Darling Dollar
Et une découverte de plus, une !
Raf Vallet, sous ce pseudonyme qui ne paie pas de mine, se cache le journaliste et romancier Jean Laborde.
Encore une fois, je parle de découverte alors que, sans le savoir, je connaissais déjà un peu l’œuvre de l’auteur à travers les adaptations cinématographiques de ses œuvres.
Effectivement, « Le Pacha » avec Jean Gabin, est tiré de « Pouce ! » signé Jean Delion (un pseudonyme de l’auteur). « Mort d’un pourri » avec Alain Delon, est lui tiré d’un livre éponyme signé Raf Vallet.
Mais c’est surtout « Adieu poulet ! » avec Lino Ventura et Patrick Dewaere qui est un de mes films préférés des deux acteurs et que j’ai vu de nombreuses fois, qui me permit de faire connaissance avec le monde de Vallet.
On notera également que l’auteur a participé au scénario et aux dialogues de « Peur sur la ville » avec Jean-Paul Belmondo et le trop sous-estimé Charles Denner.
Il était donc temps de faire connaissance directement avec la plume de l’auteur et, n’ayant pas trouvé « Adieu Poulet ! », c’est avec « Darling Dollar » que je fis le premier pas.
Darling Dollar :
Cinq nababs pourris de fric se rejoignent sur le bateau de l’un d’eux, le Darling Dollar, pour flamber au poker. Moi, Antoine Marucci, escroc légendaire et fauché, figure de proue de l’arnaque, je décide d’entrer dans la partie. Mais mon but final, c’est de faire trembler Wall Street. Comme en 1929. J’y réussis. Oui, oui ! Mais ensuite, ça se gâte, ça tire de tous les côtés, je marche sur les cadavres... Misère de misère, comme me disait ma bonne maman !
Ahhhh !!!! quel étrange roman que celui-ci ! Étrange car, bien que regroupant beaucoup des éléments de films ou de romans de casse, le récit n’en demeure pas moins assez particulier.
Narrée à la première personne, des yeux d’Antoine Marucci, escroc de haute voltige qui réussit à la fois les coups les plus fumants et à toujours être fauché, l’histoire se présente comme le plan le plus machiavélique et le coup le plus enrichissant de toute la carrière du brigand.
Plus tout jeune, mais toujours aussi charmant, à l’intelligence et la psychologie certaine, sachant s’appuyer sur des collaborateurs fidèles et sur son jeune frère, Antoine Marucci décide de prendre en otage 5 hommes parmi les plus riches du monde qui se réunissent sur le yacht de l’un d’eux afin de faire un voyage prétexte à de longues parties de poker.
Faisant en sorte d’infiltrer le personnel de bord, en s’assurant que certains membres d’origine manquent à l’appel, mais sans user de violence, Antoine Marucci s’apprête à prendre possession des lieux, à prendre en otages les participants, non pas pour les voler, mais, plus finement, machiavéliquement, pour les inciter, via des ventes massives et rapides d’actions de certaines de leurs entreprises, à influer sur les cours de la bourse afin de s’enrichir tout aussi rapidement en faisant des placements judicieux.
Raf Vallet nous convie donc à une sorte de « Ocean Eleven » sur l’eau avant l’heure avec une construction similaire.
D’abord, la phase de préparation, avec l’éviction de certains membres du personnel pour les remplacer par des hommes à lui.
Ensuite, la phase d’action, en prenant possession des lieux.
Enfin, la phase de réflexion, avec la mise en place du plan.
Si une telle structure permet de faire monter la sauce dans un film, de par le rythme progressif et l’accumulation de plans structurés (voire partagés), en littérature, elle a de quoi faire peur.
Effectivement, le procédé est assez casse-gueule et peut vite se révéler rédhibitoire (avec un h quelque part).
L’auteur évite l’écueil de justesse, le début du roman étant quelque peu fastidieux.
Heureusement, le passage est suffisamment court et la narration et l’humour assez maîtrisés pour faire avaler la pilule.
La suite, également, avait de quoi faire peur. Organiser, sur le papier, une arnaque à la bourse n’est pas l’acte le plus facile à digérer dans l’encre.
Pourtant, là aussi, l’auteur remplit sa mission et parvient à rendre l’ensemble agréable à suivre.
Et c’est principalement le détachement du héros et l’humour de l’auteur qui tiennent ce roman à bout de bras.
Car, si Antoine Marucci est intelligent, il est surtout décomplexé, nonchalant, joueur, un brin lymphatique, et apprécie autant qu’on l’aime et qu’on le déteste.
Puis il y a les seconds rôles. Le jeune couple de ses amis dont lui est un queutard fini et elle une jalouse invétérée (mais les apparences sont souvent trompeuses). Les nababs, qui, chacun, ont leur personnalité. Si la plupart sont en retrait, l’un d’eux, ayant déjà eu affaire à Marucci, s’avère également être un adversaire à la fois coriace et imprévisible.
Si la mise en place du récit et des personnages est un peu moins exaltante que le reste, du fait, notamment, des nombreux personnages, l’auteur réduit vite la foule à un triumvirat entre Marucci, l’un des Nababs et un troisième personnage que je vous laisse découvrir à la lecture.
Car, malgré une action qui semble linéaire, l’auteur n’oublie pas d’instiller également quelques rebondissements, révélations, de l’action, quelques critiques sociétales et nous offre un final que ne renierait aucun bon film d’arnaque.
Au final, un bon livre qui, pourtant, par son titre et sa mise en place ne payait pas de mine, mais qui remporte très vite l’adhésion grâce à un style, des personnages et un rythme très plaisants.