Le rendez-vous sur la plage
Pour tout amateur de littérature populaire fasciculaire policière (oui, c’est précis) et, notamment, les férus, comme moi, de personnages récurrents, il est un auteur incontournable tant sa production dans le genre est immense : Henry Musnik.
Effectivement, cet auteur, né au Chili en 1895 et mort en 1957 à Paris, signa un nombre impressionnant de fascicules (en grande partie policiers, mais pas que), en plus d’écrire des articles (il était journaliste), des nouvelles, des contes…
Pour ce faire, l’homme usa d’un grand nombre de pseudonymes (Jean Daye, Pierre Olasso, Pierre Dennys, Alain Martial, Claude Ascain, Gérard Dixe…) afin de proposer ses textes (parfois les mêmes, à peine réécrits) à divers éditeurs pour diverses collections.
Henry Musnik avait coutume, pour intégrer des collections policières généralistes, d’utiliser un ou plusieurs mêmes personnages pour ses récits.
Parfois, certains de ses personnages se partageaient les mêmes aventures puisque celles-ci résultaient des fameuses réécritures qui, bien souvent, consistaient juste à changer le nom des personnages et le pseudonyme avec lequel il signait le texte.
Dans la collection « Police et Mystère » des éditions Ferenczi, qui, entre 1932 et 1941 proposa 436 fascicules de 64 pages, on retrouve deux récurrents Musnikien dont les aventures sont signées Claude Ascain : Jack Desly, un gentleman cambrioleur, qui vécut 25 aventures, à partir de 1937 puis dans la foulée, Daniel Marsant, un agent du Deuxième Bureau en lutte contre le Grand Maître, un génie du crime calqué sur Fantômas, qui, lui, vécut 17 aventures.
« Le rendez-vous sur la plage » est la 18e aventure de Jack Desly. Elle fut rééditée (comme certains autres titres de l’auteur), en 1953 dans la seconde série de la collection qui entre 1952 et 1959 proposa 134 titres.
LE RENDEZ-VOUS SUR LA PLAGE
Jack DESLY, gentleman cambrioleur, et sa compagne et complice Gladys, sont descendus dans un palace de Cannes afin d’exercer leurs « talents ».
Durant la soirée, Jack DESLY, en fouillant la chambre d’un gros négociant flamand que Gladys est chargée de distraire en l’accompagnant dans un dancing, met la main sur cinq millions en billets.
Mais, le lendemain matin, sa victime est retrouvée sur une plage proche, une balle dans la tête.
Très vite, l’inspecteur Arthème Ladon arrête un triste individu, ancien employé du mort.
Jack DESLY, mêlé de manière détournée à l’affaire, est persuadé de l’innocence du suspect et décide de tout faire pour qu’il soit relâché…
Jack Desly et Gladys font une sorte de lune de miel à Cannes.
Descendu dans un palace, le couple a jeté son dévolu sur un gros négociant flamand après que Gladys ait surpris une conversation téléphonique du bonhomme réclamant à sa banque de lui envoyer 5 millions de francs.
Tandis que Gladys occupe la victime en l’accompagnant dans un dancing, Jack fouille la chambre d’hôtel du flamand et fait main basse sur le pactole.
Puis, il rejoint le duo au dancing.
Le flamand, fatigué, laisse alors le couple pour aller se coucher, mais Jack remarque qu’un triste individu, déjà repéré dans le hall de l’hôtel, suit le type.
Le lendemain, le négociant est retrouvé, au petit matin, sur une plage, une balle dans la tête.
L’inspecteur Arthème Ladon, apprenant que Jack Desly est cité dans les témoins pour avoir partagé la dernière soirée de la victime, se charge de l’enquête et ne tarde pas à arrêter le fameux triste individu, un ancien employé de la victime, qui lui avait envoyé un message ayant des airs de menaces.
Mais Jack Desly est persuadé que le suspect est innocent et n’accepte pas de la laisser moisir derrière les barreaux. Il va donc se charger de l’innocenter à ses risques et périls.
On retrouve donc notre gentleman cambrioleur dans une nouvelle aventure, en compagnie de sa Gladys.
On le sait désormais, dans les séries policières, télévisées ou littéraires, les intrigues sentimentales, si elles peuvent donner un certain sel, au départ, diversifier un peu les récits, finissent toujours par lasser (à moins que cette intrigue naisse avec la série, comme, par exemple, dans les aventures de Dick et Betty de J.A. Flanigham).
Effectivement, ce genre de sentiment brise toujours un peu le rythme d’une série et ce d’autant plus quand le héros fonctionne déjà en duo avec proche partenaire, comme c’est le cas ici avec Nan-Dhuoc, le serviteur Annamite de Jack Desly.
Et c’est encore plus le cas ici (mais également dans Mandragore, du même auteur, ou dans « Mister Nobody » d’Edward Brooker) puisque ce personnage secondaire est également celui qui amène les touches d’humour.
Relégué au troisième rang avec l’apparition d’une complice, les touches d’humour sont elles aussi en déclin et donc, la série change un peu de style et devient moins drôle.
On ne s’étonnera donc pas que cet épisode soit moins plaisant pour qui appréciait ces touches d’humour et la présence de Nan-Dhuoc (ce qui est mon cas). Car, le fidèle Annamite n’apparaît dans l’épisode qu’au deux-tiers du récit et arrive un peu comme un cheveu sur la soupe, mais au bon moment.
Ce qui est surprenant, dans cette arrivée, est le nouveau langage du personnage qui nous sert des « mamzille » et des « missié » innacoutumés. Certes, l’homme n’aime pas conjuguer les verbes et les utilise à l’infinitif, mais jamais, que je me souvienne, il n’a usé d’un langage que l’on retrouverait plutôt dans les personnages noirs de la littérature du début du siècle dernier.
En ce qui concerne l’intrigue elle-même, rien de bien particulier à se mettre sous la dent, une intrigue plutôt classique.
Par contre, elle est beaucoup plus intéressante sur ce qu’elle nous apprend de l’auteur et de sa façon de travailler, car, qui aura lu la première aventure de Mandragore, du même auteur, mais signée, Henry-Musnik.
Effectivement, on remarquera alors que le passage concernant le maître nageur de l’épisode est repris, pas mot pour mot, mais dans un esprit très proche, pour un passage du premier tome des aventures de Mandragore paru en 1950 (dans la réédition numérique, se référer au second épisode « Strass et Menaces ».
Donc, même quand l’auteur n’allait pas jusqu’à reprendre un texte dans sa quasi-intégralité, il lui arrivait de s’autoplagier en reprenant des passages de ses anciens récits et en les adaptant pour d’autres.
Au final, pas un récit déplaisant, mais l’absence de Nan-Dhuoc se fait cruellement sentir, comme à chaque fois que c’est le cas.