une quelconque façon de mener ses enquêtes ou un don d’observation ou de perspicacité particulier.
Juste un policier qui se contente de suivre les pistes et d’interroger jusqu’à découvrir le coupable et l’arrêter.
Le personnage est donc plus intéressant de par sa carrière littéraire que celle policière.
Pour autant, ce court roman n’est pas déplaisant à lire et donne même envie d’en apprendre plus sur le personnage d’autant que l’on pourra constater, si on se penche sur ses enquêtes antérieures (les plus concises) qu’il n’a pas toujours eu, forcément, cette bonhomie et cette placidité.
On remarquera que la fin ouverte laisse une possibilité d’un retour de « l’inconnu », ce qui sera d’ailleurs le cas dans au moins deux autres courts romans.
Au final, l’enquête m’ayant lancé sur la trace de Léon Mardoche est assurément plus exaltante que celle de ce roman, mais il ne faut pas pour autant bouder le plaisir de faire la découverte de ce personnage.