MOLOCH
Thierry Jonquet est un auteur de romans policiers à suivre même s'il n'a plus écrit grand-chose depuis 2009, la date de son décès... mort beaucoup trop jeune.
Moloch, c'est un Dieu des Ammonites qui recevait en sacrifice le premier-né des couples.
Moloch, c'est aussi le roman polémique de Thierry Jonquet que l'on a accusé d'avoir rompu le secret de l'instruction d'une affaire non jugée (la principale suspecte s'étant suicidée) en ne changeant que les noms et en pointant un coupable.
Moloch, c'est aussi le roman qui me fit entrer dans le côté sombre de l'écrivain.
Thierry Jonquet ayant travaillé en hôpital et en gériatrie, il était coutumier du fait d'évoquer les pathologies de la vieillesse, la détresse d'une société et de ses citoyens.
Mais, dans mes lectures précédentes, si les thèmes étaient déjà présents, l'humour et la légèreté compensaient la dureté du sujet.
Dans Moloch, Thierry Jonquet se départit de sa légèreté et nous propose une première scène où l'horreur est omniprésente, sans pour autant user de détails scabreux. Mais Thierry Jonquet a l'intelligence et la subtilité de permettre à l'horreur de faire place à une horreur encore plus grande, sur un simple mot, une simple information.
Moloch : Quand la juge d'instruction Nadia Lintz arrive sur les lieux du crime, elle s'attend à trouver une scène d'horreur, mais pas à ça : des cadavres d'enfants carbonisés, figés dans une dernière tentative désespérée d'échapper à la mort. Que faisaient-ils, enfermés dans ce pavillon délabré ? Qui les y avait amenés ? Qui y a mis le feu ? Ce qui ressemble à première vue à un règlement de compte entre trafiquants d'enfants se révèle n'être qu'un maillon d'une affaire bien plus horrible. Pour faire triompher la justice, Nadia devra plonger dans l'obscurité de l'âme humaine et contempler la face de Moloch.Reprenant des personnages présents dans les Orpailleurs, Jonquet traite dans ce roman de l'un de ses thèmes favoris : la place réservée aux enfants dans notre société dite évoluée. Grâce à une construction particulièrement resserrée, il passe de situation en situation, de personnage en personnage, pour révéler au fil des pages l'étendue des dégâts. Un roman qui fait froid dans le dos.
Thierry Jonquet nous livre là une histoire, deux histoires, trois histoires d'horreur autour des enfants.
Si la première scène délivre un effroi rarement atteint par un auteur, surtout sans user d'artifices scabreux, de détails sordides, il parvient surtout à rebondir et à faire progresser encore le niveau de malaise en spécifiant, après coup, que les victimes sont des enfants.
En parallèle, on suit la vie d'une fillette hospitalisée, opérée d'urgence, car sa glycémie atteint des pics très élevés sans raison médicalement démontrée. L'infirmière principale n'ose croire à son hypothèse, à sa crainte, à sa conclusion : la mère empoisonne son enfant et est victime du syndrome de Münchausen par procuration.
La troisième histoire qui découle de la première est la quête de vengeance d'un jeune SDF qui a sauvé et recueillit une fillette qui s'est échappée du massacre et qui est morte par sa faute, parce qu'il refusait de tuer ceux qui étaient responsables de la mort des gamins et qui participent à un réseau de trafic pédophile.
Thierry Jonquet décrit l'horreur avec subtilité, en quelques mots, quelques gestes et place ses personnages chargés de défendre les gens dans des positions difficiles.
Les policiers sont lancés à la poursuite du SDF, un juste qui cherche à détruire une organisation pédophile. Le responsable de l'hôpital a fait opérer, à tort, la fillette dont il avait la charge et doit prouver la culpabilité de la mère de celle-ci.
Voilà un roman rondement mené, avec tact et subtilité, noirceur et profondeur, le tout d'une plume alerte et plaisante.
Au final, même si ce roman de Jonquet tranche un peu avec les quelques autres que j'avais jusque-là lus de l'auteur, ce fut un réel plaisir de lecture, un très bon roman policier « noir » avec des personnages nombreux, mais intéressants.
Il est à noter qu'il est tout de même préférable de lire, en premier, « Les Orpailleurs » du même auteur, un roman qui présente les personnages que l'on retrouve dans « Moloch ».