Le rapt énigmatique
Je ne devrais pas à avoir à expliquer qui est Henry Musnik.
Dans un monde parfait, tout le monde connaîtrait depuis longtemps son immense production.
Dans un monde pas mal fait, vous auriez au moins appris son existence et vous vous seriez familiarisé avec ses récits à travers les multiples chroniques que j'ai pu écrire sur les nombreux titres de l'auteur que j'ai lu.
Mais comme nous sommes dans un monde mal foutu qui part à vau-l'eau, je me vois obligé, une énième fois, d'écrire un bref résumé de la carrière du Monsieur.
Henry Musnik (1895-1957) est un journaliste et écrivain de langue française né au Chili. En plus d'être chroniqueur sportif, le bonhomme écrivit un nombre incalculable de récits dont la plupart furent destinés à des collections fasciculaires dans tous les genres à la mode à l'époque (sentimental, policier, fantastique, aventure, jeunesse).
Pour ce faire, il usa d'un nombre impressionnant de pseudonymes dont certains ne sont peut-être toujours pas identifiés. Parmi les plus usités, on citera : Claude Ascain, Pierre Olasso, Jean Daye, Pierre Dennys, Alain Martial, Gérard Dixe, Florent Manuel, Paul ou Pierre Braydunes, Christian Dee... j'en passe et des meilleurs.
Alors, oui, pour gonfler ses honoraires, le petit malin reprenait certains de ses textes, tout ou partie, parfois en modifiant les noms des personnages, les signait d'un autre pseudonyme pour les proposer à d'autres éditeurs. Parfois, ses textes étaient tout simplement réédités, sous le même titre ou sous un autre, chez le même éditeur, dans différentes collections.
Toujours est-il que, malgré cette astuce, sa production est si immense que je me demande si, un jour, je pourrais en faire le tour.
« Le rapt énigmatique » est un fascicule de 32 pages paru dans la collection « Allo Police » des éditions A.B.C. en 1941.
LE RAPT ÉNIGMATIQUE
L'institution Pignois est en émoi.
Le petit Robert Martinon qui y était en pension a disparu.
C'est du moins ce que son oncle, venu le chercher, prétend, puisqu'on lui répond que le gamin est parti avec lui quelques heures auparavant.
M. Martinon s'empresse de déposer une plainte contre inconnu pour enlèvement.
L'inspecteur Jeansert, chargé de l'affaire, va alors devoir démêler une intrigue d'autant plus complexe que le comportement de M. Martinon semble parfois bien étrange...
Le petit Robert Martinon a été enlevé à la sortie de l'institution dans laquelle il était scolarisé.
C'est du moins ce qu'assure M. Martinon quand il vient chercher son neveu.
Mais le principal est persuadé que c'est bien M. Martinon qui est passé le chercher quelques heures auparavant... du moins, un homme qui lui ressemblait fortement.
Après que M. Martinon ait porté plainte contre inconnu pour enlèvement, l'inspecteur Jeansert est chargé de l'enquête.
Mais, quand il veut interroger M. Martinon, celui-ci vient de subir une lourde chute et une blessure à la tête. Chute ? Le médecin qui l'a ausculté, lui, est persuadé qu'il a été frappé avec un objet contondant.
La plupart du temps, quand je lis un récit de Musnik, je retrouve un des très nombreux personnages de l'auteur.
En effet, Musnik aimait réutiliser ses textes, mais aussi ses personnages et il en créa un très grand nombre (Mandragore, Jack Desly, Daniel Marsant, le commissaire Lenormand, le commissaire Benoît, Robert Lacelles, Michel Vaudreuil, Yves Michelot, l'inspecteur Gaspin, l'inspecteur Marcellin...)
Mais, parfois, je lis également des " one shot ", des récits indépendants, ce qui est le cas du titre du jour.
Si le fascicule fait 32 pages, le fait qu'il fut publié en petits caractères explique que le texte atteint 14500 mots là où la plupart des titres de ce format ne dépassent guère 10 000 mots.
Cet excédent (qui frise les 50 %) permet alors à l'auteur de développer un peu plus son histoire et on a déjà constaté que Musnik était plus à l'aise dans les textes longs que dans le pur format fasciculaire 32 pages (Lire la série « Mandragore » pour s'en convaincre).
Et c'est donc le cas ici puisque Musnik (ou Ascain) développe une histoire plus complexe que d'ordinaire dans ses récits fasciculaires. Une histoire qui, non seulement, tient la route (bien qu'on puisse en douter en cours de lecture), mais qui s'avère, en plus pas inintéressante d'autant qu'il met en parallèle deux histoires qui, bien évidemment, vont finir par se réunir pour n'en faire qu'une.
Alors, il ne faut certes pas s'attendre à un immense suspens digne des meilleurs thrillers (pas assez de place, pas le genre de l'époque), mais l'ensemble se lit très agréablement d'autant qu'Ascain (ou Musnik) semble se départir un peu de sa plume un peu plate que je lui reprochais parfois (subjectivement ?).
Car, en effet, on a le droit à des variations de genres, l'auteur n'hésitant pas, parfois, à raccourcir ses phrases, pour dynamiser, n'hésitant pas même à proposer des phrases sans verbe.
Certes, le procédé n'est ni nouveau ni génial, mais il est suffisamment efficace pour le noter.
Au final, une partition à trois personnages qui se suit avec un réel plaisir et qui permet de constater que Claude Ascain (ou Henry Musnik) pouvait aussi écrire de bons fascicules policiers.