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Loto Édition
20 mars 2022

Le salon du prêt-à-saigner

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Joseph Bialot est un auteur de langue française né à Varsovie en 1923 et mort en 2012 à Paris.

Il s’installe avec sa famille au début des années 1930 à Belleville.

Il est déporté à Auschwitz en 1944 où il passera près de 6 mois avant d’être libéré et retrouvera miraculeusement ses parents et réintègrera l’entreprise de prêt-à-porter familial.

Je m’étale rarement sur la vie des auteurs, mais les quelques renseignements donnés sont nécessaires à comprendre les romans (du moins les premiers) de l’auteur.

Effectivement, le tout premier, celui qui nous intéresse aujourd’hui, s’intitule « Le salon du prêt-à-saigner » et le second « Babel-ville » (car il se déroule à Belleville).

« Le salon du prêt-à-saigner » est publié dans la série « Super Noir » de Gallimard en 1977 et remporte le Grand Prix de la Littérature Policière en 1979.

Le salon du prêt-à-saigner :

Le Sentier est un beau quartier. On y rencontre des stylistes, des commerçants, des putains, à tous les coins de rue et même, parfois, un tueur. Un tueur qui aime, qui adore la mode et qui la coupe et la façonne au ciseau électrique ou… au rasoir.

Les meurtres s’enchaînent dans le Sentier et le commissaire Faidherbe et l’O.P. Chaligny, ainsi que l’inspecteur Brancion sont chargés de l’enquête…

Bon, résumé très succinct que celui que je viens de faire, mais je ne m’étendrais pas plus sur l’histoire qui est à la fois simple et complexe et qu’il vaut mieux découvrir par soi-même que de se la faire conter par un autre (même si cet autre, c’est moi).

Joseph Bialot, avec ce premier roman, intègre immédiatement le statut d’écrivain prometteur (il fut récompensé pour celui-ci), mais surtout ma liste des auteurs dont je me demande pourquoi je ne les ai pas connus plus tôt.

Effectivement, avec un écrivain de langue française publié dans l’une de mes collections préférées de la seconde moitié du XXe siècle, la Série Noire de Gallimard, maniant à la fois l’humour, les réflexions sociétales, les intrigues policières, une certaine poésie, l’art de la description et bien d’autres choses encore, il était évident que la rencontre serait pour le moins plaisante.

Mais ce qui m’a tout d’abord surpris, dans ce roman, c’est la maîtrise totale dont fait preuve l’auteur.

Maîtrise de sa plume, tout d’abord. D’une plume particulière, en plus, qui ne cherche pas à singer, mais qui, au contraire, s’octroie le droit d’innover, de plonger dans l’humour bon enfant, dans l’ironie mordante, dans la dénonciation, dans la réflexion, dans la poésie, sans jamais demander l’autorisation au lecteur.

Maîtrise de son histoire, ensuite, qui donne pourtant l’air de partir un peu dans tous les sens, du fait de la volonté de l’auteur d’aborder différents sujets, de démontrer ses capacités, et qui, pourtant, va là où il l’a voulu l’emmener.

Maîtrise, surtout, de sa narration. Trop, d’ailleurs.

Il était étonnant, dans un premier roman de faire preuve d’autant de maîtrise, de maîtrises, même (avec un « s »).

Car, on a tendance, dans une première œuvre, à vouloir tout donner et on finit par en mettre trop.

Pas là, à part dans la narration, mais c’est probablement un détail qui ne gêne que moi.

Effectivement, Joseph Bialot use là d’un schéma narratif qui est devenu, depuis, une mode chez les écrivains de Thriller, celui (le schéma) d’alterner à coup de courts chapitres, les avancées dans des histoires parallèles.

Cet artifice, destiné à dynamiser une intrigue, est plutôt plébiscité par les lecteurs, raison pour laquelle tous les Best Sellers actuels du genre en usent et en abusent.

Mais, personnellement, je préfère les narrations linéaires, les intrigues ne développant qu’une seule histoire, même si j’ai bien conscience qu’il est plus ardu pour un écrivain de parvenir à instiller un grand suspens dans ces conditions (mais c’est alors la consécration quand ils y parviennent).

Bialot, dans ce roman, propose un grand nombre de personnages.

Trop, serais-je tenté de dire, car j’ai eu le tort de débuter ma lecture par petites tranches, le soir, alors que j’étais un peu trop fatigué pour me concentrer et retenir des détails trop nombreux, ce qui m’a empêché, dans un premier temps, de bien entrer dans cette histoire.

Quand les personnages sont nombreux, mieux vaut être concentré.

Et l’auteur n’hésite pas à passer de l’histoire de l’un à l’histoire de l’autre, sur quelques lignes. Sachant, bien sûr, que toutes les histoires seront reliées à un moment ou à un autre.

Ici, Bialot ne s’embête pas à attendre le prochain chapitre pour changer de lieu, de point de vue, d’histoire, de personnage. Non, il le fait quand il veut.

Comme souvent, pour un premier roman, l’auteur s’appuie sur quelque chose qu’il connaît bien.

Ici, le Sentier, l’ambiance, les gens, le métier…

Et l’on sent que l’auteur connaît et aime ce quartier. On sent l’empathie sans laudation ni concession.

Je parlais d’une rare maîtrise pour un premier roman, mais deux détails peuvent expliquer cette incroyable qualité.

La première est que l’auteur avait le goût des études. Ayant dû les interrompre à l’arrivée de la guerre, il les reprendra bien après pour obtenir une licence en psychologie en 1969.

La seconde, et pas des moindres, est que ce premier roman intervient tardivement dans la vie d’un écrivain.

Effectivement, c’est à 55 ans qu’il écrit cette œuvre liminaire.

Et cette maturité d’homme explique la maturité de l’écrivain.

Bref, peu importe l’âge de l’écrivain, peu importe son passé, peu importe sa formation, la seule chose à retenir est la qualité de son premier roman qui promet un bel avenir à son auteur.

Car ce roman comporte à la fois tout ce que voulait y mettre Joseph Bialot et bien plus encore.

Au final, un excellent premier roman, foisonnant et parfaitement maîtrisé.

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