Nada
Jean-Patrick Manchette est l'initiateur d'un courant littéraire qui frappa la France au début des années 70 et qui se poursuivra dans les années 80 : le Néo-Polar.
Si le genre est principalement représenté par des auteurs de gauche, voire d'extrême gauche (JP Manchette, JB Pouy, Didier Daeninckx...), il compte aussi des auteurs de droite comme l'excellent A.D.G.
Le Néo-Polar est l'utilisation des codes du roman policier pour dénoncer les excès de la société, de la politique, de la finance...
Nada : Alors qu'il se rendait dans une maison de passe parisienne huppée, l'ambassadeur américain est kidnappé par le groupe gauchiste Nada. Mais l'enlèvement a été filmé et le commissaire Goémond se lance avec de sérieux indices sur la piste des ravisseurs : cinq hommes aux âges et parcours différents. Écrit en 1971, ce roman, où prédomine l'action, retrace bien l'ambiance de l'époque. En France, plusieurs factions gauchistes s'interrogeaient sur la nécessité de mener des actions terroristes à l'image de celles qui se déroulaient dans d'autres pays d'Europe. À cette question, Manchette, qui signe ici son polar le plus engagé, fournit, par l'intermédiaire d'un de ses personnages, une réponse sans ambiguïté : « Le terrorisme gauchiste et le terrorisme étatique, quoique leurs mobiles soient incomparables, sont les deux mâchoires du même piège à cons. » Devenu emblématique, cet ouvrage au style épuré, adapté au cinéma par Claude Chabrol en 1973, reste d'une saisissante modernité. --Christophe Dupuis
Militant d'extrême gauche, Manchette profite de son roman « Nada », pour dénoncer le terrorisme d'extrême gauche à travers l'enlèvement d'un ambassadeur américain par un groupuscule politique. Dénoncer ? Pas totalement. Manchette ne jette pas l'opprobre sur ses personnages même si son récit tente d'expliquer que le terrorisme d'extrême gauche est une erreur de la part de ceux qui la pratiquent. En clair que, même pour défendre des idées honorables, tous les moyens ne sont pas bons et même des gens bien intentionnés peuvent générer la violence et le meurtre et ne récolteront, en retour, que la violence et le sang.
Car, si, effectivement, les anarchistes du groupe « Nada » ont des côtés attendrissants et touchants alors qu'ils vont sombrer dans l'ultra violence, le flic, en face, sous des aspects sympathiques, finit par se montrer sous son jour monstrueux. Et au-dessus ? Au-dessus, les politiciens sont dépeints comme des êtres encore plus horribles, car plus hypocrites, se servant des terroristes et des policiers pour faire avancer leurs carrières.
Jean-Patrick Manchette nous livre donc un roman dans la pure veine des ouvrages de Jean-Patrick Manchette, c'est-à-dire, violent, sombre, engagé, sanglant.
« Nada » est un réel pamphlet contre la politique et l'état et une tentative d'expliquer à qui serait tenté que la violence ne sert pas forcément une cause.