Sois zen et tue-le
Cicéron Angledroit est un détective dont les aventures sont narrées par... Cicéron Angledroit !
Bon, rien d’original dans le monde de la littérature en général et de la littérature policière en particulier puisque l’auteur prenant pour pseudonyme le nom de son personnage pour narrer ses aventures à la première personne, on connaît ça depuis belle lurette (San-Antonio, Enzo Bartolli...)
Dans le cas de Cicéron Angledroit se cache un certain Claude Picq. Je dis « Certain » sans que cela soit péjoratif, juste que je n’ai pas beaucoup d’infos sur l’auteur, et ce n’est pas bien grave puisque, chez les auteurs inconnus comme chez les auteurs connus, la biographique m’intéresse peu, seule la bibliographie m’importe.
Pour en savoir plus sur l’une et sur l’autre, il vous suffit de vous rendre sur le site de l’auteur.
La seule chose que l’on pourrait retenir sur le passé de Claude Picq, c’est son goût littéraire pour San Antonio et Léo Malet.
Sois zen et tue-le :
Mais qu’est-ce qu’il lui prend, à la mère Costa, de me demander d’enquêter sur le mort de son mari enterré depuis dix ans ? Si j’accepte c’est bien parce que j’ai besoin de sous. Et puis il y a cette histoire de truands de banlieue qui explosent à chaque coin de rue. Et ces SDF qui n’en sont pas. Ajoutez une ou deux femmes mariées, un Yorkshire… mélangez le tout et dégustez ! Mais c’est qui qui tue ? Pour le savoir il va falloir me suivre, moi Cicéron Angledroit, jusqu’au bout de cette histoire.
Tiens, tiens, il était temps que je me rende compte que je plongeais d’une lecture à une autre sans réellement changer d’ambiance ou d’univers.
Effectivement, s’enchaînent dernièrement des enquêtes à la première personne très fortement inspirées des aventures de San Antonio, tant dans la forme que dans le fond.
Que ce soit les aventures de Requiem, le curé justicier, celles du détective Enzo Bartolli, de Thomas Fiera ou de celles de Cicéron Angledroit, la filiation directe avec San Antonio de Frédéric Dard et Nestor Burma de Léo Malet est évidente. Parfois bien trop évidente (n’est-ce pas Requiem et Enzo Bartolli), d’autres fois moins directes, mais toutes aussi inspirées.
J’étais resté dubitatif sur ma dernière lecture du genre et l’enquête de Requiem qui pour trop vouloir faire du San Antonio passait à côté de la substantifique moelle de l’auteur qu’il singeait.
Je suis tout aussi dubitatif avec le roman dont il est question aujourd’hui, mais pas pour les mêmes raisons... quoique.
Cicéron Angledroit est un détective privé divorcé et qui a une jeune fille à charge, Elvira Angledroit, qu’il confie à sa mère (à la grand-mère de la petite, donc) faute de pouvoir s’en occuper.
Manque d’argent, manque de travail, manque d’envie... sa vie est pleine de manques.
Pourtant quand une vieille dame l’embauche pour découvrir la raison de la mort de son mari dix ans auparavant, Cicéron voit déjà son compte bancaire renaître. Mais, au même moment, une bombe artisanale éclate dans la galerie marchande dans laquelle il se rend quotidiennement pour aller boire son café dans le bistrot avoisinant. C’est l’occasion de faire connaissance avec une victime, un témoin et le commissaire chargé de l’enquête. Mais une bombe en cache une autre et pas que des anatomiques...
Si l’auteur ne verse pas dans le langage argotique en tentant vainement de concurrencer Frédéric Dard (car la tentative sera toujours vaine) comme deux des confrères que j’ai cités précédemment et beaucoup d’autres encore, le grand défaut de ce premier roman (de la série, et qui n’est peut-être pas présent dans les autres) est nettement son scénario, son intrigue.
Et là, comme à chaque fois que l’intrigue est le nœud d’un souci, il m’est difficile d’en parler explicitement pour ceux et celles qui voudraient, par la suite, lire le roman.
Sachez seulement que l’auteur étouffe très brutalement la meilleure intrigue de l’histoire pour laisser courir la moins intéressante, ce qui n’est pas très judicieux à mon sens.
D’autant que l’une comme l’autre affaire est résolue sans qu’enquête soit réellement nécessaire puisque les coupables sont rapidement découverts, tout juste s’ils ne se dénoncent pas eux-mêmes (pas si tout juste que cela, d’ailleurs) et ni la révélation de l’un ou l’autre des coupables n’apporte un réel plus ni un plaisir de lecture accru.
Pourtant, le style du roman n’est pas désagréable et l’on apprécie que l’auteur n’ait pas tenté de concurrencer les auteurs qu’il prend pour référence.
Le personnage principal offre également un certain intérêt sans pour autant être hyper attachant et très original. Mais le bonhomme a un peu d’humour, de l’ironie, un certain sang-froid (ou fataliste, allez savoir). Cependant, en en faisant un queutard quelque peu alcoolique, on repassera pour l’originalité.
Les personnages secondaires (qui, si j’ai bien compris, reviennent dans les autres romans de la série), tant le vendeur de journaux que le mec qui s’occupe des caddies sont eux aussi sympathiques et peut-être même plus attachants que le détective.
Mais le roman manque cruellement, en plus d’une intrigue intéressante, d’une scène réellement forte.
C’eut pu être la scène de l’explosion dans le supermarché, celle de la révélation finale, mais celles-ci se révélant, au final, un peu fades, la scène qui marquera le plus est la scène de sexe, la fameuse scène de sexe si chère aux scénaristes des romans, séries et films policiers actuels, celle qui ne sert à rien si ce n’est à capitaliser sur la non moins fameuse mentalité libidineuse de tout homme et toute femme qui se respecte (du moins si l’on en croit lesdits scénaristes qui font baiser leurs personnages en toutes occasions, même les moins appropriées... surtout, les moins appropriées).
Et cette scène de sexe tombe, non seulement, comme un poil de cul dans la soupe (oui, j’accorde ma prose au sujet), mais en plus entre quelque peu en contradiction avec le ton général du roman.
Au final, avec des personnages sympathiques, mais peu originaux, une intrigue faible et inintéressante, un style pas désagréable, mais un cruel manque de scènes fortes et une couverture qui ne donne pas envie, Cicéron Angledroit nous propose un roman qui se lit vite et facilement, mais sans laisser une trace indélébile dans l’esprit du lecteur et, surtout, sans réellement lui donner envie de plonger dans sa prochaine aventure.