Le coffre-fort sanglant
« Le coffre-fort sanglant » est le premier épisode de ce qu’il serait convenu d’appeler « Les nouvelles aventures de John Strobbins » de José Moselli.
Mais revenons aux sources !
José Moselli fut l’un des piliers de la littérature populaire française.
Entre 1910 et 1940 (il est né en 1882 et mort en 1941), il ne cessa d’abreuver de nombreux magazines de ses histoires rocambolesques inspirées, en partie, de son passé de marin.
Son immense production fut dont dirigée vers les journaux et les magazines de son époque (principalement ceux publiés par les éditions Offenstadt). Ces histoires parurent, pour la plupart, sous la forme de feuilletons, bien souvent sous forme de textes illustrés et l’on ne compte plus les personnages récurrents que l’auteur a fait vivre dans différents genres avec pour prédilection, l’aventure, le policier et le fantastique.
N’ayant jamais, à son époque, connu d’édition traditionnelle, il fut surnommé « L’écrivain sans livre ».
Pour autant, ses lecteurs étaient nombreux et issus principalement de la jeunesse, mais pas que.
Depuis, l’auteur avait sombré dans un anonymat totalement immérité.
Heureusement, quelques éditeurs passionnés, dont OXYMORON Éditions, ont récemment réédités certains des textes de José Moselli permettant ainsi aux lecteurs ne chinant pas dans les librairies spécialisées, de pouvoir enfin lire du José Moselli.
Car, si les œuvres de José Moselli parurent dans des magazines pour toucher un large public, ce choix éditorial implique qu’il est désormais difficile, voire impossible, de suivre les aventures contées par l’auteur dans leur support original.
Effectivement, ces textes étant publiés sous forme de feuilletons, à coup d’une page ou deux par magazine, bien souvent, un seul récit pouvait s’étaler sur plusieurs dizaines de numéros, rendant, à l’heure actuelle, quasiment impossible au lecteur lambda de retrouver l’intégralité des numéros couvrant une même histoire.
D’autant que ces magazines sont de plus en plus difficiles à trouver un siècle après.
Heureusement, des rééditions sous forme de recueil, principalement dans la « Collection d’Aventures » des éditions Rouff, permettaient encore, aux lecteurs les plus volontaires, de pouvoir suivre certaines aventures de John Strobbins, Jean Flair, le baron Stromboli, de Marcel Dunot et autres récits plus indépendants.
Mais qu’en était-il de M. Dupond, Iko Terouka, Browning et Cie, le club des Trois... d’autres séries jamais rééditées ? Ou bien des romans de l’auteur comme « La momie rouge » ?
Pour le plus grand plaisir des lecteurs passionnés, OXYMORON Éditions s’est chargé de faire revivre une partie de ces textes sous forme numérique et continue régulièrement à ajouter de nouveaux épisodes aux séries déjà débutées et envisage d’en proposer d’autres prochainement.
La première série rééditée fut « John Strobbins, détective-cambrioleur » une série publiée, à l’origine, à partir de 1911 dans le magazine « L’Épatant ».
Ce sont certaines de ces aventures que l’on retrouvera dans les recueils de la « Collection d’aventures » à partir des années 1920.
Mais John Strobbins ne se cantonne pas à naviguer dans « L’Épatant » et la « Collection d’aventures », non ! À partir de 1930, voilà que tous les jeudis paraît un magazine qui lui est consacré : « Les grandes aventures policières ».
En fait, le magazine comprend deux récits à suivre, celui mis en avant par la couverture et le titre (l’aventure de John Strobbins) et une autre histoire à suivre (« Le secret du bagnard » de Pierre Desclaux, au départ des publications).
Le magazine n° 1 est titré : « Le coffre-fort sanglant » et lance une nouvelle aventure de John Strobbins qui s’étalera sur 8 numéros et plus de 36 000 mots.
LE COFFRE-FORT SANGLANT
Sur la route qui le mène chez son ami Rackers, en pleine nuit, John STROBBINS a un accident avec sa moto et est projeté dans les fourrés.
Une auto approche au loin.
Blessé à la cheville, il n’a pas le temps de l’intercepter et la voit passer devant lui. À ce moment, un bris de verre retentit et il aperçoit, à l’intérieur du véhicule, un homme en menaçant un autre d’un couteau.
Voulant se convaincre qu’il n’a pas eu d’hallucination, il fouille les alentours et découvre bien des vestiges de la vitre… mais également une vieille montre en nickel.
Arrivé péniblement jusqu’à une auberge, il y loue une chambre et, une fois enfermé, il inspecte la tocante. À l’intérieur, un mystérieux plan a été gravé sur le métal…
Le lendemain, John STROBBINS se fait conduire en voiture chez Rackers ; or, il apprend que celui-ci a été la victime d’un gang qui a déjà enlevé plusieurs personnalités de la région…
John Strobbins a décidé d’enfin rendre visite à son ami peintre Rackers. Mais un accident de moto le projette hors de la route, la nuit. Alors qu’il tente de rejoindre celle-ci en boitillant, entendant une voiture approcher, il n’a pas le temps de lancer un appel que la vitre arrière du véhicule se brise et qu’il aperçoit deux hommes se battre à l’intérieur dont un brandissant un couteau.
La scène s’est déroulée si rapidement que Strobbins n’est pas certain de ce qu’il a vu. En fouillant les fourrés au bord de la route pour s’assurer d’y trouver des bris de verre, il découvre une vieille montre en nickel qu’il ramasse.
Arrivé péniblement jusqu’à une auberge, il y loue une chambre, et une fois enfermé, inspecte la montre qu’il a trouvée. À l’intérieur, gravé sur le métal, il découvre un plan.
Le lendemain, il se fait conduire en voiture chez son ami Rackers, mais il apprend que celui-ci a été enlevé, comme plusieurs personnalités ces derniers jours...
Le lecteur retrouve donc John Strobbins dans une nouvelle aventure, près de 20 ans après la toute première.
Si les épisodes publiés dans le magazine « L’Épatant » étaient plutôt courts, de l’ordre de quelques milliers de mots atteignant, au mieux, le contenu d’un fascicule de 32 pages (l’épisode « Le quatrième larron » parvenait tout de même à atteindre les 22 000 mots), cette nouvelle mouture des aventures de débute par un épisode John Strobbinsconséquent s’étalant sur la taille d’un petit roman (36 000 mots).
Ce nouveau parti pris (nouveau il y a 90 ans) déboussole un peu le lecteur habitué aux aventures concises de John Strobbins. Pour autant, force est de constater que José Moselli parvient à proposer une aventure très rythmée, contenant moult actions et parfois même un peu de violence.
Bien évidemment, comme tous les récits de l’époque, le lecteur actuel pourra être un peu choqué par les qualificatifs de « nègre » pullulant dans le texte, mais il faut bien évidemment remettre le tout dans son contexte du début du siècle dernier.
Pas de temps mort, donc, dans cette histoire qui nous mène en plein cœur des Everglades à l’occasion d’une chasse au trésor un peu particulière.
Excepté les termes à propos des gens de couleurs « coloured men » et de quelques technicités désormais obsolètes, l’ensemble n’a pas beaucoup vieilli et se lit avec un grand plaisir.
Il faut dire que José Moselli s’y entendait pour captiver l’attention du lecteur à travers des récits d’aventures rondement menés.
Le fait que l’histoire soit plus longue que celles que le lecteur avait l’habitude de lire permet de constater que José Moselli maîtrisait également des formats plus longs (mais il nous l’avait démontré avec brio à travers son excellentissime roman « La momie rouge ») et que, pour tenir la distance, il ne tombe pas dans la redite ou dans des scènes ou des descriptions oiseuses.
Certes, le personnage principal, John Strobbins, demeure esquissé, et l’auteur ne s’offre pas le loisir de s’étendre sur celui-ci plus que nécessaire, mais, après tout, à l’époque, le lecteur s’engageant dans cette lecture devait probablement être un familier du détective cambrioleur.
Au final, une histoire plus longue que les précédentes, mais tout aussi rythmée, si ce n’est plus, et plus agréable à lire puisque le plaisir dure plus longtemps.