La Machine à Penser - Tome 0
Dans l’esprit des lecteurs férus de récits policiers, le personnage ultime de l’enquêteur est indéniablement décerné à l’un des tout premiers : Sherlock Holmes de Conan Doyle.
Avant lui, on notera le chevalier Dupin d’Edgar Alan Poe, M. Lecoq d’Émile Gaboriau.
Mais, si Sherlock Holmes fut très largement inspiré de Maximillien Heller d’Henry Cauvain, il inspira surtout de nombreux personnages.
Et, s’il ne fut pas une source d’inspiration directe, il ouvrit néanmoins la voie à des investigateurs de tous poils, des plus classiques aux plus atypiques qui n’ont pourtant jamais réussi à le remplacer dans le cœur des lecteurs.
Cependant, un enquêteur américain aurait pu réussir cet exploit si son créateur n’était pas mort prématurément.
Le personnage auquel je pense se nomme le professeur Augustus S. F. X Van Dusen, surnommé La Machine à Penser (« The Thinking Machine » en version originale).
Il fut à Jacques Futrelle (son créateur) ce qu’Holmes fut à Conan Doyle.
Jacques Futrelle est donc (était) un auteur américain né en 1875 et mort tragiquement en 1912 à bord du Titanic, bateau qui le ramenait, avec son épouse, d’Europe où il venait de faire une tournée pour trouver des éditeurs afin de faire publier ses récits par chez nous.
Dans sa bibliographie, quelques romans policiers et, surtout, des enquêtes de La Machine à Penser (une cinquantaine).
Lors du naufrage, May Futrelle (la femme de l’écrivain et écrivain elle-même) parvint à sauver une partie des textes que son mari avait écrits durant le voyage, dont une demi-douzaine d’enquêtes de La Machine à Penser.
Si les aventures du Professeur Augustus Van Dusen eurent un grand succès dans son pays, tout le monde s’accorde à dire que si Jacques Futrelle avait vécu plus longtemps, nul doute que son personnage aurait atteint la célébrité de son compère anglais.
En Europe, le personnage est moins connu même si des traductions virent le jour en Italie, en Allemagne…
En France, par contre, ce fut le néant presque complet. Quelques traductions virent le jour, sans demeurer dans les esprits. La plupart restèrent inaccessibles aux lecteurs de l’hexagone (excepté ceux parlant couramment l’anglais).
Mais depuis peu, les enquêtes de La Machine à Penser sont traduites et présentées aux lecteurs sous forme de tomes (la plupart des récits sont courts) et c’est alors l’occasion de découvrir enfin le personnage près de 120 ans après sa création.
Le « Tome 0 » de ces recueils regroupent trois courts récits présentant le personnage auquel les lecteurs vont rapidement s’attacher.
Tout d’abord, « La Machine à Penser », explique comment le Professeur Augustus Van Dusen gagna son surnom en même temps qu’une partie d’échecs face à un champion alors que la veille le scientifique ne connaissait même pas les règles du jeu.
« Ma première rencontre avec le grand logicien » nous conte la façon dont le professeur Augustus Van Dusen fit la connaissance du journaliste Hutchinson Hatch, qui sera son partenaire dans toutes les enquêtes à suivre. Le reporter est en effet l’homme qui apporte la plupart du temps les problèmes à résoudre au professeur et il est surtout les bras et les jambes du cerveau que représente La Machine à Penser. Il obéit aux injonctions du scientifique qui l’envoie chercher les indices ou interroger les témoins, lui permettant ainsi, souvent de résoudre les enquêtes depuis ses appartements sans même avoir à se déplacer.
Cette première rencontre est marquante pour le journaliste puisque le scientifique lui sauva la vie.
« Le premier problème » conte la toute première enquête criminelle que La Machine à Penser résolut, celle de la disparition mystérieuse d’une actrice sur une scène de théâtre…
Ce premier tome est indéniablement là pour présenter le personnage et, si l’on sent le potentiel de celui-ci, l’auteur ne l’exploite pas encore.
Il faut avouer que, bien que tome liminaire, les aventures le composant n’ont pas été les premières écrites. Mais celles-ci permettent de faire mieux connaissance avec La Machine à Penser avant de se lancer dans une série d’enquêtes plus complexes…
Rien de transcendant, donc, dans ces courts récits, mais une première rencontre prometteuse et l’on a hâte de découvrir le personnage dans des énigmes à sa hauteur.
Au final, un premier tome qui permet de faire la connaissance d’un personnage mythique, mais malheureusement totalement inconnu en France. Avec des récits courts et des problèmes assez simples à résoudre, ce tome laisse présager du très bon à venir, en présentant ce personnage très atypique.