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Loto Édition
23 juin 2024

On est pas des saints

Je n’ai jamais boudé les récits sous contraintes. Voire, même, j’apprécie généralement que les auteurs, par défi personnel ou éditorial, se confrontent à des obligations qui, généralement, loin de brider leur plume et leur imagination, ne font que nourrir leur talent.

Question de contrainte éditoriale, on notera Jean Ray qui, en écrivant ses histoires d’Harry Dickson, trouvant les textes originaux qu’il avait à traduire trop mauvais, fut obligé d’écrire des histoires en rapport avec les illustrations des couvertures originales dont l’éditeur avait acheté les droits.

On parlera également de la littérature fasciculaire qui encadrait les auteurs dans la taille de leurs textes.

Les jeux d’écritures de l’Oulipo et de Raymond Queneau…

Jusque, dernièrement, « C’est quoi ce bordel » le roman de Bruno Gaccio écrit pour démontrer que, pour écrire un roman, il suffisait d’écrire.

Aussi, en tombant sur « On est pas des saints » de Jocelyne Bacquet et Nicolas Pellolio, où les deux auteurs, eurent pour contrainte d’écrire chacun son histoire à partir de 10 titres de chapitres, je me suis dit : « Pourquoi pas ! ».

Jocelyne Bacquet, je ne connaissais pas et de Nicolas Pellolio, je n’avais lu que « Poulet à la diable » qui ne m’avait pas passionné.

On est pas des saints :

Au cours d’une soirée, dix titres de chapitres qui surgissent de nulle part. L’idée était née : écrire chacun une histoire, peu importe le sujet, qui devra suivre l’ordre des dix titres. Jocelyne et Nicolas s’y sont collés, et ils n’ont pas lâché l’affaire. Les titres sont les mêmes, les histoires n’ont rien à voir. Quoique… Et la promenade vaut le détour ! Il y a du fric pas très propre dans tout ça, mais aussi de la gâchette facile, du franc-parler, du bas résille, de l’argot sur le mode SAS ou Audiard. Enfin bref, un univers auquel le noir et blanc sied à merveille… Serez-vous celui qui se laissera attraper par ces deux contenus d’un même emballage ?

C’est étrange de donner à son « roman », un titre comportant une faute (oublie de négation), mais on constatera que les fautes ne manquent pas dans le texte non plus.

Je ne connais pas SAS, mais l’argot à la Audiard ou à la Dard, c’est mon dada, comme disait Marcel Duchamp.

Pour autant, difficile de reconnaître de l’argot à la Audiard dans la prose des deux auteurs.

Bref.

La première histoire, celle de Jocelyne Bacquet, se concentre sur une famille d’entrepreneurs en tueurs à gages.

On constate rapidement que la contrainte des titres de chapitre comme épine dorsale du récit est vite (très vite) contournée par l’auteur qui se contente souvent de conter un petit évènement qui lui permet de placer le titre dudit chapitre sans que pour autant ce titre dirige l’action, l’intrigue, ni même ne porte l’histoire en partie.

Il n’y aurait pas ces titres à suivre, cela n’aurait rien changé.

Et quand la contrainte n’en est plus une…

En la matière, on préférera le diptyque « Marc-Antoine Decome » de KAMASH où l’histoire des deux opus est dirigée par les titres de chapitres tous issus de titres de romans policiers (issus de la plume d’auteurs du Grand Nord pour le premier opus, et d’écrivains français pour le second).

Si l’histoire de Jocelyne Bacquet se lit vite et sans trop de déplaisir, elle est aidée en cela par la concision du texte (les deux histoires ne formant, au final, qu’un minuscule roman).

D’un point de vue littéraire, pas de quoi révolutionner le genre.

D’un point de vue contrainte, on est proche du néant.

L’histoire de Nicolas Pellolio, elle, se concentre sur une jeune prostituée et ses « sœurs » de trottoir.

Si la contrainte des titres de chapitres est plus visible (sauf le chapitre sur l’omelette baveuse), elle est néanmoins, là aussi, contournée en partie par le fait que l’auteur, pour respecter lesdits titres et les dix titres, fait de chaque chapitre une scène de vie de ces prostituées.

Ainsi, si l’histoire a bien une fin (un peu tirée par les cheveux) le reste n’a pas de véritable liant (si ce n’est sur un chapitre ou deux).

Là encore, le récit se lit facilement du fait de sa concision, mais s’avère tout de même un peu plus intéressant, car mieux maîtrisé que le premier.

Cependant, là aussi, la contrainte n’en étant plus vraiment une, le jeu d’écriture tourne court et l’on n’a plus, pour se contenter, que l’intérêt littéraire qui est tout de même limité.

Au final, quand on fait tenir son livre et qu’on le vend sur l’idée de la contrainte littéraire, ce serait bien que cette contrainte soit le réel guide du bouquin et qu’elle soit visible en dehors de la lecture des titres de chapitres. Ce n’est pas vraiment le cas, aussi, le livre s’avère un peu vain… dommage.

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