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Loto Édition
10 avril 2022

L'assassin joue et perd

CouvGM01

René Jadfard (1889 - 1947) est principalement réputé pour ses faits de guerre, lors de la première, mais surtout la Seconde Guerre mondiale et, aussi, pour avoir été, brièvement, député de la Guyane avant qu’un accident d’hydravion ne mette fin à la fois à sa carrière politique et à sa vie.

Mais si l’on évoque les noms de Marie-Madeleine Allemand ou George Madal, deux pseudonymes de René Jadfard, le lecteur féru de la mythique collection « Le Masque » pensera immédiatement à quelques romans policiers y étant parus comme « Drôle d’assassin » ou « L’assassin joue et perd ».

Et c’est à ce second titre que je m’intéresse aujourd’hui, un roman paru dans la collection « Le Masque » en 1941, mais que les lecteurs avaient pu découvrir l’année précédente dans le magazine « Détective », signé Marie-Madeleine Allemand, mais dans une version très différente, dans la construction, parfois dans les noms des personnages, dans la fin, mais pas dans l’intrigue.

On notera que le roman sera réédité bien plus tard, en 1988, par les Éditions Caribéennes, un éditeur spécialisé dans les auteurs des Caraïbes et qui rééditèrent plusieurs textes de René Jadfard.

« L’assassin jour et perd » reprend le personnage de l’inspecteur Ralph déjà rencontré dans « Drôle d’assassin »… 

L’ASSASSIN JOUE ET PERD

L’inspecteur RALPH en a connu des enquêtes difficiles susceptibles d’écorner son flegme réputé qui lui vaut le surnom de « l’Anglais »…

Mais, quand un auteur à succès se suicide, en rentrant d’une réception, dans sa voiture, au fond de son garage, l’affaire ne risque pas de faire perdre son sang-froid au policier.

Sauf si la balle fatale ne provient pas du revolver trouvé dans la main du mort…

Max Rival, un grand auteur, est retrouvé, suicidé, dans sa voiture, dans son garage.

L’inspecteur Ralph est chargé des premières constatations et la toute première est d’importance, l’arme retrouvée dans la main du mort n’est pas celle qui a tué celui-ci.

Du coup, le crime ne fait aucun doute et l’inspecteur Ralph va se lancer sur les traces du meurtrier grâce à tous les éléments en sa possession.

Mais il ne sera pas le seul à traquer le tueur et, entre les suspects et les « justiciers », il sera difficile à l’inspecteur Ralph de faire la différence…

Dans ce roman de 70 000 mots, René Jadfard, sous le pseudonyme de George Madal (ou de Marie-Madeleine Allemand, selon les éditions) met à nouveau en scène son personnage de l’inspecteur Ralph, surnommé l’Anglais (dans le roman précédent, « Drôle d’assassin ») un policier au flegme légendaire.

Le policier est chargé d’enquêter sur un meurtre déguisé en suicide dans le milieu des gens de théâtre et de la littérature puisque la victime est un auteur à succès et que les différents suspects gravitent sont un comédien, d’autres auteurs, un écrivain et un journaliste…

Si René Jadfard, dans son précédent roman policier, avait fait montre d’un certain talent pour le suspens et le mystère ainsi qu’une réelle maîtrise du genre policier, on pouvait conclure que ce roman liminaire pèchait par une modernité, dans le sujet, qui était désormais devenue désuète, voire risible.

Ce n’est pas le cas ici tant ce roman pourrait, à quelques exceptions près, être écrit de nos jours, aussi bien du point de vue de l’intrigue que de la plume aussi bien que de, chose plus rare, sa narration.

Car, si l’intrigue est au final assez simple, René Jadfard parvient à instiller un suspens permanent grâce à la modernité de son système narratif et de sa plume.

En effet, j’ai rarement (jamais ?) lu un roman policier de cette époque qui propose un système narratif aussi proche de ce que peuvent mettre en place les auteurs à succès de romans policiers de nos jours.

Mais cette « modernité » n’est pas dénaturée, contrairement aux romans des auteurs actuels, part une volonté de perdre les lecteurs à travers les méandres d’une intrigue tellement tortueuse qu’elle en devient à peine crédible (voire, pas du tout).

Ici, comme je le disais, l’intrigue se révèle relativement simple et, pourtant, le lecteur est embarqué dès les premières lignes grâce à un premier paragraphe d’une efficacité redoutable.

Avant même que le meurtre n’ait lieu, René Jadfard parvient à accrocher ses lecteurs grâce à une scène qui les mettra sur des charbons ardents.

Dès lors, le lecteur n’aura plus qu’une envie, poursuivre sa lecture pour connaître la suite et, surtout, l’importance, dans l’histoire, de cette fameuse scène et des personnages qui y participent.

Mais René Jadfard ne se contente pas d’hameçonner son lecteur pour le laisser, par la suite, dériver au fil de l’eau, il conserve sa ligne tendue et donc l’attention de ses poissons qui, pour rien au monde, ne voudront être décrochés.

Et René Jadfard ne se contente pas d’avoir ferré le lecteur pour de bon et ne se repose par sur la solidité de sa ligne, il pense également à la solidité de son bouchon, de sa plume, afin de s’assurer que jamais celle-ci ne coule pour le cas où le lecteur déciderait de faire demi-tour.

À sa solide narration, l’auteur ajoute une plume tout aussi efficace, n’hésitant pas à alterner, en même temps que les passages d’un personnage à un autre, les temps de narrations, passant du présent au passé simple et du passé simple au présent pour dynamiser son récit et donner des intonations différentes concordant avec les intentions des différents personnages.

Parvenir à exalter le lecteur avec une intrigue alambiquée est une chose relativement aisée pour un auteur expérimenté (la résoudre de belle façon est autre chose).

Mais, tenir en haleine un lecteur avec une intrigue relativement simple et à dimension, finalement, humaine, est un exploit auquel parvient l’auteur, avec une apparente facilité.

Et si l’intrigue, la narration, la plume sont à la fois efficaces et maîtrisées, l’ensemble est rehaussé par une enquête qui s’appuie sur des éléments qui n’ont presque pas vieilli et qui ne peuvent être remis en cause même de nos jours (à part quelques détails).

Car, l’enquête de l’inspecteur Ralph ne s’appuie pas que sur des réflexions, des pressentiments, le flair ou la chance, mais sur des indices relevés par la Police Scientifique de son époque, empreintes digitales, empreintes de pieds, estimation de la taille du suspect, relevé de fibres et autres indices du genre.

Et, en parallèle à tout cela, René Jadfard propose une seconde intrigue à propos d’un mystérieux livre dont le lecteur comprend rapidement que l’auteur est également l’instigateur du meurtre…

Ainsi, René Jadfard, une fois qu’il a bien accroché son lecteur, après avoir choisi un bon hameçon, une ligne solide, une plume qui flotte correctement, une bonne amorce, après l’avoir baladé dans le courant, peu, à la fin, le remonter et le mettre dans sa bourriche dans lequel le poisson demeurera bouche-bée… avant d’être rejeté à l’eau dans l’espoir qu’un autre pêcheur tout aussi délicat et talentueux ne le tente.

Au final, autant le premier roman policier de l’auteur péchait par un propos qui se délitait au fil du temps, autant, là, il propose une intrigue, une narration, une plume d’une modernité quasi inaltérée malgré les 80 ans qui se sont écoulés depuis la première publication.

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