Éditeur ou charlatan ?
Maintenant que l'on a défini les différentes formes d'édition, il serait temps de réussir à différencier le véritable éditeur du véritable charlatan.
Il serait un peu trop évident de dire : "C'est simple, l'éditeur à compte d'éditeur est un vrai éditeur et l'éditeur à compte d'auteur est un charlatan".
Cependant, d'après mon dictionnaire préféré, le charlatanisme se définit comme suit : "Art d'exploiter la crédulité d'autrui érigé en système".
Aussi, selon moi et selon mon dictionnaire, l'éditeur à compte d'auteur qui affiche clairement son statut et ses prix, ne serait pas un charlatan.
Effectivement, si certains auteurs sont crédules, d'autres le sont moins et connaissent parfaitement les failles commerciales ou littéraires de leurs oeuvres et sont donc conscients qu'ils ne pourront jamais convaincre aucun éditeur à compte d'éditeur d'investir dans leur histoire. Mais, désireux tout de même de voir leurs mots sur le papier, pour partager avec des proches (par exemple l'autobiographie du grand-père) ou tout simplement par plaisir personnel car, même un mauvais roman nécessite un investissement de temps et un investissement émotionnel, l'auteur pourra se tourner volontairement et en connaissance de cause vers l'éditeur à compte d'auteur pour s'éviter toutes les tracasseries de l'auto-édition.
A ce titre, difficile alors de parler de charlatanisme quand chacune des deux parties sait à quoi s'attendre.
Par contre, lorsque l'éditeur à compte d'auteur cherche à se faire passer pour un éditeur classique en cachant ses prix à l'auteur et en utilisant des termes ambigus pouvant laisser penser à l'auteur qu'il a à faire à un véritable éditeur à compte d'éditeur, alors, on peut parler de charlatanisme pour ne pas dire d'arnaque.
Évidemment, ceux-ci se défendront en disant qu'ils ne forcent personne à signer, effectivement, mais lorsque l'on use de la naïveté des gens en cachant sciemment des éléments susceptibles d'éclairer l'auteur, il serait préférable de faire profil bas.
Donc, comment dénicher le charlatan ?
Il existe quelques indices qui permettent de soupçonner que l'on a à faire à un éditeur à compte d'auteur même s'il tente de cacher son véritable statut.
1) Une méthode très facile et très rapide pour faire un tri consiste à ouvrir une page Google (ou un autre moteur de recherche mais j'aime bien Google). Vous tapez le mot "éditeur" dans la recherche et vous observez la page qui s'ouvre devant vous.
Vous verrez alors que votre page de recherche se décompose en trois parties. En haut à gauche, quelques lignes dans un cadre grisé, en dessous, de nombreux autres résultats et une colonne à droite.
Le cadre grisé et la colonne de droite ne contiennent que des sites qui ont payé pour apparaître à cet endroit. Vous constaterez que chacun d'entre eux lance un appel aux auteurs pour les encourager à leur envoyer leurs manuscrits.
Ces deux seuls indices sont suffisants pour s'assurer qu'il s'agit bien d'édition à compte d'auteur. Dans la liste vous trouverez Les éditions Bénevent, Les éditions Baudelaire, Les éditions Mélibée, Les éditions Persée, 7écrit, Les éditions Amalthée, Les éditions Thélès...
2) Un éditeur clamant haut et fort qu'il est à la recherche d'auteurs et vous invitant à envoyer vos manuscrits est, dans 99,99% des cas, un éditeur à compte d'auteur. Faisant son beurre avec l'argent de l'auteur, un éditeur à compte d'auteur cherche avant tout des auteurs là où un éditeur à compte d'éditeur cherchera des lecteurs. Effectivement, l'éditeur à compte d'auteur n'a pas besoin de lecteurs puisque c'est l'auteur qui le nourrit.
3) Un éditeur qui publie tout et n'importe quoi. Un éditeur à compte d'éditeur investit son propre argent dans l'ouvrage d'un auteur, aussi, il fera bien sûr une sélection et fera en sorte d'avoir une ligne éditoriale digne de ce nom. Si vous tombez sur un éditeur qui publie des romans, des poèmes, des nouvelles, de la science fiction, des autobiographies, des essais, de la Fantasy... vous pouvez être sûr qu'il s'agit là d'un éditeur à compte d'auteur. Pas besoin, pour eux, d'une ligne éditoriale, au contraire, puisque, de toute façon, plus ils ont d'auteurs et plus ils gagnent de l'argent même sans vendre de livre.
4) Un éditeur qui vous répond en moins de 15 jours. Un éditeur classique en bonne santé reçoit des centaines de manuscrits voire des milliers par an. Même avec un comité de lecture performant, il faut plusieurs mois avant d'obtenir une réponse de leur part. Pour ce qui est des petits éditeurs, le temps d'attente peut être également comparable. La seule façon de répondre en 15 jours est de ne pas lire le manuscrit. Si quelqu'un accepte de publier votre manuscrit sans le lire, c'est pour une seule raison, il n'a pas besoin de vendre de livres puisque c'est sur le dos de l'auteur qu'il se fera son beurre.
5) Un éditeur qui vous cire les pompes outre-mesure. Si vous recevez un courrier encensant votre roman sans aucun bémol, vous pouvez être sûr d'avoir à faire à un éditeur à compte d'auteur. Effectivement, un véritable éditeur, même s'il est emballé par votre ouvrage, aura toujours trouvé quelques points à améliorer. Avant de vous faire signer quoi que ce soit, il voudra être sûr que vous accepterez de retravailler votre roman, aussi, il vous parlera des points faibles constatés.
En clair, si la lettre de l'éditeur vous dit que vous êtes un génie qu'il faut absolument publier immédiatement, c'est plus que louche.
6) Si l'éditeur se vante d'avoir 4215 auteurs et 8975 livres à son catalogue, vous pouvez être sûr que son métier c'est de faire signer des auteurs et non de vendre.
Malgré les indices précités, vous pourriez être amené à douter encore d'un éditeur, vous pouvez alors poursuivre vos investigations pour en savoir plus.
1) Vous pouvez les appeler pour leur demander mais sachez que, bien souvent, les éditeurs à compte d'auteurs refusent d'admettre qu'ils ne sont pas de vrais éditeurs. Aussi, ils trouveront toujours un moyen de détourner la chose pour la présenter sous un jour qui leur est favorable.
2) Si vous ne trouvez aucun livre de l'éditeur dans les librairies autour de chez vous, alors, vous avez à faire soit à un tout petit éditeur, soit à un éditeur à compte d'auteur.
3) Tapez, dans un moteur de recherche "Avis + le nom de la maison d'édition" et vous trouverez sûrement un lien vers un forum d'écrivains amateurs ou bien un blog d'écrivains ayant eu à faire avec l'éditeur en question et vous aurez plus de renseignements sur lui.
En conclusion, même si certains éditeurs à compte d'auteurs cherchent à se faire passer pour des éditeurs classiques, il est assez facile de les différencier avec un peu d'habitude et quelques recherches sur Internet.
Si l'éditeur à compte d'auteur a son rôle à jouer dans le domaine du livre en permettant à certains écrivains boudés par les éditeurs classiques ou désireux de gérer complètement un ouvrage (ce qu'ils n'auraient probablement pas pu faire chez un vrai éditeur), il faut malheureusement se méfier de ceux qui cherchent à se faire passer pour ce qu'ils ne sont pas et qui profitent de la naïveté d'écrivains souvent trop pressés pour suivre le parcours habituel ou pour se renseigner un peu sur le milieu.
Pour les conseils aux écrivains en recherche d'éditeurs, ce sera pour un prochain article.