Meurtre à Carmen Street
Décidément, je ne cesserai de m’émerveiller des sensations diverses que peuvent me procurer les récits de la littérature policière.
Car, il faut bien l’avouer, il n’y a pas que les intrigues qui recèlent des mystères, les auteurs, mais également le comportement des lecteurs sont empreints de curiosités et de ténèbres.
Le meilleur exemple, en ce qui me concerne, pour démontrer mon assertion, est la série des « Bill Disley » une (deux, en fait... même plus, avec les rééditions) de fascicules de 16 ou 32 ou 48 ou 128 pages, qui content les aventures d’un détective reporter, le fameux Bill Disley, aventures contées par la plume de J.A. Flanigham.
Le premier mystère de ces textes réside dans l’identité de l’auteur.
Effectivement, nul doute que J.A. Flanigham n’est qu’un nom d’emprunt utilisé pour faire plus « anglo-saxon », coutume à l’époque pour charmer le lecteur avide de récits provenant de chez l’Oncle Sam ou de la perfide Albion.
Qui se cache derrière ce pseudonyme ? Nul ne le sait pour l’heure. Tout juste a-t-on identifié un autre pseudonyme du même auteur : Raymond Gauthier.
Certains pensent qu’il s’agit en fait d’un pseudonyme d’un collectif d’auteur (je ne le crois pas) et que d’autres pseudonymes sont à lui accorder (ce dont je ne suis pas certain également).
La seconde énigme provient dès que l’on cherche à établir une liste exhaustive des aventures de Bill Disley.
Pour cela, pas d’autre moyen que de lire tous les titres écrits de la plume de l’auteur (portant, ou non, mention en couverture du héros) afin de ne pas être trompé par les multiples rééditions chez divers éditeurs ou même les coquilles des éditeurs qui, parfois, annonçait en couverture une série alors qu’il s’agissait d’une autre (notamment entre « Bill Disley » et « Dick et Betty » du même auteur).
La troisième étrangeté, et celle-ci est plus récente, c’est le ressenti des lecteurs face à ces courts récits de Flanigham.
Je dis « récente », car je ne connais pas l’avis des lecteurs de l’époque (entre 1945 et 1957).
Par contre, je suis bien placé pour voir que les lecteurs d’aujourd’hui boudent les rééditions numériques récentes.
Mieux, on peut constater, à travers certains commentaires sur les librairies virtuelles, qu’une partie des lecteurs ayant tentés l’expérience n’ont pas vu dans ces textes, le même potentiel que j’y ai découvert, n’ont pas été touchés par les qualités que j’y ai trouvé.
Ainsi, face à mon grand enthousiasme, certains lecteurs ne ressentent qu’ennui ou lassitude.
Mais revenons-en au titre du jour.
« Meurtre à Carmen Street » est paru pour la première fois sous le titre « Quatuor macabre » sous la forme d’un fascicule de 16 pages en 1946 dans la collection « Murmure d’amour » des éditions du Moulin Vert, avant d’être réédité en 1949 sous le même titre en 1949 dans la collection « Police-Roman » puis, enfin en 1955 sous le titre « Meurtre à Carmen Street » dans la collection « Police-Roman ».
Bill Disley, journaliste au « Star Express », se lance souvent dans des enquêtes et est secondé par un ancien boxeur pickpocket, le gaillard Jeff et de son ami Martin, inspecteur à Scotland-Yard.
MEURTRE À CARMEN STREET
Alors que Bill DISLEY, le célèbre détective-journaliste, attend son amie dans un bar de Carmen Street, un homme quitte la taverne puis s’écroule dans la rue, une balle dans le cœur.
La Providence ayant placé le reporter sur les lieux, la curiosité de celui-ci en est démultipliée au point de devenir obsession.
Il ressort deux éléments de la rapide investigation menée par l’inspecteur Martin : le défunt a récemment séjourné en Australie et, avant de mourir, a passé un coup de téléphone depuis le troquet.
Or, à cette heure, trois appels sont répertoriés dont un à Remy Crody, un industriel qui a fait fortune en Australie…
Bill Disley attend sa copine Dora dans un troquet de Carmen Street, quand un homme ayant quitté le bar s’écroule dans la rue, une balle en plein cœur.
Bill Disley s’intéresse à cet étrange crime, d’autant que l’apparence moribonde de la victime ne prête pas à un tel meurtre.
L’enquête menée par l’inspecteur Martin démontre que le défunt a passé une partie de sa vie en Australie et a passé un coup de téléphone du bistrot avant de mourir.
Or, trois coups de fil ont été passés de l’établissement à la même heure, dont un à un magnat du minerai ayant fait fortune en Australie.
Quel plaisir de retrouver Bill Disley après un si long moment d’abstinence !
Dans ce court roman de 10 000 mots, J.A. Flanigham nous propose une intrigue liée à l’immigration australienne, sujet à la mode du fait des multiples vagues d’immigration dans le pays voulues par les dirigeants à la suite de la Seconde Guerre mondiale.
Comme à chaque époque, chaque vague migratoire, la littérature populaire s’en nourrit pour abreuver la soif d’exotisme du lecteur (Indes puis Afrique, Australie...)
Autant le dire immédiatement, cet épisode souffre, par rapport aux meilleurs de la série, de quelques défauts : quasi absence de Jeff, réparties moins cinglantes ou moins drôles, intrigue simple (mais c’est là le lot de tous les récits de cette taille) dont on devine le principal ressort et incises plus faibles (alors que c’est vraiment le grand point fort de la plume de J.A. Flanigham).
Cependant, l’ensemble se lit rapidement et plaisamment, ce qui n’est déjà pas donné à tous les textes de la littérature fasciculaire.
On notera un Bill Disley moins charmeur, probablement du fait qu’il est avec Dora, mais tout aussi attiré par la cigarette et l’alcool, ce qui est le lot de tout bon détective, même reporter, de son époque.
Au final, pas le meilleur épisode de la série, mais le plaisir de retrouver Bill Disley est cependant intact.