Cercueils et bandits
René Schwaeblé n’est pas le premier auteur auquel on pense en évoquant la littérature populaire fasciculaire, mais on oublie que si sa production en la matière était loin d’atteindre, en quantité, celles de nombres de ses confrères de l’époque, elle était, du moins, qualitativement intéressante.
Né en 1873 et mort en 1938, René Schwaeblé fut docteur en droit et en médecine et commença l’écriture par scientifiques et ésotériques, puis des études de mœurs avant de se lancer dans la fiction, principalement policière et sentimentale.
Sa production policière eut pour source de diffusion principale, les collections fasciculaires des éditions Ferenczi (« Le Roman Policier », au début des années 1920, dans un premier temps avec réédition des titres pour la collection « Police et Mystère » quelques années après.
« Cercueils et bandits » fut tout d’abord publié en 1920 dans la collection « Le Roman Policier » des éditions Ferenczi [n° 68 de la collection], avant d’être réédité dans la collection « Police et Mystère » en 1935 [n° 175].
CERCUEILS ET BANDITS
Quand un égoïste aussi égocentrique que richissime se fait enterrer avec faste et avec ses bijoux estimés à plusieurs millions, il n’en suffit pas plus pour attirer les convoitises de bandits.
Mais lorsque l’un des malfrats sombre dans la folie en plein milieu du cimetière, que des cercueils et une dépouille sont retrouvés en pleine nuit dans le bois de Vincennes, que le fiancé de la nièce du défunt est soupçonné du viol de sépulture et qu’un riche auteur de théâtre livre à la police anglaise un des diamants volés en affirmant que quelqu’un l’a abandonné sur sa table, l’affaire devient bien trop embrouillée pour les policiers chargés de l’enquête…
Un richissime égoïste égocentrique est enterré avec faste. L’homme, fils d’un couple d’épiciers qui ont fini par faire fortune en ouvrant des succursales a passé sa vie à se faire flatter et à écrire de pauvres poèmes.
Plutôt que de léguer sa fortune à sa seule parente, une jeune fille sans le sou, il a préféré tout dilapider et se faire enterrer avec tous les honneurs en dépensant sans compter. Avec le reste de l’argent, il a acheté de magnifiques bijoux dont il a exigé qu’ils soient enterrés avec lui.
C’est dire si la tombe fait des envieux et, un soir, des hommes s’introduisent dans le cimetière pour récupérer le magot...
Quelle étrange histoire, quel étrange roman auquel nous convie l’auteur.
Alors que le format fasciculaire de 32 pages et la taille du texte [14 500 mots] imposent une concision qui généralement empêche les tergiversations et les circonvolutions littéraires et incitent à un récit linéaire allant droit au but, René Schwaeblé s’amuse à papillonner tant par sa plume que par sa narration tout le long de la première moitié du récit.
L’auteur n’hésite alors pas à se laisser aller à des descriptions bucolico poétiques sur le paysage, la neige, la beauté de la lune tout en sautant d’une scène à l’autre sans que le lecteur, dans un premier temps, n’y trouve de liant.
Cet aspect de l’écriture et de la narration est si rare dans ce genre de format qu’il retient l’attention du lecteur et confère au texte un atout indéniable.
Car, à partir d’une intrigue somme toute très basique, l’auteur délivre un récit qui lui ne l’est pas.
D’autant qu’au bucolique et au poétique, René Schwaeblé allie l’humoristique avec un ton souvent badin, léger et parfois même caustique.
Autre particularité, René Schwaeblé alterne la narration classique de l’époque consistant à répéter sans cesse le nom et le prénom de ses personnages pour, parfois, préférer n’en jamais nommer certains, que ce soit le principal, le mort, ou bien l’un des gardes champêtres qu’il se contente de nommer « garde n° 27 ».
Et ce « garde n° 27 » est d’ailleurs l’objet d’une des scènes les plus significatives du récit puisque celle-ci allie tout à la fois le bucolique, le poétique, l’humoristique et la « désincarnation » à travers la scène nocturne où le garde découvre les cercueils dans le bois de Vincennes.
L’auteur s’amuse et nous amuse tout en proposant autre chose que la littérature usuelle de l’époque et du format.
Et bien lui en prend, car, à part cela, le matériau de base demeure très classique.
Et, en effet, après une première moitié quelque peu surprenante et dans l’histoire, le style, la narration, le roman rentre dans les ornières pour délivrer une seconde moitié moins exaltante et moins originale.
Au final, avec une première moitié de roman très surprenante pour une production de ce format et de l’époque, l’auteur délivre une seconde moitié plus classique et moins prenante, mais délivre, dans l’ensemble, un texte très agréable à lire.