Mensonge en Catalogne
J'ai longtemps côtoyé les auteurs de la Catalogne Nord et, quand je tombe sur un roman policier écrit par l'un de ces auteurs ou publié par un de ces éditeurs, je n'hésite guère à le lire...
Déjà, parce que je m'intéresse au travail de ces petits ou moyens éditeurs.
Ensuite, parce que je ne doute pas que les auteurs moins connus écrivent parfois des romans plus intéressants que leurs célèbres confrères (« L'ombre du Ratel » de Pierre Euzet ou « Le diable des Pyrénées » d'Alexandre Léoty, par exemple).
Enfin, parce que, souvent, les intrigues de ces romans se déroulent dans ma région et j'aime bien visualiser les scènes de jeu des personnages.
Parmi ces éditeurs de par chez moi, deux sortent du lot et par la taille de leurs catalogues, par le fait qu'ils disposent de collections policières : T.D.O. Éditions et Les Presses Littéraires.
Le premier est un éditeur que j'ai vu grandir, le second... son cas est plus complexe.
En effet, Les Presses Littéraires est à la fois un imprimeur, un éditeur à compte d'éditeur et un éditeur à compte d'auteurs et qui pose, parfois, son logo sur des livres autoédités dont il a la charge d'impression.
Difficile, dès lors, de savoir sur quoi on va tomber quand on se plonge dans un livre sortant de sa presse.
Cependant, « L'ombre du Ratel » de Pierre Euzet m'a démontré que l'on pouvait tomber sur un bon, voire un très bon roman policier.
Comme, en plus, j'aime les personnages récurrents, quand je suis tombé par hasard sur « Mensonge en Catalogne » de Christian Gau, publié en 2022 aux Presses Littéraires, tout semblait réuni pour me séduire.
D'abord, ce roman est le premier opus d'une série mettant en scène Valérie Daguès du SRPJ de Perpignan.
Ensuite, bah, forcément, l'histoire se déroule à Perpignan et ses alentours.
Enfin, il est publié par un éditeur que je connais.
Donc, je me lançais dans la lecture de « Mensonge en Catalogne ».
Pour information, l'auteur, Christian Gay, est un ancien OPJ de la gendarmerie...
Mensonge en Catalogne :
Valérie Daguès est capitaine au Service Régional de Police Judiciaire de Perpignan. En remontant un énorme trafic de stupéfiants, elle va découvrir un monde où le jeu entre les apparences et la vérité devient un art. Immergés dans ce poker menteur, la policière et son groupe vont être contraints d’accepter les règles de l’environnement dans lequel ils évoluent. Pour cela, il va leur falloir jouer avec le code de procédure pénale, voire « l’aménager ». Centre de désaccord éthique, certaines méthodes policières peuvent paraître inacceptables aux bien pensants, car la fin ne justifie pas toujours les moyens ! Les acteurs de cette fiction vont tenter de rééquilibrer les forces en présence pour avoir une chance de triompher, car certains milieux restent habituellement hors d’atteinte. Cependant, quand toutes les règles ont été bannies, la recherche de la vérité et le triomphe du bien peuvent-ils justifier certains écarts dans la forme ? Chacun d’entre nous doit y réfléchir, selon sa propre conscience ! Quitte à sacrifier les apparences, ce polar vous aidera peut-être à vous faire une idée du goût amer qu’a parfois la vérité…
Valérie Daguès est capitaine du SRPJ de Perpignan. Elle est chargée, par son chef, de mettre un terme à une filière de trafic de stupéfiants qui remonte du cannabis du sud de l'Espagne vers Perpignan. Mais cette filière est dirigée par un homme surnommé " Le Juste ", qui multiplie les précautions pour éviter à la fois la police et les concurrents...
Alors, « Mensonge en Catalogne » est-il une bonne pioche ?
Je dois bien avouer que j'ai failli arrêter ma lecture très rapidement.
Déjà, le roman pâti de deux chapitres liminaires qui, non seulement ne sont pas très intéressants, mais qui, en plus, sont rébarbatifs et retardent l'entrée dans l'histoire.
Il s'agit de l'avant-propos de l'auteur et d'une préface écrite par une journaliste.
J'ai bien conscience que le but de ces textes est d'expliquer aux lecteurs que ce qu'il va lire est empreint de réalisme, mais, franchement, on s'en fout un peu...
Bref.
Le roman débute enfin... par un chapitre présentant Abdel Le Juste et son ami d'enfance Jean, les deux têtes du trafic...
Et, là... aïe encore.
Style plat, dialogues qui sonnent creux, défauts de ponctuation...
Je suis fortement tenté de refermer le bouquin et de passer à un autre...
Mais je décide de persister encore un peu.
Le chapitre 2 présente, lui, la capitaine Valérie Daguès et son équipe...
Je ne vais pas vous dire qu'alors le style de l'auteur devient flamboyant, ce serait mentir.
Cependant, la volonté de réalisme de Christian Gau le pousse à décortiquer un peu le travail des policiers, d'expliquer les procédures et cela rehausse immédiatement l'intérêt.
Dès lors, j'entre dans le roman et les défauts suscités deviennent plus digestes.
Certes, le roman est truffé (le terme est peut-être un peu fort, quoique) de fautes, de coquilles.
Oui, les dialogues sonnent parfois creux.
Malheureusement, la plume de l'auteur est un peu trop " journalistique ", un terme que j'utilise pour définir un style qui présente les faits, mais avec un peu de fadeur, sans chercher (ou pouvoir) apporter un petit plus au texte, aux phrases, aux dialogues.
Je n'irais pas jusqu'à dire qu'on a l'impression de lire un rapport de procédure (je n'en ai jamais lu), mais c'est un peu la sensation.
En clair, volontairement ou non, consciemment ou pas, l'auteur privilégie le fond sur la forme...
Heureusement, le fond est suffisamment intéressant pour capter l'attention malgré un manque de forme.
En effet, l'intrigue (exceptée la fin qui m'a un peu fait grincer des dents) ferait une excellente série un peu à la « Overdose » d'Olivier Marchal (mais en mieux, du moins pour l'histoire).
Car l'auteur s'attarde à la fois sur les méthodes des policiers et sur celles des trafiquants et, d'un bout à l'autre, difficile de se détacher des uns ou des autres.
Bien évidemment, il y a les bons (les policiers) et les mauvais (les trafiquants), mais le personnage d'Abdel n'est pas manichéen et n'est jamais détestable.
Certes, c'est un trafiquant, mais son surnom, " Le Juste ", n'est pas usurpé et son code d'honneur parvient à le rendre sympathique a minima.
De l'autre côté, on évite les flics alcooliques (enfin, presque), dépressifs, violents, ou autres clichés du genre.
L'auteur alterne alors entre les deux camps, s'attardant parfois sur l'équipe d'Abdel préparant son prochain go-slow (un go-fast, mais qui va lentement), ou cherchant à éliminer des concurrents aux dents longues. D'autres fois, l'auteur nous conte les agissements de l'équipe de Valérie Daguès afin de faire un flag sur Abdel et son gang.
Mais, si d'un côté il y a les méchants et de l'autre les gentils, jamais l'auteur ne semble juger ses personnages et se contente (toujours dans son style un peu journalistique) de nous conter leurs faits et gestes.
En plus, le roman nous permet de visiter les alentours de Perpignan, dont on reconnaît certains lieux pour peu qu'on y soit déjà passé, ainsi que le nord de l'Espagne (La Jonquera, Perthus...).
Au final, malgré un style plat, de nombreuses coquilles et fautes et, surtout, une ponctuation anarchique, l'auteur parvient à nous captiver grâce à une intrigue intéressante, un exposé des procédures policières et des méthodes des trafiquants et des personnages pas trop manichéens.