La sorcière de Belcastel
Dans le monde de la littérature fasciculaire, comme dans celui des romans, il existe divers genres d'écrivains.
Les vieux de la vieille, les bons faiseurs, les tâcherons, les audacieux, les talentueux, ceux qui ont eu une production immense et ceux qui n'ont livré que quelques titres.
C'est dans cette dernière catégorie que pourrait se placer l'écrivain du jour : Élie Richard.
Élie Richard, né en 1885 et mort, selon Wikipédia (dont je me méfie toujours des informations en matière de littérature populaire), en 1976, fut un journaliste, éditeur et poète.
En ce qui concerne la paralittérature si chère à mon cœur, il écrivit notamment quelques contes pour la rubrique « Les Mille et un Matins » du journal le matin ainsi que quelques fascicules policiers.
Ces derniers furent principalement dans la « Collection Rouge » des éditions Janicot en 1944.
C'est d'ailleurs là que l'on retrouve les 7 aventures de son commissaire Rombal.
Mais, pour ladite collection, Élie Richard a également écrit quelques récits indépendants, dont le titre du jour : « La sorcière de Belcastel ».
Ce titre fut publié sous la forme d'un fascicule de 32 pages dans la « Collection Rouge » des éditions Janicot en 1944.
LA SORCIÈRE À BELCASTEL
Jef mène une existence paisible au sein du village où il s’est installé des années auparavant.
Devenu charpentier, il s'est rapidement établi en couple avec la tenancière de l'auberge. Une enfant est née de cette union et Jef n'a jamais été aussi heureux et épanoui qu'auprès de ses deux « femmes ».
Mais, lors d'une foire, une gitane débarque et l'attitude de Jef change du tout au tout.
Son sourire disparaît, il semble sans cesse sur le qui-vive, il n'a plus goût à rien.
Est-il victime d'un sort de la part de la Romanichelle ? Ou bien la raison de ce bouleversement est-elle à mettre sur le compte du mystérieux passé de Jef ?
Jef est un homme heureux. Il y a quinze ans, trimardeur, il est arrivé dans un petit village et s'y est installé. Il a trouvé une épouse en la personne de la belle tenancière du village avec laquelle il a eu une petite fille.
Mais tout change quand débarque une romanichelle qui semble connaître Jef. Ce dernier devient alors craintif, sans cesse sur le qui-vive et quand la gitane est absente, alors, Jef se renfrogne et semble n'avoir plus goût à rien.
Au point que La Belle, son épouse, pense qu'il est victime d'un sort de la part de la gitane.
Pourtant, la raison de ce changement semble plus profonde et provenir du mystérieux passé de Jef.
Bon, que dire de ce récit de 15 700 mots ?
Déjà, que de policier, il n'a pas grand-chose à voir même si le sujet central de l'intrigue est un meurtre.
Mais Élie Richard semble peu se soucier du genre dans lequel son récit doit s'inscrire et préfère s'attarder sur la vie de Jef, de la Belle, sur les problèmes des gens de la campagne, trempant d'ailleurs sa plume dans la terre et dans la sueur.
Le style est volontairement plus rocailleux, comme s'il était conté par la voix gutturale d'un paysan. On y sent le poids du travail, de la sueur.
L'auteur se concentre alors sur Jef, son changement d'attitude, sa neurasthénie, tout en laissant planer l'ombre d'un dramatique mystère dans le passé du personnage sans jamais, dans un premier temps, jeter la lumière sur celui-ci.
Vient alors l'heure des confidences auprès de son épouse (et du lecteur) qui permet de tout comprendre.
Et, alors que tout semble se résoudre, l'auteur décide de relancer son récit avec un dramatique rebondissement.
Dès lors, on se demande où il veut en venir, ce qu'apporte ce supplément au texte... sans pour autant que la lecture de celui-ci soit indigente, bien au contraire.
Puis vient brutalement la fin qui tombe comme celle d'un conte de quelques centaines de mots, comme ceux qu'il a pu écrire dans les journaux. Sauf que ce parti pris surprend, choque, dans un récit bien plus long.
Au final, Élie Richard nous livre un récit s'intéressant plus à l'état d'esprit, au bonheur, au malheur, à la pression du passé, à la folie, qu'a l'aspect policier inhérent à la collection dans laquelle le titre s'inscrit. Et, malgré tout, il parvient à maintenir le plaisir de lecture, grâce à une plume particulière qui change de celles que l'on est habitué à découvrir dans la littérature fasciculaire.