L'étranglé me fait la vie dure
En tant que passionné de littérature populaire policière et fasciculaire, les éditions Ferenczi sont, pour moi, une sorte de valeur sûre du fait que Ferenczi ait été précurseur en la matière, de leur immense catalogue et des auteurs qu’ils ont édités.
Depuis la série fasciculaire « Marc Jordan » vers 1907 jusqu’aux collections « Le Verrou » et « Police et Mystère 2e série » (je me suis peu penché sur la collection « Feux Rouges » qui s’éteignirent en 1959, les éditions Ferenczi ont su proposer des fascicules souvent de qualités, tant par le travail des auteurs que celui des illustrateurs [Gil Baer et Georges Sogny en tête].
Certes, on pourra leur reprocher le fait de rééditer une partie d’une collection dans les collections suivantes [« Le Roman Policier » et « Le Petit Roman Policier » dans « Police et Mystère » et ceux de « Police et Mystère » 1re série dans la seconde], mais cela ne gâche en rien l’ensemble de leur œuvre.
Parmi les auteurs ayant travaillé pour cet éditeur, J. R. Hautefort, un auteur sur lequel je ne sais rien du tout, mais alors, rien de chez rien, si ce n’est qu’on le retrouve dans plusieurs collections des éditions Ferenczi dans les années 1950.
Dans la collection « Police et Mystère - 2e série », il signe 6 titres dont « L’étranglé me fait la vie dure » un fascicule de 64 pages publié en 1952.
L’étranglé me fait la vie dure :
Pourrai-je un jour dormir tranquille, sans être tiré de mon sommeil par la sonnerie stridente du téléphone ? Quand je pense que j’évite soigneusement de donner le numéro de ma ligne privée, je me demande ce que cela serait si ce numéro figurait sur l’annuaire ! J’ai beau gueuler, rien n’y fait : « Lorsque tu es couché, on est certain de te joindre. » me déclarait avec un désarmant cynisme un de ces fâcheux à qui j’essayais de faire comprendre ce qu’il y a de criminel à réveiller brutalement un garçon qui prend un repos bien mérité.
Le patron de la boîte le « Lotus Bleu » est bien embêté. On a retrouvé, au petit matin, derrière le comptoir de son établissement, un homme, mort, étranglé.
L’inspecteur Chade de Scotland Yard commence à lui chercher des poux dans la tête et la fréquentation de son bouge risque de rapidement en pâtir. Aussi, il est vital, pour lui, de trouver l’assassin au plus vite pour être débarrassé d’une surveillance contraignante de la police…
J.R. Hautefort nous livre, à travers une narration à la première personne et à l’aide d’une plume agréable, une petite intrigue qui s’inscrit dans l’ambiance des romans noirs à l’américaine des années 1940-1950.
L’intrigue met en scène un malfrat un peu rangé des voitures qui a repris une boîte de nuit sordide à un Chinois pour en faire un lieu si ce n’est de standing, du moins, quelque peu plus honnête qu’il n’était. Plus de drogue, plus d’hôtesses se livrant à des pratiques charnelles, juste de l’alcool, du jeu… rien de quoi s’attirer les griefs des forces de l’ordre.
Aussi, un mort, dans son établissement, cela fait désordre. Comme la police piétine et, surtout, comme il est suspecté et surveillé, le patron de la boîte va chercher à trouver le coupable lui-même.
Rien de bien neuf ni d'exaltant dans cette intrigue, donc, mais on ne peut pas s’attendre à mieux pour un fascicule de 64 pages qui contient un peu plus de 20 000 mots, d’autant que l’auteur s’attarde en cours de route pour installer son ambiance et conserver l’aura des romans dont il s’inspire.
Et, malgré une intrigue simple, Hautefort est obligé de faire des concessions pour tenir le format.
Ainsi, à plusieurs reprises, le lecteur a l’impression que l’auteur a coupé un peu brutalement dans le texte, oubliant un peu les règles de l’insertion des ellipses temporaires.
C’est notamment le cas pour la scène où le héros se rend à une réunion d’anciens élèves et qui s’achève brutalement à son arrivée aux portes de la ville pour enchaîner sans préambule sur une autre scène où le héros est de nouveau dans le « Lotus Bleu ».
C’est aussi le cas pour la scène finale dans laquelle on apprend qui est le meurtrier. Abrupte, pour le moins, cette séquence laisse un petit goût amer du fait d’un sentiment de « Tout ça pour ça ».
On ajoutera une absence quasi totale de description du personnage principal dont on ne sait rien, pas même, il me semble, le nom [du moins, je n’ai pas souvenir que celui-ci soit cité].
Pour autant, et malgré ces défauts, souvent inhérents au format, il faut reconnaître que la lecture de ce petit polar est fort plaisante, notamment grâce à la qualité de la plume et au respect du genre dont l’auteur s’inspire.
Au final, malgré quelques défauts, un petit polar à l’américaine [même s’il se passe en Angleterre] agréable à lire.