Au nom du père
C’est toujours avec un réel plaisir que je retrouve le personnage de Thomas Fiera et la plume de Jean-Baptiste Ferrero.
Certes, J.B.F. n’est probablement l’auteur le plus connu, mais c’est incontestablement, pour moi, une valeur sûre.
Autour d’un personnage à la fois classique et original, attendrissant et dangereux, drôle et inquiétant, l’auteur développe toujours des histoires mêlant scènes sanglantes et violentes, légères et amusantes, émouvantes et touchantes.
Car, si l’intrigue de chaque histoire mène notre personnage dans des situations mouvementées et risquées, elle ne manque jamais de mettre Thomas Fiera face à son passé, à ses failles, ses douleurs.
Du long coma de sa femme à ses étranges amours en passant par ses origines, son passé, son fils et son père… chaque fois, le personnage sera bousculé physiquement et émotionnellement
Si l’on ajoute à tout cela la plume assurée de l’auteur, son humour, son sens de la répartie et des personnages secondaires très hétérogènes… on obtient, à chaque fois, un récit qui vous tient en haleine tout en vous faisant passer du rire aux larmes.
Ce sera probablement une nouvelle fois le cas avec « Au nom du père », un petit roman paru il y a quelques semaines…
Au nom du père :
Thomas Fiera, privé aux méthodes souvent expéditives, accompagne un vieux monsieur de sa maison de retraite espagnole jusqu’à un établissement niçois. La balade est plus mouvementée que prévu. Des truands et des agents très spéciaux s’intéressent au petit vieux. Ce dernier a l’âge du père du détective, il a vécu lui aussi en Algérie dans les années 60.
Et si les deux hommes s’étaient connus là-bas ?
Les kilomètres sur des routes chauffées à blanc, comme les révélations distillées au compte-gouttes par son passager, assomment le détective. Et si on ne lui avait pas confié cette mission par hasard ? Et si son passé le rattrapait…
Le retour de Thomas Fiera et de sa fine équipe. Un road movie aussi trépidant que poignant.
Un duo sacrément atypique : un privé aux méthodes aussi expéditives et violentes face à un petit vieux bien plus vert et retors qu’il n’y paraît.
En filigrane : l’Algérie, la décolonisation, les rapatriés… Vaste programme.
Une langue bien verte, beaucoup d’humour, un peu d’histoire.
Thomas Fiera est embauché par un sale con de riche pour aller chercher son vieux père atteint d’Alzheimer dans une maison de retraite de Séville et le conduire dans un institut plus adapté à Nice.
Un boulot bien payé, qui, pour une fois, devrait se dérouler sans risques et sans surprises…
Mais la vie de Thomas Fiera ne se déroule jamais sans risques et sans surprises, c’est ce qu’il apprendra à son détriment quand il se rendra compte qu’il est suivi par des individus louches et qu’il devra faire le trajet en voiture, les avions ne pouvant pas décoller en raison d’une éruption du Vésuve.
Et il n’est rien de dire que le voyage ne sera pas de toute tranquillité.
Je retrouve donc Thomas Fiera et la plume de Jean-Baptiste Ferrero avec un immense plaisir.
À travers cette histoire, l’auteur nous fait passer par différents sentiments.
L’humour avec les frasques du vieux bonhomme que Fiera doit transporter, un vieux casse-bonbons aussi vulgaire que désagréable.
La tendresse avec les moments de désarroi du vieillard quand il perd la boule et prend Thomas Fiera pour son fils.
La nervosité avec des scènes violentes en huis clos où rarement il y eut autant de morts au mètre carré.
Le chamboulement avec le rapport de Thomas Fiera avec son passé, avec son père, avec ses origines…
Je serai tenté de dire qu’une aventure de Thomas Fiera ne se raconte pas, ne se commente pas, elle se lit, mais ce serait un peu contraire à l’esprit d’une critique.
J’aime, j’adore la plume de Jean-Baptiste Ferrero, tant dans sa simplicité apparente (juste apparente), que dans son humour, dans l’art des dialogues et des réparties.
Cette simplicité parfois s’exprime en un seul mot « Bref. » dont l’auteur aime ponctuer une digression avant de reprendre le fil de son histoire. Ce n’est rien, mais ce gimmick est un point essentiel.
Cette simplicité se retrouve également dans les moments touchants dans lesquels l’auteur ne plonge jamais, pourtant, dans la facilité, dans le pathos dégoulinant. Non, il touche la corde sensible en faisant résonner chez le lecteur les fibres de tout un chacun à propos de ses propres failles sans jamais en faire trop.
Si les sentiments sont empreints de légèreté, ce n’est pas le cas des scènes d’action, toujours violentes, sanglantes, notamment quand intervient le personnage d’Adélaïde Rennuci, la dangereuse et belle partenaire du détective.
Car Thomas Fiera est souvent (toujours ?) entouré d’une bande hétéroclite d’amis, des femmes dangeureuses :
— Emmanuelle Tissier. 32 ans. Dite Manu. Dite Main Nue. Dite la Mouche. Docteur en Philosophie, spécialiste de Saint Thomas d’Aquin et de l’escalade à main nue. A utilisé ses talents de monte-en-l’air dans plusieurs effractions de sièges de partis politiques.
— Frederick Carpenter. 38 ans. Dit Fred. Citoyen américain. Ingénieur en informatique diplômé du MIT. Mathématicien et logicien distingué ayant étudié à Oxford. Au moins deux théorèmes portent son nom. Spécialiste de l’intrusion informatique et du bousillage de site institutionnel.
— Richard Dupont-Laville. 36 ans. Polytechnicien. Diplômé en économie. Spécialiste des montages financiers tordus et grand traqueur d’argent sale devant l’éternel. Il travaille à son compte et s’amuse à piquer, via leurs sociétés offshore du Luxembourg ou des îles Caïmans, l’argent de divers trafiquants.
— Adélaïde Renucci. 41 ans. Dite Adélaïde. (Il ne viendrait à l’idée de personne d’affubler d’un surnom une Adélaïde qui combine le physique d’une escort girl, avec l’affabilité d’une veuve corse, la jovialité d’une héroïne de tragédie antique et la dangerosité d’un cobra paranoïaque.) Linguiste et grammairienne. A séjourné au moins dix ans en Afrique où elle a décrit quatre idiomes peu connus et probablement participé à deux guérillas marxistes, notamment en organisant un trafic d’armes. Rompue à divers sports de combat et au maniement des principales armes à feu, elle semble avoir été présente lors de l’élimination physique d’un tyran africain bien connu.
Dans l’épisode du jour, seuls Fred et Adélaïde prennent une part active au récit, l’un pour les recherches informatiques, l’autre pour ses talents de tueuses et son statut de petite amie dangereuse du héros.
Bref.
Ce roman, comme tous les autres mettant en scène Thomas Fiera est à la fois simple, drôle, rythmé, violent, touchant, ponctué de réflexions intéressantes, plein de bonnes idées, addictif, mené d’une plume agréable et inspirante tout en faisant vivre (et mourir) des personnages originaux bien que surfant souvent sur des clichés du genre.
En un mot : Excellent.
En deux mots : À découvrir.
En trois mots : À découvrir d’urgence.
Au final, que dire de plus que j’adore les aventures de Thomas Fiera qui n’ont d’autres défauts que de ne pas être assez nombreuses.