Et Merville déclara...
Je poursuis ma découverte des enquêteurs récurrents de la littérature fasciculaire avec, aujourd’hui, le commissaire Henri Merville, un personnage dont je trouve la première trace en 1948 dans le titre « Quatre coups de chevrotines » dans la collection de fascicules de 32 puis 64 pages « Double-Six » chez Nord-éditions.
Celle-ci regroupe une cinquantaine de titres de différents auteurs dont les premiers sont écrits par George Fronval.
Dans cette collection, on retrouve des textes signés Luc Vattier et Louis Hellais mettant en scène le commissaire Merville, un personnage que l’on retrouvera dans quatre titres de la collection « Le Verrou » des éditions Ferenczi, tous signés Lydie Servan.
Quant à l’auteur, à part avancer que Lydie Servan, Luc Vattier et Louis Hellais appartenant à la même personne, que celle-ci se fait appeler également Lyna Claude, pas grand-chose, donc à se mettre sous la dent.
J’ai trouvé trace d’au moins 9 titres mettant en scène le personnage d’Henry Merville.
« Et Merville déclara… » est initialement paru sous la forme d’un fascicule de 64 pages dans la collection « Double-six » en 1948. Il est signé L. Hellais.
ET MERVILLE DÉCLARA…
Le commissaire Henri MERVILLE, féru de technologie, visite une usine spécialisée en matériel pour le cinéma et la radio en compagnie de M. Laffont, le propriétaire.
Tandis que les deux hommes discutent, un contremaître débarque, affolé, pour annoncer la mort du jeune ingénieur Nicklaus.
Il semble avoir succombé à une crise cardiaque.
Alors que Laffont décide de faire une chapelle ardente dans un des bureaux afin d’y déplacer le corps pour les ultimes hommages, MERVILLE l’interrompt dans son élan et prévient le Parquet pour qu’une enquête soit menée.
La police et le magistrat sont suivis par les journalistes qui s’empressent d’interroger le commissaire MERVILLE pour savoir s’il s’agit d’un décès de cause naturelle ou d’un meurtre.
Ce dernier, pour toute déclaration, se contente de leur donner rendez-vous le surlendemain pour leur livrer l’identité de l’assassin…
Alors que le commissaire Merville visite une usine d’appareils pour la radio et le cinéma en compagnie du directeur de l’usine Laffont, un des contremaîtres débarque affolé annonçant que Nicklaus, un jeune ingénieur de talent, vient de décéder brutalement.
Alors que Laffont veut rendre un dernier hommage à son ami mort, selon lui, d’un arrêt cardiaque, Merville demande de laisser le corps sans le toucher et va appeler le Parquet pour qu’une enquête soit menée.
Avec l’appareil judiciaire débarquent les journalistes cherchant à savoir s’il y a meurtre.
Merville leur répond par l’affirmative, leur donnant rendez-vous le surlendemain sur place où il leur révélera le nom de l’assassin…
Que dire de ce récit policier ?
Déjà, qu’il est bien court pour un fascicule de 64 pages. À peine plus de 13 400 mots là où la plupart de ces fascicules proposent des textes de plus de 70 000 mots.
La seconde chose que l’on remarque est le changement de mentalité qui s’est opéré dans la Société (enfin, chez les plus civilisés) depuis la sortie de ce livre.
C’est un constat que l’on peut faire sur nombre de récits de l’époque, mais la plupart du temps, c’est fonction de la vision de la femme très archaïque, patriarcale et machiste ou, plus souvent à la vision de l’étranger qui sont toujours présentés très péjorativement et appelés de petits noms détestables que l’on n’utilise plus de nos jours.
Ici, ce n’est ni la femme ni l’étranger qui est tancé, mais l’homosexuel, présenté comme un déviant qui dégoûte le héros et qui est forcément coupable.
Mis à part cela, on notera également que le personnage principal est un petit peu plus étoffé que dans la plupart des fascicules de ce format, notamment à travers sa relation avec son épouse.
Le couple policier, auteur de romans policiers (car la femme est écrivain) n’est pas forcément nouveau dans la littérature populaire de l’époque puisqu’on peut le retrouver quelques années auparavant (1946) chez Yann Le Cœur et son commissaire Martial Le Venn et sa femme.
L’auteur, malgré quelques répétitions dont on se passerait volontiers (et qui auraient facilement pu être supprimées avec une petite relecture), parvient à instiller une certaine ambiance à travers une plume pas désagréable sans pour autant transcender la littérature, ni le genre, ni même le format.
On regrettera que l’intrigue soit si simple (pour ne pas dire simpliste) et que l’auteur, à travers l’attitude de son héros, dénonce le coupable dès les premières lignes et ce même avant que le crime ne soit commis. De même, la résolution du crime est trop simple même pour un fascicule de ce format.
Il est à noter que ce récit servira de base à une réécriture permettant d’allonger le texte pour lui permettre d’intégrer la collection « Le Verrou », sous la forme d’un roman de 100 pages intitulé « Rendez-vous à dix-neuf heures » et signé, cette fois-ci, Lydie Servan.
Au final, un récit policier qui a pour principal défaut sa vision rétrograde qui permet de démontrer l’évolution positive de la Société, mais qui a aussi des qualités comme des personnages mieux esquissés que d’ordinaire et une plume pas désagréable.