Hagar Stanley, détective tzigane
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Après avoir tenté de décortiquer la littérature populaire policière du début du siècle dernier et de la fin du précédent, en France, à travers les fascicules, mais également les écrits publiés dans les journaux et les magazines et via des personnages récurrents, voilà que depuis quelques mois, je tente d'en faire autant avec la littérature anglophone, anglaise et américaine.
Une nouvelle fois, je me concentre sur les récits mettant en scène des personnages récurrents.
Une nouvelle fois, je privilégie des textes courts.
Une nouvelle fois, je fais de belles découvertes.
Après avoir exhumé La Machine à Penser de Jacques Futrelle, Arthur J. Raffles de W. E. Hornung, Lady Molly de Scotland Yard d'Emma Orczy, Johnny Ludlow d'Ellen Wood, Max Carrados d'Ernest Bramah, voilà que je m'attaque à l'une des premières détectives femmes qui a la particularité d'être Tzigane : Hagar Stanley, dont les aventures sont écrites par Fergus Hume.
Les aventures d'Hagar Stanley se composent de 12 courts récits d'un peu plus de 6 000 mots chacun.
Ces aventures furent publiées dans des magazines et des journaux avant d'être regroupées en recueil en 1898.
Hagar Stanley est une jeune Tzigane qui a fui son campement pour éviter d'être mariée de force avec un homme...
Elle décide d'aller à Londres pour trouver refuge dans la boutique de prêteur sur gages de Jacob Dix, époux de sa défunte tante qui portait le même prénom qu'elle.
Jacob Dix, bien que grippe-sou invétéré, accepte d'héberger la jeune femme, car elle lui rend bien des services et qu'il est seul depuis que son fils a quitté le cocon familial sans donner de nouvelles.
Mais, après lui avoir appris le métier, Jacob Dix meurt et lègue à Hagar sa boutique. Celle-ci accepte de s'occuper de l'affaire en attendant de retrouver le fils de Jacob Dix.
Elle va profiter de sa situation pour élucider quelques énigmes proposées par des clients...
Chaque objet alors déposé en gage dans sa boutique (du moins les 11 premiers) va être le sujet d'une aventure plus ou moins policière, mais certainement mystérieuse, à laquelle Hagar, pour satisfaire sa curiosité, va participer.
Trésor caché, meurtre, objet volé, héritage introuvable, les sujets seront multiples et Hagar Stanley prendra une part plus ou moins importante dans chacune de ces aventures.
Le père littéraire d'Hagar Stanley n'est autre que Ferguson Wright Hume (1859-1932), plus connu sous le nom de Fergus Hume, dont la vie fut également composée de mystères et de coups du sort.
Né en Angleterre, Fergus fait ses études de droit en Nouvelle-Zélande où il est admis au barreau en 1885.
Dans la foulée, il s'installe à Melbourne, en Australie où, désireux de devenir célèbre grâce à sa plume (et probablement inspiré par les affaires traitées en tant qu'avocat) en écrivant un roman policier.
Pour mettre toutes les chances de son côté, il se rend à la librairie la plus proche et demande les romans policiers qui se vendent le mieux. Il dévore alors toute la production d'Émile Gaboriau et de Fortuné du Boisgobey...
Il prend alors sa plume et écrit « The mystery of a handsom cab » en 1886, qu'il publiera à compte d'auteur.
Son roman ne se vendant pas assez à son goût, il revend les droits de celui-ci pour 50 livres.
Pour son bonheur, le livre va ensuite devenir un véritable succès en faisant le roman policier le plus vendu de l'ère victorienne.
Pour son malheur, ce succès ne lui rapporta rien (puisqu'il avait vendu les droits).
Le roman fut publié en France dès 1889 sous le titre « Le mystère d'un hansom cab ».
Fergus Hume passera le reste de sa vie et usera sa plume pour délivrer une imposante production dans l'espoir de retrouver la recette du succès, ce à quoi il ne parviendra pas.
En parallèle de ses romans policiers, Fergus Hume écrit également des nouvelles pour les journaux et les magazines, les regroupant ensuite dans des recueils.
Ce sera donc le cas pour les aventures d'Hagar Stanley qui paraîtront en 1898 sous le titre de « Hagar of the pawn-shop : the gypsie detective ».
Pas certain qu'à l'époque, la différence fut faite entre les Gitans, les Tziganes, les Roms et les Romanichels (d'ailleurs, moi-même ne suis pas capable d'établir toutes les différences entre les ethnies).
On remarque immédiatement, dès les premières phrases, que Fergus Hume ne se contente pas d'aligner les mots et de livrer une prose un peu plate comme souvent dans ce genre de littérature.
L'auteur tente des effets (de répétitions, par exemple) pour appuyer les idées qu'il met en avant et distille de légères notes d'humour à travers des personnages, qui, volontairement ou, plus souvent, involontairement à travers leurs réactions et les attitudes, vont faire sourire le lecteur.
Bien évidemment, l'héroïne est pétrie de qualité : jeune, belle, intelligente, perspicace, honnête... mais possède aussi des défauts dont la principale est la curiosité (heureusement, car sans elle pas d'aventure).
Si le format de 6 000 mots environ fut assez rare en France, le format court passant principalement du conte pour les magazines, à la nouvelle d'une dizaine de milliers de mots pour les fascicules, il fut fort prisé dans les pays anglo-saxons puisque nombreux sont les personnages récurrents à avoir baigné dans cette taille de texte et les auteurs à s'y être essayés.
Au final, les aventures d'Hagar Stanley, si elles ne sont pas toutes réellement policières et ne délivrent qu'un suspens léger (du fait de la taille des textes) n'en sont pas moins des récits très agréables à lire et qui mettent en scène un personnage d'une ethnie très peu mise en avant dans la littérature policière...