Toxique
Dis-moi ce que tu lis, je te dirais quel auteur tu es, voilà un aphorisme qui pourrait probablement être vérifiable pour peu que quelqu’un fasse un sondage sur la question.
Toujours est-il que, plus on lit les auteurs de romans policiers actuels, plus on a l’impression de sans cesse retrouver les mêmes personnages, les mêmes clichés, les mêmes stéréotypes, les mêmes enjeux, les mêmes narrations. Phénomène de mode ou bien auteurs qui nourrissent d’autres auteurs ou, encore, cahier des charges imposé par les éditeurs pour espérer trouver le succès ???
À vrai dire, je ne sais pas trop, mais j’aurais tendance à dire : « un peu des trois, mon colonel ! »
Effectivement, en tant qu’éditeur, fût un temps, j’avais ouvert la réception des manuscrits à des auteurs vivants (les morts avaient moins tendance à m’envoyer leurs manuscrits). Si, depuis, je me suis focalisé sur les auteurs morts (ils sont moins chiants et moins exigeants que les vivants), demeurant le seul auteur vivant de mon catalogue, la raison est, pour beaucoup, que les manuscrits que je recevais se calquaient, dans le genre et les personnages (beaucoup moins dans la qualité littéraire), sur les livres à succès de l’époque (en clair, de mauvais clones de « Harry Potter » ou « Le seigneur des anneaux » et compagnie [alors que ma maison d’édition était déjà spécialisée dans le polar].
Alors, si les mauvais auteurs s’inspirent des auteurs à succès, on peut très bien penser que les moyens et bons auteurs en fassent autant, du moins, pour la plupart. Si on rajoute que les éditeurs recherchent ce genre de manuscrits parce qu’ils ont déjà un certain public, on comprendra que l’on retrouve les mêmes personnages, les mêmes styles et les mêmes clichés d’un roman à l’autre.
Tout ça pour dire que l’originalité ne sera pas la qualité première du roman « Toxique », pas plus que la narration, ou les personnages.
Car, une fois de plus, un auteur de polar nous sert un héros dur à cuire, mais au passé tortueux, cabossé par la vie, qui abuse de la violence pour faire justice et défendre les faibles...
Forcément, ce héros a une vie difficile, l’amour de sa vie l’a plaqué, il est traumatisé par un passé trouble qui va vite le rattraper, et, allons jusqu’au bout, va avoir une relation poussée avec une collègue de travail.
Niko Tackian, l’auteur, enfile les poncifs comme un Casanova les conquêtes, avec pour seule excuse, de pousser le curseur d’un cran par rapport à la majorité de ses rivaux. L’histoire n’est pas originale, mais elle l’est un poil plus que la production usuelle du genre. Le style n’est pas exceptionnel, mais il est moins insipide que la production usuelle du genre. Les personnages ne sont pas atypiques, mais ils le sont un brin plus que ceux de la production usuelle du genre. Les rebondissements ne sont pas surprenants, mais ils le sont un chouya plus que ceux de la production usuelle du genre. Bref, « Toxique » n’est pas un roman remarquable, mais il se situe légèrement au-dessus du tout-venant habituel.
Au final, un roman policier qui se lit jusqu’au bout, parce qu’il n’est pas excessivement long et qu’il bénéficie d’une qualité légèrement supérieure à ce que l’on a l’habitude de trouver en librairie.