La mémoire fantôme
La mémoire fantôme : Une femme à bout de souffle court dans l'orage. Dans le creux de sa main, un message gravé en lettres de sang : « Pr de retour ». Elle pense être en février, nous sommes fin avril. Elle croit sa mère vivante, celle-ci s'est suicidée voilà trois ans dans un hôpital psychiatrique... Quatre minutes. C'est pour elle la durée approximative d'un souvenir. Après, sans le secours de son précieux organiseur électronique, les mots, les sons, les visages... tout disparaît. Pourquoi ces traces de corde sur ses poignets ? Que signifient ces scarifications, ces phrases inscrites dans sa chair ? Quel rapport entre cette jeune femme et les six victimes retrouvées scalpées et torturées quatre années plus tôt ? Pour Lucie Henebelle, lieutenant de police de la brigade criminelle de Lille, la soirée devait être tranquille. Elle deviendra vite le pire de ses cauchemars... Une lutte s'engage, qui fera ressurgir ses plus profonds démons.
Franck Thilliez est un auteur qui a les qualités de ses défauts et les défauts de ses qualités.
Je l'ai découvert avec son troisième roman, « Deuil de Miel », puis son premier qui est en fait le second, « Train d'enfer pour ange rouge », tous deux mettant en place le personnage fracassé de Franck Sharko.
Pour autant, je connaissais l'œuvre de l'auteur à travers l'adaptation cinématographique de son roman, « La Chambre des morts », proposant un autre personnage, celui de Lucie Henebelle.
Emballé par ces lectures, je m'étais ensuite plongé dans « Fractures » qui m'avait moyennement passionné.
Après avoir mis de côté l'auteur pendant quelques années, voilà que je décide de lire « La chambre des morts », pour découvrir Lucie Henebelle.
Quelques mois plus tard, je me décide à lire « La Mémoire Fantôme », pour retrouver le personnage de Lucie Henebelle, cette jeune flic mère de jumelles et dont l'attrait pour le morbide est pathologique.
Pour revenir aux défauts et aux qualités de l'auteur, il faut avant tout savoir qu'avant d'être un écrivain reconnu, il était ingénieur informaticien. Cette information permet surement de comprendre son obsession pour des sujets pointus, l'habitude qu'il a, peut-être inconsciemment, de traiter le corps et l'esprit comme une machine déficiente.
Dans le roman qui nous intéresse, c'est avant tout la mémoire de l'être humain qui est au centre de l'enquête, celle de Lucie, mais aussi celle de l'auteur. Car Franck Thilliez ne se contente pas d'aborder un sujet, il le dissèque, pour l'analyser, le comprendre et l'expliquer.
Cette analyse peut alors être passionnante, si tant est que le sujet puisse intéresser le lecteur, ou bien légèrement rébarbative si le sujet laisse le lecteur de marbre. C'est la raison pour laquelle « Fractures » ne m'avait pas conquis. Pour autant, le talent de conteur de Franck Thilliez suffit à maintenir l'intérêt, même avec un sujet qui nous touche moins.
Dans « La Mémoire Fantôme », Franck Thilliez aborde deux sujets passionnants, la mémoire de l'humain et les énigmes mathématiques.
Manon est une jeune femme qui, suite à une agression, a perdu sa faculté mémorielle. Elle est incapable de retenir quoi que ce soit plus de quelques minutes à moins de les apprendre par cœur jusqu'à ce que l'information se transforme en réflexe « pavlovien ».
Elle qui a, jadis, aidé la police à trouver la trace du Professeur, un tueur en série qui oblige ses victimes à résoudre des énigmes mathématiques dans des conditions de stress extrêmes sous peine de les tuer (et il n'y a eu aucun survivant), est retrouvée affolée, des traces de liens sur les poignets, la phrase « Pr de retour » graver dans la paume de la main.
Lucie Henebelle, qui découvre la femme près de chez elle, décide de l'aider à mener son enquête pour retrouver le Professeur. Mais à force d'informations, de faux semblants, de suspects et de personnes louches, Lucie aura, jusqu'au bout, fort à faire pour résoudre l'énigme, trouver le coupable et, surtout, pour cerner la jeune Manon.
Franck Thilliez nous propose des personnages complexes, tant à travers Lucie que Manon ou le flic qui était chargé de l'affaire du Professeur et qui revient sur le devant de la scène. L'auteur évite de nous submerger d'informations tout en étant suffisamment pédagogue pour nous fournir juste ce qu'il faut pour que le lecteur ait l'impression de comprendre et d'apprendre.
De plus, il est presque assuré que le lecteur conquis s'attachera à résoudre l'énigme d'Einstein, une énigme qui, selon le savant, ne peut être résolue que par 2 % de la population. Pour information, bon, j'ai trouvé la réponse à cette énigme, mais il m'aura fallu une heure faute d'application.
Au final, Franck Thilliez nous livre là un roman passionnant portant sur un sujet qui l'est tout autant. Un roman intelligent et haletant, qui fait dire au lecteur qu'il est probablement plus intelligent quand il l'a refermé que quand il l'a ouvert.