Le collier de lady Clayworth
Tous les écrivains du monde ne passent pas forcément à la postérité, même ceux qui écrivent beaucoup, même ceux qui vendent beaucoup, c’est le cas, notamment, d’un nombre considérable d’auteurs de la littérature populaire, notamment le fasciculaire, mais pas que.
Au mieux, parfois, leurs textes et leurs personnages survivent tant que bien mal, mais rares sont ceux qui, non seulement, sont encore dans les esprits des lecteurs d’aujourd’hui, mais dont, en plus on connaît, en plus de leur bibliographie, un minimum de leur biographie.
Edward Brooker est un exemple de cette volatilisation au fil des ans.
De lui, on ne sait rien, ou presque. Une référence, reprise ici et là, fait état d’un patronyme : Édouard Osterman, d’une date de naissance en 1904 et puis, plus grand-chose.
Seuls, par la suite, ses écrits, à partir de 1934, font état de sa présence.
D’ailleurs, on perd toute trace de l’auteur après 1947.
Avant, il écrit de nombreux romans policiers, d’espionnage, d’aventures, à un rythme exceptionnel avant-guerre : un roman de plus de 200 pages par mois.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, fini les romans, l’auteur se lance dans l’écriture de séries fasciculaires d’aventures, policières ou anticipation pour les Éditions et Revues Françaises :
— Pao-Tchéou/Le maître de l’invisible.
— Captain Chester Buxton du Special Squad
— Mister Nobody, l’homme au masque de satin.
C’est à cette dernière série publiée en 1946 et composée de 16 fascicules de 16 pages contenant des récits indépendants d’environ 12 000 mots que je vais m’intéresser aujourd’hui.
Pour le sujet ? Rien de nouveau sous le soleil : un gentleman cambrioleur comme il en existe tant à l’époque (Robert Lacelles, Mandragore, Jack Desly, Théodore Rouma, Tancrède Ardant…).
Comme bien souvent, le génial cambrioleur, ici Mister Nobody (un surnom, on ne connaît pas sa véritable identité) est aidé d’un comparse, généralement un domestique. C’est ici également le cas puisque Froggy, Jonas Cobb, qui tient son surnom à son faciès de batracien, tient le rôle à la fois de valet et de complice.
« Le collier de lady Clayworth » est le premier épisode de la série.
LE COLLIER DE LADY CLAYWORTH
Mister NOBODY est un gentleman cambrioleur menant bon train, et dont les finances ne sont pas au beau fixe.
Il voit, dans la fête donnée par lady Clayworth en l’honneur des vingt ans de sa fille, un moyen de se refaire.
Il ne doute pas que pour l’occasion, lady Clayworth portera son fameux collier, un bijou historique d’une valeur de trois cent mille livres sterling.
Mais pour réussir le coup, Mister NOBODY, aidé de son fidèle majordome Jonas Cobb alias Froggy, devra parvenir à se faire inviter à la soirée et contourner la surveillance d’un détective de renom et du chef de Scotland Yard…
Même les cambrioleurs de génie peuvent se retrouver dans le besoin, surtout quand ils dépensent sans compter pour conserver un bon train de vie.
C’est ce que Jonas Cobb, alias Froggy, rappelle à son maître, Mister Nobody, un matin au réveil : les caisses sont vides.
Vite, une affaire pour les renflouer. Cela tombe bien lady Clayworth organise une fête pour les vingt ans de sa fille et elle a toujours l’habitude de porter en de pareilles occasions, un magnifique collier d’une valeur inestimable.
Bien décidé à s’approprier le bijou, Mister Nobody ne vole pas, il s’approprie, Mister Nobody va, sous la fausse identité du comte italien Salvanti, se faire inviter à la soirée.
Malheureusement, sur place, il reconnaît, dans l’assistance, le chef du Scotland Yard et nul doute que le gorille qui surveille de près lady Clayworth ne soit un détective.
Dans de telles conditions, difficile de mettre son plan à exécution, mais Mister Nobody n’a pas dit son dernier mot ni commis son dernier « empreint ».
On découvre donc dans ce tout premier épisode le personnage de Mister Nobody, un gentleman cambrioleur naviguant dans les strates de la haute société londonienne. On fait également la connaissance de son valet, Jonas Cobb, pas gâté par la nature, contrairement à son maître et qui, en plus, est un fervent adepte de la boutanche. Pourtant Mister Nobody sait qu’il peut faire confiance à son domestique et comparse.
Rien de nouveau, donc, disais-je dans la présentation liminaire dans ce duo qui en rappellera d’autres, notamment chez Claude Ascain, comme, par exemple, Jack Desly et Nan-Dhuoc, quelques années auparavant ou bien Gérard Nattier, alias Mandragore et son fidèle Joseph Bloque, quelques années après.
On y retrouve donc les passages obligés, les fausses identités, les soirées mondaines, les vols de bijoux, les détectives chargés de protéger les biens…
Ici, du moins dans ce premier épisode, par de Némésis, d’ennemi juré, comme en a la plupart des autres héros du genre. Peut-être le chef de Scotland Yard jouera-t-il ce rôle par la suite, l’avenir nous le dira.
En comparaison avec les deux séries de Claude Ascain évoquées, on regrettera que ce premier récit manque un peu d’humour (même si la présence de Froggy ajoute un côté un peu drôle) et, surtout, une ambition autre que juste celle d’un petit vol et puis s’en va.
Il faut dire que le format est très court, 12 000 mots, là où Claude Ascain en avait 18 000 ou 80 000 pour ses deux séries.
Il est vrai que si l’on compare avec Robert Lacelles, qui, lui, naviguait sur des histoires plus courtes (10 000 mots), alors on constate un même manque d’ambition. Le format oblige et exige, l’auteur se plie à ses volontés.
Pas désagréable à lire, ce premier épisode pêche, en plus, par la localisation de l’histoire à Londres. La profusion de « lady », « mylord » et compagnie est un peu lassante, sans que cela soit pour autant rédhibitoire.
Pour autant, difficile de s’attacher immédiatement à ce duo, mais peut-être que cela viendra au fil des épisodes.
On constatera également qu’il manque un petit fil rouge à la série, comme pouvait l’être la lutte entre un policier récurrent et le gentleman cambrioleur comme dans d’autres séries du genre.
Au final, pas enthousiasmant, ce premier épisode se lit tout de même avec plaisir et l’on attend de découvrir un autre épisode pour se faire une idée plus approfondie des qualités et des défauts de la série.