Une traversée mouvementée
En littérature populaire, comme en d’autres matières, les succédanés sont généralement copiés des succès d’années… précédentes.
Oui, un peu d’humour, un bref jeu de mots, histoire que mon introduction liminaire (pléonasme) diffère quelque peu des précédentes que j’ai écrites à propos de la même série, de mêmes personnages, du même auteur.
La série : « Mister Nobody – l’Homme au masque de satin », une série de 16 fascicules de 16 pages, double colonne, contenant des récits indépendants publiés à partir de 1946 par les Éditions et Revues Française.
Les personnages : Mister Nobody (on ne connaît pas sa véritable identité), un gentleman cambrioleur anglais et son fidèle valet, Jonas Cobb, surnommé Froggy à cause de sa tronche de batracien.
L’auteur : Edward Brooker, de son vrai nom Édouard Osterman, né en 1904 et dont on perd la trace à partir de 1947. Tout ce que l’on sait de lui, ou presque, est qu’il est l’auteur de nombreux romans policiers et d’espionnages avant la Seconde Guerre mondiale et qu’il s’est lancé dans l’écriture de séries d’aventures ou d’anticipation durant la guerre.
« Une traversée mouvementée » est le 6e épisode de la série.
UNE TRAVERSÉE MOUVEMENTÉE
Le séjour de quelques mois dans les îles Hawaï fut paradisiaque, mais fort coûteux. Mister NOBODY, le gentleman cambrioleur, et son fidèle valet Jonas Cobb, alias Froggy, n’ont d’autre choix que de retourner à Londres pour se remettre à l’ouvrage afin de remplir les caisses.
À bord du paquebot les conduisant à New York, Mister NOBODY s’ennuie. Son acolyte le délaisse pour une Anglaise au physique et à l’âge indéfinissables avec laquelle il partage le goût immodéré pour l’alcool.
Aussi, quand une jeune femme est retrouvée assassinée dans sa cabine, Mister NOBODY décide-t-il de s’essayer au métier de détective afin d’identifier le meurtrier.
Son désir est d’autant plus virulent qu’il connaît l’homme suspecté et arrêté pour ce crime. Bien qu’il ne le porte pas dans son cœur, il est persuadé de son innocence et fera tout pour la démontrer…
Après le piège dans lequel ils étaient tombés à New York (voir l’épisode précédent), Mister Nobody et son valet Jonas Cobb sont partis passer quelques mois dans les îles Hawaï. Seulement, leur train de vie dispendieux fait que les caisses sont presque vides et qu’il est temps de rentrer au bercail et de se remettre au boulot.
Pour ce faire, ils s’embarquent sur le « City of Boston », en route pour New York pour y prendre un autre paquebot pour l’Angleterre.
À bord, Mister Nobody repère une belle rousse accompagnée de deux hommes, un vieux riche et un plus jeune qu’il a déjà croisé dans son pays où il avait été suspecté d’un meurtre. Mais il avait bénéficié d’un non-lieu.
Jonas Cobb, lui, repère une Anglaise au physique ingrat, mais qui partage le même goût que lui pour les alcools. Il ne tarde pas à tomber amoureux de la riche pocharde.
Pendant ce temps, la rousse est assassinée dans sa cabine et le fameux bandit est arrêté et enfermé (on a retrouvé les bijoux de la défunte dans sa cabine).
Pourtant, Mister Nobody peine à croire en la culpabilité du type et décide d’enquêter pour prouver son innocence et trouver le coupable…
Nous retrouvons donc nos deux héros après de longues vacances parmi les vahinés. Pour la première fois, Jonas Cobb est amoureux. Et, pour la première fois, Mister Nobody va faire la police.
Les gentlemen cambrioleurs de papier se contentent rarement de voler. Bien souvent, ils sont également de preux chevaliers, prêts à aider la veuve et l’orpheline (surtout si celles-ci sont jeunes et jolies). Parfois, ils se font justiciers et se substituent à la police. C’est presque un passage obligé du genre.
Comme Edward Brooker s’essaye à tous les poncifs du genre, il n’y a pas de raison pour que Mister Nobody ne se transformât pas en détective.
Ce sera chose faite dans cet épisode.
Si on imaginait que l’intrigue prendrait la suite de celle du précédent opus (après tout, Mister Nobody avait subi l’affront et l’échec face à une espionne russe), il n’en est rien.
Cependant, si l’histoire principale réside dans le meurtre et sa résolution, l’auteur s’attarde tellement sur les déboires amoureux de Jonas Cobb qu’il ne reste pas grande-place pour le reste. Du coup, il ne faut pas s’attendre à des rebondissements nombreux ni même très surprenants.
Bien sûr, vu le format (12 000 mots environ), ce genre de textes ne se lisent pas pour l’excellence de l’intrigue et on ne s’en offusquera pas.
Pour autant, il manque un petit peu d’action et de rythme dans ce récit et, si l’humour est un peu plus présent, toujours par l’intermédiaire de Jonas Cobb et son double béguin (l’alcool et Mrs White), il ne suffit pas à élever le texte, se contentant juste de compenser la perte.
Au final, Jonas Cobb amoureux, cela pourrait être savoureux si l’histoire était à la hauteur, ce qui n’est pas le cas. Mais l’épisode est malgré tout plaisant à lire, ce qui n’est déjà pas mal.