Une belle garce
Comme je le dis souvent, les bandeaux et les prix ne sont pas gage de qualité pour un roman.
Mais, comme je ne suis pas forcément mes conseils (pourtant toujours très bons et judicieux), je ne peux m’empêcher, parfois, de sélectionner un livre en raison de l’un ou de l’autre.
C’est notamment le cas avec le « Prix du quai des Orfèvres », malgré de nombreuses déceptions.
C’est une nouvelle fois le cas (pour la sélection… la déception ou non, vous le saurez en lisant la suite) puisque mon choix s’est porté sur le titre « Une belle garce », « Prix du Quai des Orfèvres » 1994.
L’auteur, Jean-Louis Viot, fut policier, commissaire, commandant et autres, avant de devenir détective privé. En parallèle, il écrit des romans policiers, des récits jeunesse et est consultant pour la télévision et autres activités.
« Une belle garce » n’est pas son premier roman (peut-être troisième, mais je ne suis pas certain).
Une belle garce :
Dans ce port, les femmes n’en mènent pas large. Si l’hécatombe continue, cette belle garce de Véro n’arpentera plus les trottoirs. L’assassin a une drôle de manière de signer ses crimes.
Dans une ville portuaire, une femme, habituée des bistros, est assassinée, une nuit, étranglée par un câble de frein de vélo. Le lendemain, l’inspecteur Mallet reçoit une lettre anonyme contenant un bouton, bouton arraché sur un vêtement de la victime.
Bientôt un second bouton va lui parvenir, prédisant un second crime. Puis un troisième…
Difficile de juger de ce roman dans son ensemble tant celui-ci est disparate.
Côté ambiance, on constate assez rapidement que l’auteur soit connaît bien le métier de policier (ce qui est le cas) soit qu’il veut mettre le lecteur dans l’ambiance d’une enquête de police, soit les deux (ici, les deux). Les abréviations (avec des notes de bas de page devenues obsolètes avec le temps), les procédures (bien qu’allégées dans le récit), les états d’âme (sans trop s’appesantir pour autant)…
Côté intrigue, on verra au fil du temps que celle-ci est assez simple et mêle les perversions à hauteur humaine (pas de tueurs en série d’une violence ou d’un sadisme extrême ou ce genre de chose).
En parallèle, l’auteur mêle des morceaux de vies de personnages communs, principalement des personnes noyant leurs soucis, leurs chagrins, la tristesse de leur existence, le vide, le manque, dans l’alcool et dans la fausse communion d’habitués des divers bistros.
Côté personnages, l’auteur propose quelques portraits intéressants. On pense à l’inspecteur Mallet, bien évidemment, mais, au final, son existence, dans le livre, ne se résume qu’à son métier. Du coup, c’est surtout le personnage de Coussinel qui prend le dessus. Ce retraité, veuf trop tôt, qui, apeuré de vivre seul se fait rabaisser par ceux qu’il loge. Son fils, un Tanguy fainéant, malaimant, qui ne voit en son père que la possibilité d’avoir un toit sur sa tête, à manger, à boire, une télévision à moindres frais. Véronique, une femme qui profite de tout, de tout le monde, surtout de Coussinel, lui confiant son jeune fils, Aurélien, pour aller boire, draguer, faire une passe, n’hésitant pas à le martyriser, le voler, l’humilier.
Mais Coussinel, plus que Véro, a peur de perdre Aurélien, ce gamin auquel il s’est attaché, le seul être innocent, bon, joyeux, de sa vie… du récit.
Côté style… c’est là, selon moi, que le bât blesse. Avec une narration à la troisième personne au présent, l’auteur cherche à immerger le lecteur. Et, s’il y parvient par l’ambiance, il perd un peu celui-ci côté style. Un style un peu plat, manquant de rondeur, construit à coup de phrases simples, trop simples. Même si l’auteur use de certains mots méconnus (j’ai dû utiliser plusieurs fois le dictionnaire… mais j’adore ça, c’est plutôt positif, pour moi), le reste est par trop simpliste, un peu comme un rapport de police, sauf que le lecteur, lui, même s’il lit un roman policier, désire un peu plus de maîtrise stylistique, a besoin d’effets, de métaphores, de changements de rythme, sans excès, bien évidemment, mais tout de même.
Rien de tout cela dans ce roman, l’auteur se contentant de développer ses phrases sans autre ambition que de raconter son histoire. Mais est-ce un souhait de sa part ou juste une limite ? Dans les deux cas, je trouve que cela dessert l’ensemble. C’est même et surtout ce qui m’a empêché de réellement entrer dans le roman. Et, même si je suis allé au bout et si, au final, ce roman ne m’a pas déplu, je suis certain qu’avec un peu plus de style, ce roman aurait pu devenir bien mieux. En développant un peu plus l’ambiance, grâce, notamment, à une plume plus épanouie, en lorgnant un peu du côté de Simenon qui s’y entendait pour brosser des ambiances et des personnages en quelques mots, en rendant sa plume moins quelconque, moins insipide, l’auteur aurait alors pu, malgré la simplicité de l’intrigue, proposer un vrai bon roman policier, ce qui n’est pas le cas ici malgré le prix qu’il a emporté, un prix qui, de toute façon, a depuis longtemps montré qu’il n’était pas gage de qualité.
Dommage.
Au final, un roman policier qui pêche par sa plume trop fade empêchant le lecteur d’entrer dans une ambiance dont l’auteur avait pourtant, à part cela, distillé tous les éléments nécessaires à son établissement. Re dommage !