Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Loto Édition
21 mai 2023

Le suicidé de la rue Jacob

LSDLRJIl est parfois des romans dont on n’attend rien, que l’on s’est procuré un peu par hasard, et qui ne serait jamais tombé dans vos mains sans que des concours de circonstances s’en mêlent.

C’est indéniablement le cas de « Le suicidé de la rue Jacob » un roman de Henry Jagot publié en 1932 par les éditions Berger-Levrault.

Voilà des années qu’il traînait dans un tiroir, puis dans une caisse et, ne connaissant ni le nom de l’auteur ni celui de l’éditeur et n’ayant jamais entendu parler dudit roman, il y a fort à parier que je me le suis procuré en achetant un lot de vieux livres chez un libraire.

Bref, par un autre concours de circonstances, je me suis penché sur l’ouvrage pour le lire… pour le dévorer, car ce fut une révélation à plus d’un titre… comme quoi, le hasard fait bien les choses et pas uniquement pour les policiers de romans…

D’Henry Jagot, je n’aurai malheureusement pas grand-chose à dire à part ce que la BNF a bien voulu m’apprendre. Né en 1858, mort en 1933, il était parolier et homme de lettres.

D’après la liste (peut-être non exhaustive) des titres écrits par l’auteur que l’on trouve sur le site de la BNF, il semblerait qu’Henry Jagot soit plus spécialisé dans les récits sentimentaux que dans les policiers puisque, à part le titre du jour et une sorte de biographie de Vidocq, je ne vois guère que « L’affaire Jemini » et « Le disparu de la rue Lepic » qui puissent être affiliés au genre policier.

LE SUICIDÉ DE LA RUE JACOB

Il était évident que M. Wladimir d’Ormoy était mort…

Il l’était autant qu’il s’était suicidé…

C’était du moins ce que pensait le médecin appelé chez monsieur d’Ormoy pour constater le décès.

C’était également l’avis du commissaire de Police et du juge d’instruction…

L’affaire n’aurait pas été plus loin sans la présence d’un étrange personnage qui accompagnait le magistrat.

Le vieillard, au regard vif, vêtu avec une sobre élégance et portant à la boutonnière la rosette de la Légion d’honneur, répondait au nom de Nauville.

Et ce n’était pas un doute qu’il avait émis en évoquant un meurtre, mais une certitude… certitude qu’il s’engageait à démontrer… ainsi qu’à découvrir le mobile du crime et l’identité de l’assassin…

Wladimir d’Ormoy est mort… il a été retrouvé, au petit matin, par sa femme de ménage, allongé raide dans son lit, alors que tous les robinets de gaz étaient ouverts.

Suicide ? C’est une évidence que met rapidement en doute un petit vieux accompagnant le juge d’instruction. Mais le fin vieillard n’est pas n’importe qui, il s’agit du conseiller Nauville, une sorte d’éminence grise réputée pour ses qualités d’analyses et de déductions et qui a rendu, par le passé, de fiers services à la police et à l’État…

Certains vous diront que, pour faire un bon roman policier, il vous faut une bonne intrigue.

Personnellement, j’estime qu’il est préférable, si l’on doit choisir, d’avoir un bon « héros » plutôt qu’une bonne histoire…

Et si l’on ajoute une belle plume… alors, assurément le tour est joué et réussi.

J’en arrive donc là à ma première révélation, celle qui me permet de savoir pourquoi j’aime tant les romans policiers d’Albert Boissière et pourquoi, du coup, j’ai aimé « Le suicidé de la rue Jacob » : les deux auteurs sont avant tout des romanciers.

Je n’entends pas opposer les romanciers et les écrivains de romans policiers, loin de moi cette idée saugrenue. Mais force est de constater que, si l’on peut écrire de très bons romans policiers sans être capable d’écrire autre chose, quand on maîtrise l’art de raconter et que l’on met ce don au service d’un roman policier, alors, le lecteur fait tout de suite la différence.

« Il était certain que M. Wladimir d’Ormoy était mort…

Il l’était autant qu’il s’était suicidé… »

Le roman débute par ces deux phrases qui n’ont l’air de rien, mais qui suffirent, lorsque je survolais les premières pages de différents romans anciens que j’avais jusqu’ici délaissés, pour me convaincre de le placer en haut de la pile.

Elles n’ont l’air de rien, ces deux phrases, mais elles placent immédiatement le sujet, la prose, le mystère…

Et la suite ne dément pas cette première impression. Immédiatement on est convaincu par la plume de l’auteur. Pas une faute de goût, pas une erreur de ponctuation, ou presque (ce qui est assez rare dans les romans de l’époque et même ceux plus récents)…

Puis vient rapidement le personnage de Nauville. Une autre réussite.

Un vieux monsieur dont on ne se méfierait pas, mais qui brille par son intelligence, sa pugnacité, son énergie, sa détermination, et qui, bien qu’inconnu du grand public, est un rouage important des arcanes de l’État et de la police.

Un personnage à la fois classique et original, classique par ses capacités, original par son âge (75 ans) et ses tocs (consulter sans raison sa montre et la faire sonner, tripoter son carnet, dessiner des petits bonshommes)

Et l’on prend un plaisir immense à suivre l’enquête de ce personnage parce que le personnage est attachant, parce que la plume de l’auteur est agréable et parce que le système de narration mis en place est intéressant.

Alors que je râle souvent auprès des auteurs qui alternent les récits ou usent de flash-back, clamant que je préfère les récits linéaires, une des raisons pour lesquelles je me penche volontiers sur la littérature d’autrefois, Henry Jagot n’hésite pas à faire des petits sauts en arrière, en avant, dans son récit, pour expliquer tel ou tel comportement, telle ou telle information, sans que jamais cela ne paraisse artificiel et, bien au contraire, que ces choix sont totalement justifiés.

Et pourtant, le roman pourrait pécher par un grand défaut (pour ceux qui estiment que l’intrigue prévaut) c’est, qu’ici, l’intrigue est simple… difficile, même, pour un roman de 40 000 mots, de faire plus simple. Un meurtre, une victime, un suspect… un seul rebondissement et hop, emballé, c’est pesé.

Mais qu’on ne s’y trompe pas, malgré (ou grâce à) la simplicité de l’histoire, la plume et le personnage central tiennent ce roman à bout de bras et parviennent à capter le lecteur mieux que la plus échevelée des intrigues.

Et on suit avec un plaisir évident l’enquête du vieux conseiller, la façon de réfléchir de celui-ci, sa perspicacité, ses scrupules et, surtout, sa droiture et son honnêteté.

On apprécie également sa relation avec l’ancien policier Grosbois qui lui sert de bras droit et qui lui est totalement dévoué.

Mais, ce que l’on apprécie par-dessus tout, je le répète, c’est une plume sans faille, au service de l’histoire et des personnages et qui fait d’un roman policier un roman avant tout.

Au final, un roman policier qui brille par sa plume et par un personnage à la fois original et attachant. Une réussite.

Publicité
Commentaires
Loto Édition
Publicité
Loto Édition
  • Parce que l'édition est une véritable loterie dans laquelle il y a beaucoup d'appelés et très peu d'élus, il est grand temps que quelqu'un mette sa plume dans la fourmilière afin de faire connaître aux lecteurs la cruauté du milieu du livre !
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Derniers commentaires
Archives
Pages
Publicité