La mort porte lorgnon
Maurice Lambert, de son vrai nom Géo Duvic (1900 - 1968) en plus d’avoir été chansonnier et journaliste, est un auteur de littérature fasciculaire sur lequel je ne taris pas d’éloge depuis que j’ai fait connaissance avec sa plume et ses personnages.
Au début des années 1940, principalement dans la « Collection Rouge » des éditions Janicot, une collection de fascicules de 32 pages double-colonne contenant des récits entre 12 000 et 15 000 mots, on découvre trois personnages récurrents de l’auteur (et peut-être un 4e) que sont les commissaire Mazère, le détective A.B.C. Mine et l’inspecteur (devenu commissaire) Machard.
Dans chaque enquête de ces messieurs, Maurice Lambert s’est évertué à proposer ce qui se faisait de mieux en matière de récit policier fasciculaire.
Si, à travers A.B.C. Mine, Maurice Lambert avait poussé le luxe jusqu’à proposer un personnage original et attachant (chose rare dans ce format), dans tous les cas, ses intrigues, ses narrations et son style permettent aux lecteurs de se trouver non pas face à un récit policier, mais bien un roman policier condensé.
« La mort porte lorgnon » est paru en 1944 dans la « Collection Rouge » des éditions Janicot, et met en scène le commissaire Machard.
Paul Machard, qui débuta en tant qu’inspecteur dans les récits de l’auteur, est devenu, en cours de carrière, commissaire.
LA MORT PORTE LORGNON
Des affaires glauques, le commissaire MACHARD en aura connu durant sa longue carrière. Or, celle dite du « Pont Louis-Philippe » demeurera à jamais gravée dans sa mémoire.
Deux corps de jeunes femmes démembrés retrouvés dans la scène, l’absence des têtes empêchant une rapide identification ; une troisième disparition inquiétante ; un suspect qu’un faisceau d’indices accuse et puis la présence du grand romancier Raphaël Darbois !...
Raphaël Darbois, ami du commissaire MACHARD auprès duquel il vient souvent chercher inspiration.
Raphaël Darbois, qui a déjà, en compagnie du commissaire MACHARD, résolu plusieurs crimes.
Raphaël Darbois, enfin, qui compte bien élucider sa quatrième enquête, dénoncer le coupable et apporter des preuves contre lui, car il a une longueur d’avance sur son vieux camarade, le commissaire MACHARD.
Le commissaire Machard est chargé d’un bien glauque dossier. Les membres de deux corps de jeune femme ont été retrouvés dans la Seine. Les têtes manquent, retardant l’identification.
Pourtant, à force d’enquêtes, Machard parvient à connaître l’identité des deux mortes et parvient à arrêter un suspect non sans qu’une troisième jeune femme ait disparu.
Mais le suspect est coriace et le commissaire Machard n’a aucune preuve formelle contre lui.
Heureusement, son ami le romancier Darbois, venu le voir pour trouver l’inspiration, comme à son habitude, va lui donner un coup de main pour clore cette enquête, comme il le fit plusieurs fois par le passé. Mais cette fois-ci, sa démonstration va être retentissante…
Je retrouve donc à nouveau le commissaire Machard dans une enquête un peu plus sombre que de coutume avec ces meurtres et démembrements de jeunes femmes.
Dans ce roman, si le commissaire Machard est mis en avant, c’est avant tout et surtout son ami le romancier Darbois qui sera le véritable point central du récit.
Un romancier en mal d’inspiration venant se ressourcer auprès de Machard, l’auteur nous en avait déjà présenté un dans « L’affaire Marville », mais il s’appelait alors Alex Charmois.
Des romanciers enquêteurs, la littérature populaire en a hébergé pléthore.
Rien de nouveau, donc, sous le soleil.
Rien de nouveau non plus dans l’intrigue, la narration et la plume de Maurice Lambert, tout est absolument parfaitement maîtrisé et, malgré la concision inhérente au format, l’auteur nous livre un véritable roman policier en condensé.
Tout y est : une intrigue simple, mais glauque ; tous les éléments de l’enquête, depuis le travail du légiste, de l’Identité Judiciaire, des renseignements jusqu’aux interrogatoires poussés.
Mais Maurice Lambert nous offre également des rebondissements, surtout un final, auquel je ne m’attendais pas et qui, en plus est bien amené et une fin à la « Whodunit » le genre si cher à Agatha Christie dans lequel l’enquêteur, en présence des différents suspects, explique comment il a rayé telle ou telle personne de sa liste jusqu’à ce qu’il ne reste qu’un nom, celui du coupable.
Proposant ainsi et comme rarement (du moins chez les autres auteurs) l’impression au lecteur d’avoir lu un vrai roman policier (et non un récit policier), Maurice Lambert pouvait difficilement faire mieux (comme à chaque fois ou presque).
Alors, on pourra toujours reprocher la fin très abrupte qui sonne comme une moralité et donc qui a des airs de fin de nouvelle et non de fin de roman, mais il fallait bien respecter le format et le récit approchait dangereusement des 15 000 mots, la limite que peut recevoir ce genre de fascicule.
Au final, excellent, difficile de faire mieux dans le monde du fascicule policier de 32 pages.