La main coupée
Je poursuis ma découverte de l’éphémère collection « Vidocq » des éditions L’Étrave qui, entre 1943 et 1944, proposa 11 fascicules de 32 pages signés par 7 auteurs différents (du moins, sept pseudonymes).
Parmi ces 7 noms, plusieurs signent deux ou trois titres.
C’est le cas de Jean Lunel qui signe les deux premiers titres qui ne forment qu’une seule histoire plus un troisième ; Jacques Cézembre, qui en signe deux également et Rémy Lambert qui en signe également deux.
« La main coupée » est le second titre de Rémy Lambert, alias Jean Allary (1894 - 1959). Il est le 9e de la collection « Vidocq » et se présente sous la forme d’un fascicule de 32 pages contenant un récit indépendant d’un peu plus de 11 000 mots.
Ce récit met en scène le commissaire Poivre déjà croisé dans le précédent titre de l’auteur, « La Maison de la Chouette ».
LA MAIN COUPÉE
Le commissaire Poivre, lors d’une réunion entre amis, raconte sa toute première enquête et comment lui vint sa vocation de policier.
Plus jeune, alors qu’il se prédestinait encore à devenir médecin, il constate, en rentrant chez lui, que, durant son trajet en métro, il a échangé le paquet contenant son repas du midi.
En lieu et place du pied de porc commandé chez le boucher, il se retrouve face à une main coupée.
Étudiant de près le membre, il déduit que celui-ci appartient à un tailleur de diamants.
Il se rend alors au commissariat pour faire part de ses découvertes, mais la suspicion et l’incrédulité de ses interlocuteurs l’incitent à poursuivre ses investigations de son côté afin de résoudre le mystère…
Comme tous les mercredis soir, le commissaire Poivre se réunit avec trois de ses amis pour passer un bon moment. Jamais, malgré l’insistance de l’assistance, jamais il n’évoque son métier.
Pourtant, en apercevant le chien d’un de ses compagnons, dont la queue a été coupée, il se remémore une vieille croyance bretonne disant qu’une personne se présentant au Paradis sans tous ses membres est envoyée droit en Enfer. De fil en aiguille, il se souvient et conte sa toute première enquête, à l’origine de sa vocation, alors qu’il faisait des études de médecine.
Alors qu’il s’était acheté un pied de porc chez le boucher pour son repas du midi, durant le trajet en métro, il avait dû échanger son paquet avec celui d’un autre passager, car, en entrant chez lui, en dépliant le journal enveloppant son pied, il découvrit, à la place, une main d’homme fraîchement coupée.
Il se mit alors à étudier de près ladite main et découvrit que le propriétaire du membre devait être un tailleur de diamants. Aussitôt se rendit au commissariat pour raconter sa mésaventure et confier ses découvertes, mais, devant les réticences et la suspicion des policiers, il décida de poursuivre son enquête afin de découvrir, seul, la vérité.
Rémy Lambert reprend donc son personnage du commissaire Poivre pour nous raconter, à travers sa confession, la façon dont il devint policier et la première enquête qu’il mena avant de découvrir sa vocation.
Rémy Lambert, change de système de narration. Après un narrateur omniscient pour raconter l’enquête de la Maison de la Chouette, il choisit une narration à la première personne, à travers une confession faite à des amis pour conter la toute première enquête de son personnage.
Le procédé n’est pas nouveau, notamment dans le monde du récit court (contes, nouvelles et, forcément, fascicule).
S’il a l’avantage de faciliter une concision nécessaire pour rentrer dans le format, il a, par contre, l’inconvénient de rendre plus difficile, voire impossible, la mise en place d’une certaine ambiance, comme avait pu le faire l’auteur dans le récit précédent.
Le format fasciculaire a cela de contraignant qu’il n’existe aucune recette miracle pour performer dans tous les domaines nécessaires à un bon récit policier : des personnages fouillés, une intrigue échevelée, une certaine ambiance, une plume alerte…
Dans la vie, il faut faire des choix, dans l’écriture de fascicules également.
Donc, pas d’ambiance dans ce titre ce qui est d’autant plus dommage que c’était le point fort de « La Maison de la Chouette ».
Le commissaire Poivre étant le conteur, forcément, pas de description du héros (à peine connaît-on quelques détails sur sa vie).
Quant à l’intrigue, elle s’apparente plus à celle d’une nouvelle que d’un récit fasciculaire digne de ce nom.
Ce n’est pas pour autant que le récit est désagréable à lire, mais on a moins la sensation de lire un tout petit roman policier qu’une nouvelle policière, et les deux formats s’ils ne diffèrent pas toujours sur la taille, ont des constructions, des narrations, des ambiances différentes.
Au final, quand le commissaire Poivre raconte sa toute première enquête, cela donne des airs de conte ou de nouvelle à un récit qui se devait de prendre plus des airs de petit roman.