Le mort se venge
Le vaste monde de la littérature populaire fasciculaire de la première moitié du siècle dernier, même en le restreignant au genre policier, contient un nombre incalculable de collections provenant des catalogues d'énormément d'éditeurs.
Dans le lot, des collections contenant des centaines de titres (« Police et Mystère », « Mon Roman Policier », des éditions Ferenczi ; « Allô Police » des éditions A.B.C..., par exemple), mais également d'autres plus éphémères, dont on peut, pour certaines, compter le nombre de titres sur les doigts de la main d'un ouvrier ayant perdu quelques phalanges dans une machine-outil.
Dans le lot, j'ai déjà évoqué les collections « Trois As », des éditions Chantal ou « Vidocq » des éditions André Bonne.
Depuis peu, c'est à la collection « La Silhouette » que je m'intéresse, une collection de 11 fascicules de 32 pages publiés en 1945 et qui n'a ni un genre ni un titre défini.
En effet, question intitulé, elle n'en avait pas et « La Silhouette » est le surnom que lui ont donné les aficionados de cette paralittérature du fait qu'une silhouette apparaît sur chaque couverture.
Quant au genre, si l'ensemble des titres s'adonnent au récit policier, celui qui ouvre la collection tend, lui, plutôt vers l'aventure et un autre, vers le récit sentimental.
Les auteurs sont divers et pour la plupart méconnus, voire inconnus, sauf Georges Fronval qui clôt la collection et, à la rigueur, Léon Valbert, qui signe 4 titres.
Et ce Léon Valbert (1867-1947) est l'auteur du titre du jour : « Le mort qui se venge », un fascicule de 32 pages paru en 1945 et 6e titre de la collection.
LE MORT QUI SE VENGE
La mort soudaine du célèbre toxicologue, le docteur Gardemont, plonge le Tout-Paris dans le deuil. Mais l'atmosphère solennelle de ses funérailles est brisée par une révélation fracassante : le savant aurait été empoisonné !
C'est en tout cas ce qu'avance une lettre de dénonciation posthume reçue par le procureur.
L'enquête, menée par le juge Gachelard, se focalise rapidement sur le cercle intime du défunt : sa jeune épouse Sophie, son assistant dévoué Noël Cadogan et son neveu Jacques Hortival, aux prises avec des problèmes financiers...
Le docteur Gardemont, éminent scientifique à l'origine de la découverte d'un mystérieux poison a trouvé la mort à la suite d'une lente maladie.
Mais quand, le jour des obsèques, le procureur reçoit un courrier... émanant dudit docteur, pour accuser sa jeune femme et l'amant de celle-ci d'avoir fomenté son empoisonnement, avec, justement, le poison qu'il a découvert, celui-ci décide de surseoir à l'enterrement pour faire pratiquer une autopsie.
L'empoisonnement confirmé, vient alors le moment de trouver qui est l'instigateur de l'assassinat. La femme ? Son amant ? Le neveu, potentiel héritier ? Le valet de chambre ? La cuisinière ? L'infirmière ?
Les révélations vont alors se succéder portant la suspicion de la justice des uns aux autres.
Bon, jusqu'à présent, Léon Valbert était l'auteur qui s'en sortait le mieux, dans le genre policier, dans la première partie de cette collection.
En effet, ses deux premiers récits étaient agréables à lire et cela ne pouvait qu'augurer le meilleur pour ce récit dont le titre était déjà prometteur.
Alors, Léon Valbert a-t-il tenu ses promesses ?
Oui et non, serais-je tenté de dire.
Oui, dans l'ensemble, puisque ce récit de 12 000 mots coche un peu toutes les cases d'un bon fascicule policier : style agréable, intrigue pas déplaisante, nombreux suspects, rebondissements multiples...
Non, pour ceux qui, comme moi, sont un peu allergiques à certains procédés narratifs.
En effet, ce récit est truffé littéralement de passages épistoliers (et je ne suis pas un fan du procédé). Oraison funèbre, lettre de dénonciation, passage de testament, articles de journaux, confessions écrites, tous les prétextes sont bons pour insérer les mots écrits par un tiers.
Si je comprends l'intérêt du procédé qui permet de conter avec précision et concision certains détails, je n'en suis pas pour autant fan et, quand ce procédé est utilisé à outrance, alors, cela a la fâcheuse tendance à me faire sortir de ma lecture... ce qui se produisit immanquablement.
On peut ajouter à cela le fait qu'il n'y a, dans ce récit, aucun " héros " auquel s'attacher.
Car, pas de grand policier, de détective de génie ou d'une tierce personne utilisant ses dons pour découvrir la vérité.
Il y a bien un juge d'instruction, mais celui-ci, finalement, ne sert pas à grand-chose dans l'histoire.
Du coup, procédé irritant, manque d'affects, et bien, malgré les autres cases cochées, cela suffit à diminuer fortement mon intérêt pour ce récit qui, sans doute, satisfera largement d'autres lecteurs moins phobiques du procédé incriminé ou qui n'ont pas besoin de s'attacher à des personnages.
Au final, un récit au titre prometteur mais qui s'avère décevant, la faute à des choix narratifs contestables et à l'absence d'un héros charismatique.