Sang d'encre à Carnac

Comme certains acteurs sont marqués par un rôle et ne peuvent, à leurs yeux, aux yeux du public, interpréter naturellement un autre personnage (Johnny Weissmuller et son Tarzan ; Kwan Tak-Hing et son Wong Fei Hung...), certains auteurs sont également vampirisés par un de leurs personnages.

Dans cette catégorie, on pense naturellement à Frédéric Dard et son San Antonio, Georges Simenon et son commissaire Maigret, Léo Malet et son Nestor Burma...

Mais moi j'ajouterai à cette liste des auteurs plus méconnus du grand public comme : Jean-Baptiste Ferrero qui, à mes yeux, est le papa de Thomas Fiera, un personnage que j'adore.

Ainsi, difficile pour moi de concevoir un roman de JBF sans Thomas Fiera et, pourtant, force est de reconnaître qu'il en existe.

La preuve avec « Sang d'encre à Carnac », un roman écrit en pleine pandémie (mi-mars 2020) et publié aux éditions Palémon, spécialistes du roman policier breton ayant repris le catalogue des éditions Alain Bargain.

Il est à noter deux choses à propos de ce roman (trois, en fait).

Du coup, je commence par la troisième.

Ce roman a été écrit en 18 jours (l'auteur met les dates d'écriture à la fin de son roman) et est né d'une volonté de l'auteur d'écrire un roman en moins d'un mois (pourquoi ? J'sais pas, une lubie comme une autre.)

Deuxièmement, ce roman, bien qu'écrit en mars 2020 fut publié en mars 2025 (exactement 5 ans après). Pourquoi une telle attente ? (J’sais pas, une lubie de l'éditeur ou de l'auteur comme une autre).

Et, premièrement, ce roman est censé être le premier épisode d'une série...

Je rajoute une cinquième information dans ma liste qui en compte trois (oui, je fais ce que je veux) en précisant que JBF semble délaisser les éditions Lajouanie (éditeur de ses derniers romans) pour les éditions Palémon (Pourquoi ? J'sais pas, sans doute une lubie de l'auteur... ou bien ce roman n'a pas convaincu les éditions Lajouanie, raison du délai d'édition et du changement d'éditeur).

Bref, pour moi, JBF est Thomas Fiera et Thomas Fiera est JBF.

Alors, qu'en est-il de " Sang d'encre à Carnac " ?

Sang d'encre à Carnac :

Max Heilbronn, écrivain aux multiples pseudonymes, vit paisiblement de sa plume à Carnac. Si ses romans sont plutôt violents et sanglants, son existence, en revanche, est des plus routinière, du moins jusqu'à ce que de vrais méchants débarquent chez lui pour le tuer.
Pour défendre sa vie, il va devoir renouer avec un passé qu'il avait soigneusement effacé et démontrer qu'il manie les armes aussi bien que l'imparfait du subjonctif.
Dans cette aventure ponctuée de coups de feu, où personne n'est tout à fait ce qu'il prétend être, il pourra compter sur de vieux amis, une sympathique mythomane et des alliés inattendus.

Un écrivain tâcheron aux multiples pseudonymes vit tranquillement de sa plume à Carnac après avoir été prof. Alors que sa femme est partie en vacances à la montagne (je ne sais plus où) et qu'il est chargé de faire des travaux dans le sous-sol pour aménager un SPA (ou un truc du genre), il reçoit la visite de deux tueurs...

Après s'en être débarrassé (car, sinon, le roman serait terminé au bout de quelques pages), il est l'heure de se demander pourquoi un obscur écrivain est la cible de tueurs... serait-ce lié au passé mystérieux dudit écrivain ?

Bon, on ne se refait pas, me direz-vous et si je devais faire un résumé bref de mon avis, je dirais que JBF nous refait un Thomas Fiera, mais en moins bien.

En effet, on retrouve sa narration à la première personne, la transposition de l'auteur dans son personnage (celui-ci étant un peu plus proche, au départ, d'un JBF, puisqu'écrivain d'âge médiant), l'humour de JBF, ses réflexions sur des sujets de société à travers ses digressions, de l'action, des morts, un héros indestructible ayant une bande de potes pour l'accompagner...

Mais on y trouve, est c'est là que le bât blesse, également un scénario qui peine à tenir debout (la raison de la présence des deux tueurs est vraiment tirée par les cheveux, le passé de l'écrivain très cliché... jusque dans certaines réactions de personnages ou rebondissements qui peinent à convaincre le lecteur...).

Est-ce parce que ce roman a été écrit en 18 jours ? Très probable, mais cela n'empêche pas de réécrire un roman ou a minima le retravailler après coup d'autant qu'il a eu 5 ans pour cela.

D'ailleurs, à mon avis, la réécriture a été obligatoire pour intégrer le catalogue des éditions Palémon puisque j'ai bien du mal à croire que JBF ait choisi Carnac, au départ, comme lieu de villégiature de son héros.

Bref.

« Sang d'encre à Carnac » est donc un roman qui se cache dans l'ombre des aventures de Thomas Fiera et qui peine, derrière ce géant (j'adore Thomas Fiera, je vous le rappelle) à atteindre les rayons du soleil.

Alors, oui, comme il est écrit par JBF et que JBF est un bon écrivain dans son genre (pour ceux qui, comme moi, aiment les romans policiers humoristiques, écrits à la première personne... sûrement pour d'autres genres, mais je n'ai pas encore lu les romans de JBF comme " Animus " qui ne s'inscrivent pas dans ce genre-là), on prend évidemment un certain plaisir à lire " Sang d'encre à Carnac ".

Mais malheureusement, ce roman souffre apparemment d'un cruel manque de travail et de réécriture (quelques répétitions, un scénario bancal... problème de rythme) qui nuit quelque peu à la lecture.

Cependant, comme pour certains écrivains, un roman moyen de JBF reste tout de même au-dessus de la mêlée et offre tout de même son lot de plaisir littéraire.

Au final, pas le meilleur roman de l'auteur, loin de là, pas même un bon roman... juste un roman plaisant à lire grâce à la plume de l'auteur, mais dont les personnages peinent à séduire et le scénario à convaincre.