La mort dans l'ombre
De tout temps de son existence (début 1900 – fin des années 1960), la littérature fasciculaire s’est toujours scindée en deux genres : la série et la collection.
Une série regroupant des récits autour d’un même sujet ou, plus généralement, d’un même personnage et, la plupart du temps, écrits par un seul auteur.
Une collection regroupant des récits de sujets variés, mettant en scène différents personnages et écrit par divers auteurs.
Pourtant, il est souvent arrivé que, dans des collections, l’on retrouve des mêmes personnages dans différents récits, les auteurs de littérature populaire fasciculaire ayant souvent l’habitude, pour écrire plus vite et nourrir leur inspiration, de faire revivre un même héros.
Ainsi est-il fréquent, dans des collections, de découvrir des récits pouvant intégrer une série.
Et ce fait est vérifiable dans l’une des toutes premières collections fasciculaires policières : « Le Roman Policier » des éditions Ferenczi qui, entre 1916 et 1923, proposa plus de 200 titres parmi lesquels plusieurs auteurs usèrent de mêmes personnages dans divers récits.
On découvre alors Florac et La Glu, de Marcel Vigier ; le commissaire Rosic de Rodolphe Bringer ; le détective Ned Burke, de H. R. Woestyn ; Fred Cabosse de Jean Petithuguenin ; le détective Luc Hardy de Paul Dargens… et le reporter Léonce Capoulin d’Amaury Kainval.
« La mort dans l’ombre » est la première aventure de Léonce Capoulin, parue en 1919, dans la collection « Le Roman Policier », des éditions Ferenczi, sous la forme d’un fascicule de 32 pages. Elle fut rééditée (comme nombre de titres de cette collection) dans la collection « Police et Mystère » des mêmes éditions Ferenczi, en 1932, sous la forme d’un fascicule de 64 pages contenant un récit indépendant d’environ 18 000 mots.
Quant à Amaury Kainval, il y a de fortes chances que, derrière ce pseudonyme, se cache un dénommé Émile Quintin (1885-1966), c’est du moins ce que laisse penser la parution, en 1947, de la série « Les Aventures Fantastiques de Léonce Capoulin » signée Émile Quintin.
LA MORT DANS L’OMBRE
Léonce CAPOULIN, jeune reporter travaillant depuis peu à l’Étincelle, se désespère d’être cantonné à recueillir dans les commissariats, les petits faits-divers que ses confrères dédaignent.
Aussi, quand Raphaël Gauzy, son directeur, lui demande de retrouver le mari disparu d’une amie de sa femme, Léonce CAPOULIN voit là l’occasion de faire ses preuves et de briller auprès de son supérieur.
Malheureusement pour lui, l’homme est bientôt repêché dans la Seine. La police conclut au suicide.
Mais Léonce CAPOULIN, d’après les éléments déjà récoltés, refuse de croire à une mort volontaire et, malgré l’injonction de son chef, il décide de poursuivre son enquête.
Il ne tarde pas à découvrir que le dernier lieu dans lequel s’est rendue la victime est une maison appartenant à Raphaël Gauzy…
Léonce Capoulin est un jeune reporter ambitieux et intelligent. Pourtant, après quelques mois à l’Étincelle, on ne lui a toujours pas proposé un reportage à sa mesure.
Aussi, quand Gauzy, son rédacteur, le convoque pour lui demander de retrouver le mari d’une amie de sa femme, Léonce Capoulin est persuadé qu’il va enfin pouvoir donner la pleine mesure de ses talents.
Mais ses espoirs tombent à l’eau… comme ledit mari, retrouvé noyé par des pêcheurs. Suicide ! conclut la police. Pourtant, le début de son enquête avait démontré que le type ne semblait pas suicidaire. Alors, quand Gauzy lui demande d’abandonner son enquête, Léonce Capoulin, pensant qu’il s’agit d’un meurtre, décide de la poursuivre en secret.
Très vite, il en vient à découvrir que le mort, avant de tomber à l’eau, s’est rendu dans une villa… une villa qui appartient à Gauzy…
Première enquête, donc, de Léonce Capoulin, que j’avais déjà découvert dans ses enquêtes suivantes.
On découvre donc un jeune homme ambitieux, mais encore jeune dans son métier (son double métier si l’on considère celui d’enquêteur en plus de celui de journaliste). Ambitieux, intelligent et têtu puisque même si on le décourage à poursuivre, il ne lâche pas l’affaire.
Dans ce récit de 18 500 mots, l’auteur propose une intrigue un peu plus complexe que celles que l’on a l’habitude de trouver dans ce format fasciculaire. Les questions s’enchaînent, tout comme les suspects et les morts.
On doit reconnaître à l’auteur d’utiliser au centre de son intrigue un sujet visionnaire puisque la pratique évoquée dans le texte et que je ne peux évoquer sous peine de faire trop de révélations, n’est effective que depuis les années 1980.
Quant au personnage principal, Léonce Capoulin, si on fait connaissance avec ses débuts dans le journalisme et ses débuts de détective, on peut regretter que l’auteur ne nous le présente pas plus en détail puisque l’on ne sait pas grand-chose si ce n’est qu’il est jeune, ambitieux et intelligent.
Amaury Kainval évoque ses succès futurs, ce qui laisse entendre qu’il a écrit cette histoire en ayant déjà en tête de réutiliser le personnage.
Avec un style, une histoire et un personnage classiques, mais pas trop datés, voire précurseur pour le sujet, Amaury Kainval livre ici un texte très plaisant à lire et qui donne envie de poursuivre la découverte du personnage et de la plume de l’auteur.
Au final, un premier épisode agréable à lire et très prometteur.