On a pillé un dossier
Poursuivons les enquêtes du détective Yves Michelot, un personnage développé par Henry Musnik, un des piliers de la littérature populaire fasciculaire du second tiers du XXe siècle (plus quantitativement que qualitativement).
« On a pillé un dossier » est le 7e épisode, dans le sens chronologique de première édition au sein de la collection « Mon Roman Policier » des éditions Ferenczi au début des années 1950, une collection de fascicules de 32 pages contenant des récits de 8 000 à 10 000 mots.
Henry Musnik est un auteur né au Chili en 1895 qui œuvra énormément pour la littérature populaire, notamment à travers des fascicules policiers et aventures. Il développa plusieurs personnages récurrents (Commissaire Benoît, Commissaire Lenormand, détective Yves Michelot, Inspecteur Gaspin, le cambrioleur Robert Lacelles, l’espion Daniel Marsant...) sous de nombreux pseudonymes (Claude Ascain, Pierre Olasso, Alain Martial, Pierre Dennys, Jean Daye, Gérard Dixe, Florent Manuel...)
Mais, comme l’auteur était un roublard, certains de ses textes écrits pour une série étaient utilisés, en changeant les noms (parfois, en réécrivant un peu), afin d’intégrer une autre série.
Mais, comme l’auteur était décidément un roublard, certains de ses textes se révèlent être des traductions de titres anglo-saxons adaptés pour une de ses séries ou bien des emprunts à d’autres textes de compère français.
Bref, avec Henry Musnik, identifier la provenance d’un de ses textes lus assure une enquête encore plus exaltante que celle contenue dans le fameux texte.
ON A PILLÉ UN DOSSIER !
L’étude de Maître Champloux, notaire, a été cambriolée. Or, seule une lettre cachetée confiée par un client a été subtilisée.
L’affaire semble se compliquer quand le client en question disparaît de chez lui après que son logement ait été retourné de fond en comble.
L’enquête apparaît bien claire à l’inspecteur Rodier qui accuse le frère de lait de la victime dont le taxi a été retrouvé vide sur place.
Mais le détective Yves MICHELOT ne voit pas les choses de la même façon et porte ses soupçons sur une tout autre personne…
L’étude de Maître Champloux a été cambriolée, l’assistant agressé et ligoté, un document a disparu. Il s’agit d’une lettre scellée confiée par M. Vanapert.
Dans le même temps, M. Vanapert a disparu, son logement fouillé, le taxi de son beau-frère retrouvé devant chez lui vide. Le conducteur a disparu également.
Pour l’inspecteur Rodier, l’affaire est simple, le beauf est le coupable.
Pour le détective Michelot, les choses sont plus compliquées... ou, au final, plus simples.
Petit texte, pas tout à fait 7 800 mots, petite histoire, intrigue simple, narration plus ou moins linéaire, personnages survolés... pas de doute, on est bien dans un récit paru sous la forme de fascicule de 32 pages dans lequel, de par la concision exigée, aucun auteur ne peut s’épanouir dans des détails superflus et dans des rebondissements permanents.
Non, la seule solution pour un auteur, dans un tel cas, c’est de proposer une plume alerte et d’étoffer ses personnages d’épisode en épisode, ou bien de proposer un clone d’un personnage littéraire existant déjà dans l’esprit des lecteurs.
Charles Richebourg (quel que soit l’auteur se cachant derrière ce pseudonyme) est parvenu avec maestria à se sortir de ces écueils grâce à sa plume et à son personnage d’Odilon Quentin très inspiré du commissaire Maigret.
Henry Musnik (sous le pseudonyme de Claude Ascain) a limité les dégâts malgré une plume plus terne, en proposant un clone de Arsène Lupin avec les aventures de Robert Lacelles.
Ici, Henry Musnik, qui à l’origine œuvre sous le pseudonyme de Florent Manuel, use d’une même plume passe-partout et n’a guère le loisir de s’appuyer sur une figure littéraire connue de tous puisque son but est de proposer un personnage suffisamment flou pour pouvoir passer les textes d’une série à une autre en changeant uniquement le nom.
Pour autant, quand on se lance dans la lecture de ces petits récits et qu’on les prend pour ce qu’ils sont réellement, des petits instants de lecture, force est de constater que cela se lit assez agréablement et a l’avantage de ne pas être indigeste et, surtout, de proposer une histoire qui se lit ultra rapidement.
Certes, les personnages demeurent dans un brouillard propice à l’interchangeabilité. Bien évidemment, les intrigues sont basiques. Clairement, la plume ne vole pas haut. Mais, le but est atteint, satisfaire un lecteur qui sait à quoi s’attendre.
Au final, quand on s’habitue à ce genre de petits romans, on finit très vite par les apprécier même quand l’ensemble manque d’ambition.