Jean-Bernard POUY
ATTENTION !!! Jean-Bernard POUY est un de mes rares auteurs cultes encore vivants. Non pas que je n'aime que les auteurs d'un autres temps, mais les auteurs appartenant à la vague du « néopolar » ont la fâcheuse tendance à mourir jeunes. (J.P. Manchette — 52 ans/A.D.G. — 56 ans/Thierry Jonquet — 55 ans...)
Jean-Bernard Pouy est né le 2 janvier 1946 à paris. Ancien prof de dessin, il vient un peu par hasard à l'écriture avec « Spinoza encule Hegel » en 1983. Il se rend compte qu'il écrit vite et qu'il aime bien ça. Une carrière est lancée.
Carrière d'auteur, il réfute le terme d'écrivain ; carrière de créateur de collection (« Le Poulpe », « Pierre de Gondole », « Série Grise », « Tourisme et polar », « Suite Noire ») ; carrière de découvreur (il a poussé de nombreux auteurs à écrire, notamment à travers sa série « Le Poulpe ». Mais aussi des auteurs comme Daniel Pennac, Tonino Benacquista...) ; carrière de mentor, il est un petit peu le mien.
Car je partage beaucoup de points communs avec Jibé (son surnom) :
- Il est adepte de l'Olipo et aime jouer avec les mots — J'adore mettre des calembours, des assonances et autres jeux de mots dans mes textes.
- Il a des idées de gauche, proche de l'extrême, dont il parsème ses romans — J'ai des idées de gauche, également, et je glisse toujours quelques réflexions dans mes ouvrages.
- Il aime la littérature populaire — Je réédite de la littérature populaire et j'en écris également.
- Il aime le métal et le punk — J'aime le heavy métal.
- Il écrit pour son plaisir, glissant des codes ou des clés dans ses textes sans se soucier si le lecteur les repère — Je dissimule beaucoup de références ou de jeux de mots dans mes textes en sachant que beaucoup de lecteurs vont passer dessus sans les décerner.
- Il conchie la notion d'Écrivain avec un grand « É » qui ne peut que produire dans la douleur et qui pense que ce qu'il écrit est vital — Je me sens écrivain avec un petit « é », qui n'écrit que par plaisir et que pour le plaisir.
- Il aime écrire des polars courts — Je n'écris que des polars courts.
- Il adore l'écriture sous contraintes (même si la contrainte n'est connue que de lui, comme, par exemple, utiliser des incipits de romans pour commencer ses chapitres) — J'adore écrire sous contrainte (comme utiliser des titres de polars du Grand Nord comme titres de chapitres et laisser ces titres guider l'écriture et l'histoire).
- Il fume — Plus moi...
Bon, autant l'avouer, j'adore ses romans, j'aime encore plus l'auteur et le bonhomme qu'il est. Car Jibé écrit sérieusement sans se prendre au sérieux. Quand on lit un roman de J.B. Pouy, on sait ce que l'on va lire et il ne trahit jamais le lecteur. Pour autant, tous ses romans ne sont pas excellents, mais ils sont tous intéressants.
Une chose est sure, même s'il réfute les Écrivains intellectuels, il est un auteur intelligent et cultivé. Ses romans sont parsemés de références cinéphiliques et littéraires et, en ce point, « 1280 âmes » en est un excellent exemple. Dans la série « Pierre de Gondol », il lance son héros libraire, le fameux Pierre, sur la piste des cinq disparus du roman de Jim Thompson, « 1275 âmes ». Car, dans la version d'origine, le roman s'appelait « Pop. 1280 ». Mais, après une traduction plus ou moins hasardeuse, le roman deviendra, en français « 1275 âmes » . Et c'est là tout le but du roman et de l'enquête, savoir ce que sont devenues les cinq personnes manquantes.
Ce roman tout particulier démontre l'érudition de Pouy, mais également son sens de l'humour, son sens du décalage et son talent pour proposer toute une histoire autour d'un petit détail (sans compter l'art de proposer des personnages particuliers comme celui du libraire-détective).
Mais Jean-Bernard Pouy est aussi un personnage iconique. Sa coupe de cheveux anarchique, ses grosses lunettes noires (qui ne sont pas toujours ni grosses ni noires, d'ailleurs), ses vêtements souvent sombres, sa clope au bec et les deux gros sillons partant des ailes du nez pour encadrer se bouche, font de lui un personnage reconnaissable entre mille, une marque de fabrique (un peu comme les lunettes rondes et la coupe de cheveux de Cabu).
Auteur de plus de cent polars, plusieurs centaines de nouvelles, mais aussi de recueils de poésies et bien d'autres textes encore, Jean-Bernard Pouy est un auteur prolixe. Il met ceci sur le fait qu'au début de sa carrière il devait écrire quatre romans par an pour gagner de quoi vivre.
Bref, au final, Jibé est un auteur à part, un auteur de talent, un auteur sympathique, un auteur qui donne envie de lire, mais qui, plus encore, donne envie d'écrire, un auteur qui ne se la joue pas, qui ne se la pète pas, mieux, qui aime aider les éditeurs, les auteurs, les lecteurs, un auteur qui aime son métier et qui milite pour la littérature populaire, le roman de gare et le retour des feuilletons comme à l'époque... l'époque où le peuple qui n'avait pas les moyens de lire des livres se contentaient des feuilletons des journaux, des feuilletons qui ont servis de gammes à des auteurs prestigieux qui ont ensuite monopolisé l'intérêt des lecteurs.
Parce qu'il y a les écrivains de génie qui dès leur première tentative proposeront leur chef-d'œuvre, Pouy considère qu'il y a l'apprentissage de l'écriture, mais que, même la meilleure plume, si elle n'est pas au service d'idées, voire d'idéaux, n'en reste pas moins une plume chiante.
D'ailleurs, il y a quelques années, Jean-Bernard Pouy réfléchissait à la possibilité du retour du feuilleton papier comme à la grande époque, des petits écrits populaires, édités en petits formats, à de petits prix... s'il a toujours cette idée en tête, qu'il me contacte, cela m'intéresse (pas forcément en tant qu'éditeur, je n'ai pas la structure pour assurer la viabilité d'un tel projet, mais, pourquoi pas, en tant qu'auteur).
Pour terminer, si je devais conseiller trois romans de Jean-Bernard Pouy :
— La petite écuyère a cafté.
— La Récup ».
— Samedi 14.