Le pouce violet
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Tel l'explorateur avide de nouveaux territoires, ma passion pour la littérature policière en général et celle mettant en scène des personnages récurrents en particulier me poussent à toujours découvrir de nouveaux horizons scripturaux...
Je dois avouer que Sherlock Holmes fit de moi un lecteur... un vrai, un acharné.
Avant la découverte de ses aventures, je ne lisais que des BD pour me divertir. Les romans me tombaient des mains rapidement, me lassant quasi immédiatement et le seul alors, « Le Petit Chose » d'Alphonse Daudet était parvenu à me captiver suffisamment pour que je lise entièrement ce roman (et que je le relise).
Sherlock Holmes fut un choc et même un quadruple choc.
Choc, d'abord, car je découvrais que je pouvais aimer lire passionnément.
Choc, ensuite, car je me rendais compte de mon engouement pour le genre policier.
Choc, en plus, car il devenait évident que je me prenais d'affection pour les personnages récurrents.
Choc, enfin, en constatant que j'adorai tout autant les formats courts que les romans, Sherlock Holmes ayant eu le droit aux deux traitements.
Depuis ce moment et malgré une interruption de quelques années pour des raisons que je ne comprends toujours pas, je n'ai cessé de lire avidement des récits policiers et, surtout, je n'ai eu de cesse de découvrir de nouvelles plumes et de nouveaux personnages.
J'aime ouvrir les pistes plutôt que de les suivre. Je préfère être un précurseur qu'un mouton...
Bref.
Il y a près de 15 ans, j'ai découvert la littérature fasciculaire ayant charmé les lecteurs entre le début 1900 et la fin 1950.
Ma passion s'est animée d'un nouveau feu.
Je me suis alors concentré sur les auteurs francophones d'hier, qu'ils soient connus ou, mieux encore, totalement inconnus du grand public.
J'ai fait des découvertes passionnantes, tant de plumes que de personnages.
Plus récemment, je suis retourné aux sources en me laissant à nouveau tenter par des personnages nés de plume d'auteurs américains ou anglais.
J'ai ainsi fait la connaissance de divers enquêteurs tous autant passionnants que le professeur Augustus S.F.X. Van Dusen, alias La Machine à Penser de Jacques Futrelle, le détective aveugle Max Carrados, d'Ernest Bramah... j'en passe et des meilleurs.
Puis j'ai constaté que cette littérature anglophone de la fin du XIXe siècle et le début du XXe pullulait, contrairement à celle francophone, de personnages féminins.
Des Sherlock Holmes en jupons, aurait-on dit quelque temps auparavant.
Et j'ai ainsi fait connaissance avec Lady Molly, de Emma Orczy, la détective Tzigane Hagar Stanley de Fergus Hume... puis deux jeunes femmes adeptes des méthodes de Sherlock Holmes : Dorcas Dene de George R. Sim et, surtout, Madelyn Mack de Hugh C. Weir.
Et, je dois l'avouer, c'est bien cette dernière qui m'a le plus passionné, car la plus proche du détective du 221 B Baker Street.
Madelyn Mack a été inspirée à son auteur, Hugh C. Weir (1884-1934) par une véritable femme détective, Mary Holland (1868-1915).
Elle apparaît dans le Macleans magazine en 1915.
Malheureusement, elle ne vivra que 5 enquêtes.
Je dis malheureusement, car, réellement, celle-ci méritait de passionner les lecteurs sur le long terme comme le fit son mentor...
Madelyn Mack est une femme détective vivant dans une sorte de chalet, avec son chien et sa gouvernante (et le mari de celle-ci qui lui sert de chauffeur). Elle a pour amie et historiographe la journaliste Nora Noraker.
Madelyn Mack est adepte des méthodes d'observation et de déduction de Sherlock Holmes.
Tout comme celui-ci elle peut être hautaine et désagréable.
Et tout comme celui-ci, elle a besoin de stimulant lors des périodes d'inactivité (pour elle, ce seront des baies de cola).
Les 5 enquêtes sont de tailles hétérogènes.
Les 2 premières avoisinent les 12 000 mots. La troisième ne dépasse pas les 9 500 mots. La quatrième peine à atteindre les 9 000 mots.
Mais la dernière s'offre en apothéose en s'envolant vers les 27 500 mots.
Peut-être le nombre de mots ne vous dit-il rien.
Alors, parlons en temps de lecture.
En moyenne, 10 000 mots équivalent à une heure de lecture.
Ainsi, les 5 enquêtes vous offrent pas loin de 7 heures de lecture, ce qui est déjà pas mal et représentent la taille d'un honnête roman.
Bref.
« Le Pouce Violet » est la 5e et ultime enquête de Madelyn Mack.
Le Pouce Violet :
Alors que Madelyn Mack, la célèbre détective, et son amie la journaliste Nora Noraker assistent à la représentation, à Broadway, de « La Fille de Milwaukee », la star du spectacle, la talentueuse Ariel Burton, est prise d'un malaise.
Inquiet, l'auteur de la pièce, sachant que Madelyn Mack est dans l'assistance, vient la voir pour lui demander de venir lever quelques inquiétudes.
Mais bientôt, Ariel Burton disparaît de sa loge alors que plusieurs personnes se trouvaient devant la porte de celle-ci.
Fugue ? Enlèvement ? Sans nul doute cette évaporation a rapport avec de mystérieuses lettres de menaces signées d'un pouce violet que recevait l'actrice...
Madelyn Mack et son amie Nora Noraker assistent à une pièce de théâtre quand l'actrice principale est prise de malaise. Appelées par l'auteur de la pièce, ami intime de Nora, Madelyn Mack se rend en coulisses pour tenter d'apaiser les craintes du producteur du show. Mais alors que tout ce beau monde discute devant la loge de l'artiste pendant qu'elle change de costume, celle-ci disparaît mystérieusement de la pièce close sans que personne ne puisse savoir comment.
Personne ? Madelyn Mack n'a pas dit son dernier mot et va tenter de découvrir comment la jeune femme a quitté sa loge et, surtout, pourquoi. Mais, nul doute, tout cela a rapport à des lettres de menaces qu'elle recevait, des lettres signées par l'application d'une empreinte de pouce au bord violet...
Dans cette dernière enquête, Hugh C. Weir nous propose un récit un peu plus long (beaucoup plus long) que les précédents.
En effet, cette ultime aventure fait plus du double que la première et du triple de la précédente.
D'ailleurs, à l'époque, elle fut publiée en deux parties.
C'est donc à la fois avec plaisir et tristesse que l'on déguste ce récit.
Plaisir, car plus long.
Tristesse, car dernier.
Si on pouvait regretter, dans la précédente enquête, que Madelyn Mack ait eu le temps de montrer ses qualités, mais pas ses défauts, ici le tort est réparé.
En effet, l'auteur, sans s'appesantir pour autant, n'évite pas d'évoquer l'attitude parfois hautaine ou méprisante, du moins, railleuse, de son héroïne face à des esprits moins aiguisés que le sien et sa propension à user de stimulants néfastes pour la santé.
Mais il n'oublie pas également de montrer Madelyn Mack sous son meilleur jour, celui de l'enquêtrice hors pair.
Cependant, sur cet ultime épisode, il a aussi le temps de s'attarder sur d'autres éléments comme la vie intime de Nora Noraker, ses ressentis également, ses faiblesses, la rendant à la fois plus touchante et plus importante que dans les précédentes aventures où elle n'était là quasiment que comme témoin des histoires.
Cet ultime récit nous ravit, mais nous déprime, car il démontre à quel point les aventures de Madelyn Mack, tout comme celles de Sherlock Holmes, auraient mérité d'alterner entre récits courts et récits plus longs, afin de permettre au personnage de mieux s'épanouir.
Malheureusement, ce ne sera pas le cas puisque cette enquête sera la seule forme longue de la carrière de Madelyn Mack.
Pour ce qui est de l'ensemble, le texte se lit avec un réel plaisir, plaisir déjà ressenti lors des précédentes lectures et ne souffre (pour peu que l'on ne soit pas retors à la littérature de jadis) que d'un défaut qui réside dans l'explication de la disparition d'Ariel Burton.
Cette faiblesse, rassurez-vous, n'a pas de rapport avec la façon dont elle disparaît, mais bien la raison qui, si elle pouvait être compréhensible à l'époque, a de quoi choquer de nos jours.
Pour le reste, une très belle façon de terminer une série bien trop courte, car, il faut bien le reconnaître, Madelyn Mack est probablement le personnage féminin le plus digne de Sherlock Holmes, tant dans la forme que dans le fond.
Au final, un très bon épisode pour clore une excellente série qui mérite d'être redécouverte par un large public.