Le fantôme qui tue
On ne compte plus les enquêteurs qui peuplent la littérature populaire policière en général et celle fasciculaire en particulier.
Privés, amateurs ou bien policiers, il serait impossible d’en établir une liste exhaustive, aussi, je ne m’y attellerais pas.
Mais ce n’est pas parce que je ne puis faire la connaissance de tous que cela m’empêche de tenter d’en rencontrer le plus possible.
Récemment, le répertoire des investigateurs croisés s’est enrichi d’un nom : l’inspecteur Girard, un personnage né de la plume de l’écrivain et journaliste André Charpentier (1884 - 1966) qui se spécialisa dans les récits d’aventures et surtout policiers aussi bien sur des formats ordinaires pour la collection « Le Masque » ou « À ne pas lire la nuit » que sur des formats fasciculaires pour les collections du genre des éditions Ferenczi.
C’est chez ce dernier éditeur que l’on voit apparaître l’inspecteur Girard (parfois nommé inspecteur Gérard), notamment dans la collection de fascicules de 64 pages « Police et Mystère ».
Je n’ai pas assez épluché l’œuvre de l’auteur pour lister tous les titres mettant en scène ce personnage, mais on le retrouve dans au moins une autre collection chez le même éditeur.
Aussi, je découvre les titres un peu dans le désordre et ce désordre m’amène aujourd’hui à lire « Le fantôme qui tue ».
Seule certitude, ce titre n’est pas le premier mettant en scène le policier puisque 4 de ses anciennes affaires sont citées dans le récit sans pour autant que les titres des fascicules correspondants soient précisés.
« Le fantôme qui tue » est donc un fascicule de 64 pages comprenant un récit indépendant de 17 500 mots et publié en 1938 dans la collection « Police et Mystère » des éditions Ferenczi.
LE FANTÔME QUI TUE
Drame à Blainville-sur-Mer !
Dans la soirée, sur la terrasse du café du Cheval Noir, un homme a été abattu d’une balle.
Événement surprenant dans une cité balnéaire aussi calme quand les estivants ne l’ont pas encore prise d’assaut.
À plus forte raison quand le meurtre est perpétré au su et au vu de tous les habitués des lieux et que l’assassin n’aurait pu commettre son crime et abandonner son arme sans être aperçu des multiples témoins qui entouraient la victime.
De là à penser que le coupable est un fantôme ?...
Heureusement pour le commissaire de Blainville-sur-Mer, il apprend que le célèbre inspecteur GIRARD a élu domicile dans une villa de la localité pour passer des congés bien mérités.
Celui-ci accepte, un peu à contrecœur, de prêter main-forte à son collègue, mais très vite, il va s’enthousiasmer dans cette enquête mêlant un tueur invisible, un yacht fantôme, une mystérieuse voiture bleue transportant des êtres étranges et une crique dans laquelle se déroulent des phénomènes qui effrayent tous les marins de la région…
Décidément, quand on est policier, on ne peut pas être tranquille, même en vacances… surtout en vacances…
La preuve, l’inspecteur Girard, en repos, incognito, à Blainville-sur-mer est dérangé par le commissaire local qui a appris sa présence dans sa localité afin d’enquêter sur un meurtre étrange qui vient d’avoir lieu dans le café du village.
Meurtre étrange s’il en est puisque la victime, un jeune homme, a été abattue sur la terrasse, alors qu’il se trouvait entouré de clients sans que personne n’ait vu son assassin. Pourtant, l’arme du crime est retrouvée à ses pieds. On parle déjà d’assassin fantôme et ce d’autant plus que les marins évoquent, depuis quelques jours, un yacht fantôme, des choses étranges qui se déroulent dans une crique isolée et, qu’en plus, des gens ont remarqué une mystérieuse voiture bleue transportant des gens bizarres…
Comment, pour l’inspecteur Girard, résister à autant de mystères ???
On retrouve donc l’inspecteur Girard dans une nouvelle enquête (qui précède pourtant les deux que j’ai déjà lues) sans que le personnage ne soit mieux présenté que les fois précédentes.
Le fantôme, c’est lui, tant on ne sait rien de lui.
Dans une enquête suivante, il était évoqué sa femme, pourtant, ici, il prend du repos seul…
Physiquement, rien ! Moralement, rien ! professionnellement, juste ses succès passés.
Bref.
L’auteur nous laisse dans le flou avec son héros, ce qui l’arrange bien, probablement, celui lui évite de se tromper par la suite.
Mais les enquêtes de l’inspecteur Girard ne valent pas tant pour son personnage que pour ses intrigues et la plume de l’auteur.
Pour les intrigues (toutes proportions gardées par rapport à des récits fasciculaires), l’auteur semble s’amuser à proposer des crimes apparemment impossibles, mais qui se sont pourtant perpétrés d’une manière plutôt normale.
Crime en chambre close dans ma précédente lecture, ici c’est un crime impossible : tuer, à bout portant, à coup de revolver, une personne, au milieu d’une terrasse, qui est entourée de clients, sans que personne n’ait vu le tueur… voilà qui n’est pas banal…
Bien évidemment, comme on peut s’y attendre avec un tel format concis et d’autant plus quand on a déjà lu l’auteur, la solution va être plus simple qu’espérée. Si simple, même, que, une fois écartées les pistes farfelues induites par quelques malheureuses coïncidences, le lecteur comprend, probablement en même temps que l’inspecteur Girard, ce qui s’est réellement déroulé.
Pas très grave, puisque tout ce qui précède est plutôt agréable à lire, notamment pour un récit fasciculaire et que l’auteur s’y entend pour maîtriser un genre et, surtout, sa narration et sa plume.
De ce fait, bien que l’intrigue s’avère simple, que le héros est bien pâle (on ne sait rien de lui) le lecteur ne s’ennuie jamais et, même, mieux, prend du plaisir face à cette enquête (c’est du moins mon cas).
Car, il faut bien reconnaître que les auteurs de la littérature fasciculaire policière se sont souvent contenté de proposer un minimum syndical sans autre ambition que d’écrire un récit de plus (on peut cependant les comprendre vu les conditions d’écriture et la nécessité d’écrire vite pour répondre aux attentes des éditeurs et pouvoir vivre de sa plume).
Mais certains parvinrent pourtant à hausser le curseur, tant au niveau des personnages, des intrigues que de leur plume.
Certes, André Charpentier ne rivalise pas, en la matière, avec Maurice Lambert (qui mit la barre très haut), mais il parvient à se hisser dans le haut du panier et c’est déjà très appréciable.
D’ailleurs, quand un auteur parvient à vous proposer un récit plaisant sans que le lecteur ne puisse réellement pointer le ou les raisons du plaisir qu’il a pris, c’est plutôt bon signe. Et c’est ce que j’ai à chaque fois ressenti dans mes trop rares lectures des récits signés André Charpentier.
Et c’est une nouvelle fois le cas avec ce récit-ci.
Au final, si le crime impossible s’explique trop facilement, l’ensemble se révèle très agréable à lire grâce au savoir-faire de l’auteur.