Le meurtre de Grovesnor Place
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Toute la littérature française de la première moitié du XXe siècle fut marquée par l’émergence, le succès considérable puis la disparition du format fasciculaire.
On doit cette « disparition » à l’arrivée du format poche.
On doit ce « succès considérable » à l’engouement d’un public qui, pour des raisons pécuniaires, d’éducation, d’envie et de temps, préféra se délecter des récits courts contenus dans les fascicules que des romans fleuves qui pullulaient jusque-là. Ne minorons pas, non plus, la responsabilité d’un nombre impressionnant d’auteurs qui s’essayèrent avec plus ou moins de talent au format.
Mais on doit cette « émergence » au succès, en France, des traductions des aventures du détective américain « Nick Carter ».
Le succès de ces fascicules de 32 pages, double colonne, inspira des éditeurs et des auteurs qui se lancèrent à la fois dans le genre policier, dans le fascicule et dans le « pastiche » des aventures de Nick Carter.
Le premier cas en France est probablement la série « Marc Jordan », publiée dès 1907 par les éditions Ferenczi (qui firent, par la suite, leur carrière sur ce format).
Mais d’autres détectives inspirés de Nick Carter firent leur apparition dont, notamment, l’héroïne du jour : Miss Boston, créée par Antonin Reschal (1874-1935) et qui vécut 20 enquêtes à partir de 1910.
Antonin Reschal consacra ses carrières d’auteur, d’éditeur, d’homme de presse, à mettre la femme en avant, aussi bien dans des récits ou des magazines photos de charmes que dans des aventures plus chastes comme celles de miss Ethel Boston.
Même format fasciculaire, double colonne, de même taille, avec une illustration en couverture et d’autres à l’intérieur… même genre d’aventures, même style littéraire qui va à l’essentiel… tout est fait pour copier l’original.
Malheureusement, le succès ne fut pas au rendez-vous puisque la série, débutée avec l’enquête sur la mort de Sherlock Holmes, s’arrête au bout de 20 épisodes…
« Le meurtre de Grovesnor-Place » est la 16e enquête de miss Boston.
LE MEURTRE DE GROVESNOR-PLACE
Dans une villa de Grovesnor-Place, un meurtre horrible vient de se produire. Une vieille dame a été assassinée à coup de marteau avant qu’un incendie ne ravage la scène de crime.
Dehors, tandis que les badauds regardent avec fascination les flammes lécher les murs, un homme masqué et ensanglanté est arrêté par la police.
Miss Boston, chargée de l’affaire, est rapidement persuadée de l’innocence du suspect et, à l’aide de maigres indices récoltés autour et dans la maison du crime, se lance sur la piste du meurtrier…
Une vieille dame est assassinée à coup de marteau, le soir, dans sa villa. Un incendie éclate lors du drame. Un homme est arrêté alors qu’il erre, masqué et ensanglanté aux abords du crime. Mais miss Boston, chargée de l’enquête avec l’inspecteur Sokes, découvre rapidement des indices qui innocentent le suspect.
Pour autant, il lui faut arrêter la coupable pour pouvoir relâcher celui qui a été arrêté à sa place et c’est ce dont se charge miss Boston.
Bon, autant le dire tout de suite, on est face, ici, à un épisode dans la lignée des précédents, du moins dans le style, et de ceux des aventures de Nick Carter, mais il manque un petit quelque chose : la présence d’un vrai méchant.
Il faut dire que Nick Carter nous a habitué à affronter des génies du crime et que miss Boston, pendant plusieurs épisodes, s’est battue contre une terrible bande dont le chef machiavélique, après son arrestation, avait réussi à s’enfuir.
Ici, le meurtrier est certes méchant, mais surtout bête et sème les indices derrière lui comme un crétin suicidaire.
L’enquête de miss Boston en est ainsi facilitée.
Dommage même si ce n’est pas par goût du suspens qu’on lit ce genre de littérature.
Cependant, on ne peut s’empêcher de se dire qu’il faut vraiment être stupide pour réagir comme le fait le coupable.
Pour le reste, rien de bien nouveau sous la neige de New York avec une prose qui ne brille pas par ses élans littéraires et un récit qui va droit à l’essentiel.
On assiste comme à chaque fois, tout au long du récit, au panégyrique de miss Boston (comme c’est le cas dans les aventures de Nick Carter ou celles de Marc Jordan). Sauf que celui-ci, bien souvent mis en œuvre par l’inspecteur Sokes, démontre, de sa part, une stupidité presque aussi proche que celle du meurtrier tant son étonnement face à la perspicacité de miss Boston prête à sourire du fait de l’évidence de celle-ci.
Au final, un épisode dans la veine des précédents même si le coupable manque un peu de panache et d’intelligence pour en faire un méchant acceptable.