Les ignobles du bordelais
François Darnaudet est un cas particulier dans la liste des auteurs que j'ai lus puisqu'il s'agit du seul auteur que j'ai rencontré avant de lire un de ses ouvrages.
À la suite d'une longue conversation avec l'écrivain au sujet d'un de ses amis auteur qui est également l'un de mes Maîtres en écriture (Jean-Bernard Pouy) et sachant qu'il avait œuvré dans une de mes séries policières préférées (Le Poulpe), il était alors logique que je me plonge dans l'un des deux titres de la collection contant les aventures de Gabriel Lecouvreur issues de l'imagination de François Darnaudet.
« Les ignobles du bordelais » est donc l'un de ces deux titres (avec « Boris au pays vermeil »).
Les ignobles du bordelais : Dans le Bordelais, le meurtre d'un jeune journaliste, pigiste pour une revue royaliste, réveille de nauséeux relents d'antisémitisme au sujet des Malvy, une influente famille d'hommes politiques, dont l'un des célèbres ancêtres, ministre de l’Intérieur pendant la Première Guerre mondiale, fut victime en 1917, d’une affaire surnommée par les historiens « l'affaire du Dreyfus de la Première Guerre mondiale ». Malvy avait été accusé par Léon Daudet d'être issu d'une famille juive qui se dissimulait (Malca Lévy agglutiné en Malvy), et d’avoir notamment ourdi un complot juif contre la France. Pure diffamation que les antisémites continuent à propager sur Internet. Appelé à la rescousse par Gaston Galois, un vieux pote croisé dans une précédente aventure, Gabriel Lecouvreur va devoir se démener pour mettre le grappin sur le véritable meurtrier. Car Gaston, descendant d’une branche cousine de la famille Malvy et qui a été en contact avec le journaliste assassiné, fait un coupable idéal. Une nouvelle aventure, dans la plus pure tradition pouyesque, et qui ravira notamment les fidèles du personnage, mais aussi les lecteurs plus récents, amateurs d’intrigues plus classiques.
Toute aventure de Gabriel Lecouvreur est forcément balisée par des éléments récurrents « imposés » par son auteur liminaire (le fameux Jean-Bernard Pouy). Ceux-ci concernent tant la narration que des passages obligés.
Ainsi, chaque livre se doit de débuter par la mise en place de l'affaire dans le premier chapitre alors que le second est consacré à la découverte de l'existence de celle-ci par Le Poulpe, généralement via un article de journal lu dans son restaurant préféré (Le pied de porc à la Sainte-Scolasse). La suite est livrée à l'imagination de chaque auteur, mais doit, normalement, faire référence à l'esprit anarchiste de Gabriel, son amour des femmes et de sa coiffeuse de Cheryl, la passion du Poulpe pour les bières de tous pays, sa propension à se faire latter la gueule...
François Darnaudet connaît bien la « Bible » mise en place par JB Pouy et ses deux amis, auteurs également dans la série, Serge Quadruppani et Patrick Raynal et la respecte à la lettre.
Pourtant, malgré l'humour omniprésent, l'esprit anarchiste, les bières, les femmes, les bagarres, on ne peut s'empêcher de penser, à la lecture, que l'histoire, à la base, n'était pas prévue pour Gabriel Lecouvreur.
Effectivement, le sujet et le traitement général laissent à penser que le texte a été remanié, après écriture, pour entrer dans les balises d'un épisode du Poulpe.
Cette sensation vient probablement du sujet, politique, historique et issu de faits réels. Car l'affaire Malvy a réellement existé et Léon Daudet Royaliste dirigeant le journal « L'action française » a, après la Première Guerre mondiale, bien accusé le socialiste Louis Malvy, de trahison et d'avoir fourni des renseignements à l'Allemagne.
Enfin, le fait que l'auteur signe « Darnaudet-Malvy » laisse à penser qu'il est directement concerné par l'histoire et que celle-ci soit en partie autobiographique (du moins la quête autour de la judaïté des Malvy).
J'ai toujours du mal avec les « histoires inspirées de faits réels » durant lesquelles je ne peux m'empêcher, sans cesse, de tenter de découvrir quelle est la part de « Réalité » et celle de « Fiction ». Me concentrant sur ce rapport Fiction/Réalité, je décroche bien souvent de l'histoire, trop concentré que je suis sur l'Histoire, que ce soit dans ma lecture d'un livre ou le visionnage d'un film.
Du coup, poussé par l'impression précitée, par la signature de l'auteur et le sentiment que l'on me présente un pan d'Histoire que je ne connais pas et dont je ne puis séparer les faits réels de ceux fictionnels, bien que l'ensemble soit bien écrit, que l'auteur insère les ingrédients inhérents à tout « Le Poulpe » qui se respecte, je n'ai vraiment jamais pu profiter pleinement ni du côté Poulpesque du roman ni du côté historique.
Au final, même si je n'ai pas été enthousiasmé par cette lecture, pour les raisons que j'ai évoquées, l'écriture et le style m'ont suffisamment convaincu pour que je me laisse tenter à nouveau par un texte de l'auteur, principalement l'un de ceux se déroulant dans ma région.