L'assassin dîne chez le juge
« Monseigneur et son clebs » est une série de 8 fascicules écrits par le très prolifique Marcel Priollet.
Marcel Priollet (1884 - 1960) est un auteur qui a fait les beaux jours des éditeurs de littérature populaire de la première moitié du 20e siècle, soit à travers des romans, ou bien avec des séries de fascicules.
L’auteur a écrit, comme il se faisait couramment à l’époque, sous divers pseudonymes dont les plus connus sont R.M. de Nizerolles, Henry de Trémières, Marcel-René Noll ou encore René Valbreuze.
Sa production est telle qu’il est extrêmement compliqué d’en faire une liste exhaustive d’autant qu’il s’est essayé à divers genres (sentimental, policier, science-fiction, aventures) principalement au sein des nombreuses collections des éditions Ferenczi.
Comme je ne lis et ne m’intéresse qu’au genre policier, deux séries fasciculaires de Marcel Priollet m’intéressent tout particulièrement.
La première comporte dix titres regroupés dans la collection « Old Jeep et Marcassin », mais j’y reviendrais probablement dans un autre article.
La seconde est celle qui nous intéresse aujourd’hui : « Monseigneur et son clebs » qui regroupe 8 titres dont chacun contient une histoire complète :
– L’assassin dîne chez le juge
– Mitraillade à Montmartre
– Le vent n’est pas seul à hurler
– Le secret du valet de cœur
– Qui a tué le bonhomme de neige
– Le bal des disparus
– Meurtres sans meurtrier
– Le chien sait compter jusqu’à cinq
Il est à noter qu’il existe deux versions de chaque titre, une version avec couverture couleur, une autre avec couverture monochrome (couleur sépia).
« L’assassin dîne chez le juge » est donc le tout premier épisode de la série. Celui-ci nous présente Joachim, alias « Monseigneur » et son « clebs », Diabolo, un superbe berger allemand, mais ne le nommez pas ainsi, il déteste cette dénomination et lui préfère « Loup de Lorraine » et pour cause, il est né et a été élevé, à Buchenwald, pendant la 2e guerre mondiale, par Joachim, qui y était prisonnier. Ce dernier a recueilli le chiot et l’a dressé, comme il l’explique lui-même :
– Les gardiens du camp, lorsqu’ils me voyaient faire du dressage, s’imaginaient que je travaillais pour eux. Je leur avais laissé croire que mon « clebs » leur reviendrait et qu’il leur obéirait comme à moi-même. Ballots !... Diabolo les détestait.
Dans ce premier opus, Monseigneur, qui a pourtant une demeure, dort sur les quais parmi ses amis SDF dont il a tout le respect. Les flics font une rafle, mais quand deux d’entre eux, en civil, tentent de se saisir de Joachim, Diabolo leur saute dessus et Monseigneur joue de ses poings.
Arrêté, il est interrogé par le Commissaire Bellavent quand un dangereux prévenu, dans le couloir, se saisit de l’arme d’un de ses geôliers et défouraille afin de s’échapper. Diabolo se lance, évite les balles, et saute sur le criminel.
Dès lors, le Commissaire n’aura de cesse de faire appel au flair du chien et au bon esprit de son maître.
Personnage intéressant, Joachim alias « Monseigneur » est un être libre et libertaire, bourgeois et bohème, athlétique et généreux, un homme qui se méfie de l’autorité, mais finit par se prendre au jeu.
Diabolo, quant à lui, est un chien au flair incroyable, extrêmement courageux, mais qui a un énorme point faible, c’est un coureur invétéré, capable de tout abandonner pour monter la première chienne venue.
Cette première aventure lance la police, Monseigneur et Diabolo sur la piste d’un « imitateur » du voleur dont l’étrange duo que représente le chien et son maître.
Le modus operandi des deux voleurs est le même (il assomme ses victimes à coup de poing américain, il porte des gants en peau de lézard...), mais le dernier vol a été suivi d’un crime.
Quand Monseigneur et son clebs sont convaincus, par le Commissaire Bellavent, de se rendre sur les lieux du meurtre, en espérant que Diabolo retrouve la piste du tueur, ce dernier suit son flair jusqu’à la maison du juge toute proche.
« L’assassin dîne chez le juge » en conclu Monseigneur.
Les deux personnages principaux sont intéressants. Entre ce berger allemand, élevé à Bunchenwald et détestant les « fritz » et son maître, rescapé du camp, dont le passé et l’identité restent mystérieux, il y a matière à plaire.
Car le lecteur, tout comme les policiers, ne sait rien de Joachim, si ce n’est son prénom. Les manières du bonhomme et son surnom laissent supposer un passé bourgeois, mais sa simplicité, sa façon d’aimer dormir dehors, de se faire ami avec les clochards, son prénom, même, sèment le doute.
Diabolo, quant à lui, doué d’un flair et d’une intelligence extraordinaire, semble invincible, mais, tout comme Superman, ce « Superdog » a sa « cryptonite » son incapacité à résister aux charmes d’une petite chienne (car il les aime petites).
Au final, si le titre de la série (Monseigneur et son clebs) était suffisamment énigmatique et intéressant pour m’attirer et que le concept (un rescapé des camps de concentration qui a élevé un berger allemand dans à Buchenwald et qui met sa truffe au service de la justice) avait tout pour me plaire, encore fallait-il que la plume de l’auteur me conquît. Ce fut le cas, donc, c’est avec impatience que je vais me lancer dans la lecture du second opus : « Mitraillade à Montmartre ».