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Loto Édition
15 novembre 2020

Le sillon tragique

CouvLST

H.J. Magog alias Henri-Georges Jeanne est un auteur majeur de la littérature populaire de la première moitié du XXe siècle qui a un peu été oublié.

Auteur prolifique de romans d’aventures, romans policiers, romans fantastiques, contes, feuilletons… dont nombre romans ont été diffusés dans les magazines et les journaux de l’époque sous forme de feuilletons.

Il a notamment inondé les pages du journal « Le Matin » avec ses romans et une chronique quotidienne, « Les 1 001 matins » que Colette, quelques années avant, avait rendu populaire et pour laquelle H. J. Magog livre plus de 600 courts textes.

« Le sillon tragique » est un roman de 35 000 mots paru en 1936 dans le magazine « Lecture pour Tous ».

LE SILLON TRAGIQUE

Joseph Fonval est un fermier chenu de quatre-vingts ans. Attaché à ses terres qu’il laboure en compagnie de son aîné, il n’a qu’un seul regret, que ce dernier n’ait pas un fils à qui il léguerait son goût du travail et ses biens.

Aussi il espère que sa petite-fille épousera un campagnard, même si elle est davantage attirée par la modernité de la ville que par la rusticité de sa vie actuelle.

Mais un danger menace son univers : un grand barrage est en construction afin de noyer sa vallée et y créer un lac artificiel.

Entre un faux ami qui cherche à obtenir la main de sa petite-fille et, ainsi, s’accaparer le domaine familial pour le revendre à prix d’or aux constructeurs et la jeune femme qui s’éprend d’un ingénieur travaillant sur le chantier, tous les ingrédients vont être réunis pour mener ce petit monde à la catastrophe…

« Le sillon tragique » contrairement à mes habituelles lectures, n’est pas réellement un roman policier bien qu’il évoque meurtre, magouille, attentat…

S’il y a bien des criminels, il n’y a pas de détective, pas de policier, pas d’enquêteur.

En fait, H. J. Magog nous livre ici un drame paysan avec une certaine vision sociétale d’une époque charnière des générations se côtoient sans vivre dans le même monde.

Joseph Fronval représente l’ancien monde, le monde paysan, le monde patriarche, où l’homme est enraciné dans sa terre et dans des traditions ancestrales.

Colette Fronval, sa petite-fille, figure la modernité. Ayant étudié à la ville, elle n’aspire qu’à une vie loin de la terre, une vie citadine, nourrie par les innovations.

Entre les deux, Pierre Fronval, le père de Colette, le fils de Joseph, est la passerelle entre ces deux mondes. Travaillant et aimant la terre, mais pas au point de mourir pour elle, acceptant la modernité tout en la redoutant, tout comme il redoute le père tout en respectant sa force et sa volonté.

Puis il y a Sernin Loubaresse, l’aigrefin, le personnage qui navigue dans les eaux troubles, quel que soit le monde dans lequel il officie. L’homme qui louvoie, qui charme, qui ment, dans le seul but de s’enrichir.

Et c’est parce qu’il est au courant bien avant tout le monde du projet de barrage qui va indéniablement conduire à l’inondation de la vallée qu’il décide de racheter pour une bouchée de pain les terres concernées afin de toucher un maximum de compensation quand elles seront rachetées pour le bien du projet.

Mais si la plupart des paysans de la vallée n’aspirent qu’à une vie moins rude, Joseph Fronval, lui, compte bien mourir sur sa terre et la nourrir de son corps.

Sachant alors qu’il n’a aucun espoir de pouvoir acheter la ferme de Fronval, il se fait passer auprès de Joseph comme un homme de sa trempe, le seul prêt à le soutenir à se battre contre la modernité, dans le seul but de l’amadouer et d’épouser sa petite-fille afin d’hériter des terrains.

Mais si ses plans fonctionnent à merveille avec un Joseph trop content de trouver, enfin, un homme qui aime autant la terre que lui, Colette, qui s’est entichée d’un jeune ingénieur travaillant sur le barrage, n’est pas prête à céder aux exigences d’un autre âge de son grand-père.

Pierre, le fils, est alors tiraillé entre l’amour de sa fille et de son bonheur et la peur et le respect pour son père et le désir de le ménager au maximum.

H.J. Magog mitonne sa petite popote, plongeant ses ingrédients un à un dans le bouillon pour les laisser mijoter, avant de poser le couvercle sur l’ensemble afin de faire monter la pression… jusqu’à l’explosion ?

Le lecteur est pris à parti. S’il n’accepte pas le comportement du vieux Joseph, cela ne l’empêche pas d’avoir une certaine affection pour le personnage et ce qu’il représente. Au contraire, le lecteur aimerait pouvoir exhorter Pierre à se rebeller contre l’ordre établi, le pousser à s’imposer face à son père à lui ouvrir les yeux, quitte à le faire souffrir, plutôt que de le laisser dans l’obscurité le plus longtemps possible. Car, si Pierre ignore que patienter c’est endurer, le lecteur, lui, le sait qu’il vaut mieux retirer le pansement d’un coup.

Le lecteur assiste donc impuissant à cette pression qui monte et qui s’apprête à éclater.

H.J. Magog a une écriture plaisante et agréable à défaut d’être innovante (mais là n’était pas le but) et nous propose des personnages d’un classicisme servant l’histoire. Chacun est à sa place et c’est parce que, justement, aucun ne surprend réellement, que le lecteur n’est pas surpris par les protagonistes, qu’il se met à craindre un final explosif.

Cette crainte se transforme alors en angoisse et l’angoisse en frustration de ne pouvoir influer sur la conclusion de l’histoire.

Au final, H.J. Magog nous livre un bon drame des campagnes, empreint de nostalgie et d’émotions, une vision, certes maintenant dépassée, du changement d’un monde, d’une époque charnière. 

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