L'apparence de la chair
Attention ! Cette chronique risque de révéler des éléments de l'ouvrage. Si vous vous apprêtez à lire ce roman ou si vous êtes en cours de lecture, passez votre chemin et revenez après lecture.
Ce cinquième roman de Gilles Caillot est le premier que je lis de l'auteur.
Je poursuis ma découverte d'auteurs de polars et « thrillers » français. Lecteur de longue date des romans de Jean-Christophe Grangé, ces derniers temps, je cherchais à découvrir d'autres auteurs de polars dans la langue de Molière. La raison ? Probablement le désir de découvrir un roman tel que l'a conçu son auteur, un roman qui n'est ni trahi ni modifié par une traduction telle que le dit l'aphorisme italien, « Tradutorre, traditore » (Traducteur, traître).
En lisant un auteur dans sa langue, et le français est la seule langue dans laquelle je suis totalement à l'aise, je me mets à l'écart du risque de ne pas lire exactement ce que l'auteur voulait exprimer.
Après avoir découvert Franck Thilliez, Karine Giebel, Georges Simenon (oui, je n'avais jamais lu de livre de cet auteur), Henry Cauvain... me voilà lancé sur les mots de Gilles Caillot.
Il faut avouer que la préface de Franck Thilliez est pour beaucoup dans mon choix, car je voulais rebondir après la déception de ma précédente lecture.
Autant le dire tout de suite, la lecture de ce roman de Gilles Caillot m'a fait passer par plusieurs étapes, le plaisir de lecture, l'exaltation, l'envie de ne pas arrêter ma lecture, l'appréhension à l'idée que l'auteur n'arriverait pas à démêler le filet qu'il avait tissé et... la déception de la confirmation de mon appréhension.
L'apparence de la chair : Pour le capitaine de police Sylvie Branetti, la vie s'est arrêtée il y a quinze ans, lorsque le tueur qu'elle poursuivait a enlevé sa fille Lila avant de disparaître. Après un passage obligé en hôpital psychiatrique et des séances régulières de psychothérapie et d'hypnose, elle se raccroche à un seul objectif : savoir ce qui est arrivé à Lila. La découverte d'un cadavre mutilé, arborant la même signature que celle du monstre qu'elle a croisé par le passé, la propulse à nouveau dans l'horreur. Mais elle a cette fois une espérance : connaître enfin la vérité. Accompagnée de Paul Bénito, son ancien amant, elle veut suivre avec acharnement les traces laissées par le bourreau et mène une enquête aux confins de la réalité, un parcours peuplé de rêves étranges qui la submergent de plus en plus. Où cela pourra-t-il finir ? Et si tout n'était qu'apparence ? Bienvenue dans le chaos.
Si le personnage du flic dépressif n'est pas forcément fait pour me tenter, je le trouve un peu trop usité, le reste avait tout pour me séduire. Une enquête haletante contée au présent de l'indicatif, un tueur sadique et intelligent, des questionnements, des doutes...
Après un début très prometteur et une enquête qui s'annonce glauque au possible, je passais assez facilement sur l'autre figure imposée, celle du héros qui se tape l'héroïne.
Sylvie Branetti est une flic au bord du gouffre. Elle sort d'une période très difficile de sa vie après 15 ans de psychanalyse et d'enfermement en hôpital psychiatrique suite au traumatisme subi quand elle eut affaire au « tanneur », un tueur sadique qui dépeçait ses victimes pour recoudre la peau sur la suivante. Alors qu'elle était au bord de l'arrêter, le tueur s'en était pris à elle et avait kidnappé sa gamine avant de disparaitre.
15 ans après, Sylvie continue de suivre des séances d'hypnotisme dans l'espoir de revivre sa rencontre avec le tueur pour trouver des indices lui permettant de découvrir son identité et savoir ce qu'il est advenu de sa fille.
C'est au moment où ses cauchemars sont plus forts et plus nombreux et que ses séances de psychanalyses lui permettent de s'approcher de la vérité que le tueur réapparait et fait une nouvelle victime. Un copieur ? Non, aucun doute possible, la nouvelle victime est recouverte de la peau de la dernière victime du « tanneur », il y a 15 ans.
Toujours sur la brèche, Sylvie est soutenue par son ancien amant, Benito, flic chargé de l'enquête. Les nouveaux meurtres font ressurgir les cauchemars de plus belle et, très vite, Sylvie ne sait plus faire la part des choses. Ce qui est réel, ce qui ne l'est pas. Alors qu'elle va voir son psychiatre tard le soir elle l'aperçoit aux bras d'une jeune fille qui ressemble à ce que pourrait être devenue sa fille Lila.
Alors qu'elle charge un ami détective privé de suivre le psychiatre, ce dernier découvre que l'homme est un pédophile qui va se fournir dans les cités voisines. Dans le même temps, Bénito, son amant, le seul à la soutenir, reçoit des SMS étranges le priant de la tuer.
Naviguant entre rêves, souvenirs du passé et enquêtes glauques, Sylvie va peu à peu lâcher prise, perdre pied.
Gilles Caillot mène son enquête avec Maestria durant les trois quarts de l'enquête. Malheureusement, au moment où alternent de plus en plus des moments du passé de Sylvie, les évènements étranges du présent, les surprises qui jalonnent l'enquête, le lecteur averti finit par craindre que l'auteur ne puisse plus résoudre son affaire que de deux façons. La première, Sylvie est devenue folle et schizophrène et c'est elle la meurtrière. La seconde est que tout cela n'est qu'un cauchemar que vit Sylvie.
L'enquête avance, les évènements sont de plus en plus embrouillés, dans le bon sens du terme, le lecteur ne veut plus lâcher le livre, il tourne compulsivement les pages pour arriver à la fin et là, c'est le drame.
La crainte que j'avais durant le dernier tiers se révèle justifiée, l'auteur n'a pas réussi à démêler son histoire de façon cohérente et use d'un subterfuge éhonté pour résoudre son histoire. Point d'enquête, tout n'est que cauchemar, celui d'une femme dans le coma.
Déception, rage. Encore une fois, un auteur (tout comme Grangé), développe une histoire haletante, tissant des liens dans tous les sens et finit par ne plus s'en dépêtrer et par user de subterfuge pour s'en sortir.
Pire, l'auteur tente d'expliquer son acte dans un épilogue qui sent la justification hypocrite à plein nez. L'auteur aurait, selon lui, voulu parler de ce qui peut se passer dans la tête d'une personne dans le coma. Si tel était le cas, il aurait écrit de suite une histoire avec une personne dans le coma. Mais là, non, cet artifice n'a d'autres raisons que de se dépêtrer d'une mélasse impossible.
Alors, se faire duper passe encore, mais, que l'auteur nous floue en essayant de nous faire croire qu'en fait, non, voilà qui a tendance à m'énerver au plus haut point.
Ainsi, Monsieur Gilles Caillot, après m'avoir tenu en haleine, m'avoir enthousiasmé, passionné, fait trembler, vous avez fini par m'énerver. Dommage, il eut suffi, à défaut de se creuser un peu les méninges pour clore votre histoire d'une façon aussi magistrale que vous l'aviez menée, d'au moins faire profil bas et de ne pas tenter de justifier l'injustifiable.
Aurais-je préféré que Sylvie soit schizophrène et la meurtrière, certes non, mais au moins auriez-vous dû vous concentrer sur une version alternative, piste sur laquelle vous avez essayé d'envoyer vos lecteurs, une association meurtrière entre Bénito et le psychiatre. Bien sûr, cette conclusion n'aurait pas été à la mesure du reste de votre roman, mais au moins auriez-vous déposé votre point final la tête haute.
Mais non, à la place, vous fîtes preuve de paresse et de facilité, grand mal vous en a pris. Dommage.