On a fait sauter le train !
Dans ma précédente lecture des aventures du « Le Petit Détective » (1934-1935) d’Arnould Galopin, c’est-à-dire l’épisode intitulé « Un spirite, un fou, un singe », je découvrais que l’auteur du texte n’était pas réellement Arnould Galopin, mais Jean Petithuguenin, un autre auteur de littérature populaire fasciculaire.
Effectivement, durant ma lecture je reconnus le récit « Crimes et sorcellerie » publié en 1920 dans la collection « Le Roman Policier » des Éditions Ferenczi.
Du coup, en survolant la suite des aventures de Jean Tixier (le petit détective) et de Gaston Cervier, son boss, je retrouvais d’autres textes de Jean Petithuguenin et en arrivait à la déduction que Arnould Galopin devait être mort en cours d’écriture.
Pour autant, si j’avais déjà lu le premier texte de Jean Petithuguenin, n’ayant pas lu les autres (je les possède, mais je ne les avais pas encore lus), je décidais de continuer ma lecture malgré tout.
« On a fait sauter le train ! » est donc une réécriture de « Les dérailleurs de trains » de Jean Petithuguenin, un récit paru lui aussi dans la collection « Le Roman Policier » en 1920.
ON A FAIT SAUTER LE TRAIN !
Le grand détective Gaston CERVIER et son jeune secrétaire Jean TIXIER sont envoyés incognito par la Sûreté non loin d’Orléans pour enquêter sur une succession d’attentats contre des trains de transport de marchandises.
Au bout de quelques jours, Gaston CERVIER reçoit un courrier anonyme à l’auberge dans laquelle il est descendu, lui donnant rendez-vous, le soir, sous un pont de chemin de fer proche d’un château, s’il veut découvrir l’auteur des faits.
Ne sachant s’il s’agit d’un piège ou non, Gaston CERVIER décide d’y aller et demande à Jean TIXIER de se camoufler derrière une butte avoisinante.
Le train arrive quand… la terre se met alors à trembler, une gerbe de feu jaillit du fond de la tranchée, un fracas de tonnerre assourdit le petit détective…
Gaston Cervier et Jean Tixier sont chargés d’identifier et d’arrêter les dérailleurs de trains qui sévissent près d’Orléans.
Gaston Cervier reçoit une lettre anonyme l’invitant à se rendre sous un pont le soir même s’il veut connaître l’identité des terroristes.
Se méfiant, il place Jean Tixier en observation sur une butte pendant qu’il se rend sous le pont, mais, quand le train passe, une explosion se produit…
Je ne sais pas si ma lecture a été influencée par le fait que je savais que le texte n’était pas d’Arnould Galopin et ne datait pas de 1934, mais du début des années 1920, mais j’ai trouvé le récit moins fluide, moins rythmé que les précédentes aventures de Jean Tixier et Gaston Cervier. Ceci dit, j’avais déjà eu cette sensation avec l’épisode précédent avant même de réaliser qu’il s’agissait de la réécriture d’un ancien texte.
Cependant, bien que le texte ait été adapté pour deux personnages (là où l’original ne concernait que le détective Fred Cabosse de Petithuguenin), quelque chose cloche tout au long de la lecture, comme si les personnages n’agissaient plus vraiment selon leur caractère usuel, comme s’ils n’étaient pas à leur place.
Et la raison m’est venue à la lecture de l’épisode suivant, lui aussi une réécriture d’un récit de Jean Petithuguenin.
Avant, Arnould Galopin n’était pas contraint à respecter un nombre de pages, une taille de récit, les enquêtes de ses héros s’enchaînaient au fil des pages et des fascicules sans se soucier de se terminer à la fin d’un numéro. Il terminait son histoire quand il le voulait et en reprenait une autre après une petite phrase pour lier les deux intrigues.
Aussi, il racontait ce qu’il voulait, comme il voulait sans soucis de concision, ce qui donnait un rythme et une fluidité au texte même si, en contrepartie, les rebondissements et les actions des personnages pouvaient devenir redondants.
Mais là, le texte doit faire une taille précise (la réécriture n’étant que légère, juste pour adapter les personnages au récit, sans chercher à modifier la trame ou à rallonger l’histoire. Les changements sont minimes). Cette taille imposée, courte taille, en plus, qui ne permet pas de développer une intrigue et des personnages, empêche une certaine fluidité de plume et de narration. L’auteur d’origine était forcément avare de ses mots par obligation.
Et c’est ce que l’on ressent dans les épisodes issus de cette réécriture. Un peu comme si pour faire un film, on enchaînait des épisodes d’une série.
Mais l’on appréhende jamais une série comme un film et un film comme une série. Ce que l’on apprécie chez lui est préjudiciable pour l’autre et inversement.
Bref, appréhender un fascicule à travers un format feuilleton revient à la même chose.
C’est d’autant plus vrai que cette histoire de dérailleurs de train, qui aurait pu déboucher sur une histoire à rebondissement, un peu comme « Les bandits du rail » de Georges Spitzmuller, accouche là d’un texte bien trop court pour la servir.
Au final, un texte qui n’est ni dans le style de l’auteur (et pour cause) ni dans le genre de la série, manquant de fluidité, de rythme et d’ambition (normal puisqu’il possède ceux d’un fascicule).