Coupable(s)
Ne connaissant pas l’œuvre de l’auteur Samuel Sutra et devant les critiques dithyrambiques sur son roman noir « Coupable(s) », j’ai fini par me laisser tenter alors que, vraisemblablement, de par le goût des personnages récurrents et des polars décalés et drôles, j’aurais plutôt dû être attiré par sa série des « Tontons ».
Mais, qu’à cela ne tienne, revenons-en au roman qui nous occupe aujourd’hui et qui m’a occupé quelques soirées.
Je ferai l’impasse sur la biographie de Samuel Sutra, car, la vie des auteurs m’intéresse autant que l’intégrale de n’importe quelle série AB Prod en langue Pawnee sans sous-titres (mais les Pawnees n’ont pas le mauvais goût de regarder les séries AB Prod contrairement à pas mal de nos concitoyens que l’on pourrait, d’ailleurs, écrire en deux mots).
Bref, je le répète ad nauseam, la seule chose qui m’intéresse, chez un artiste, c’est sa production et donc, chez un auteur, ses textes.
Coupable(s) :
HAÏTI. 12 janvier 2010 – 16 h 50.
Le pays est frappé par le plus meurtrier tremblement de terre de son histoire.
L’aide humanitaire afflue de partout
PARIS. Aujourd’hui.
Une série de meurtres secoue la ville.
Quatre personnes sont retrouvées sauvagement assassinées.
Toutes sont liées à un projet baptisé « Kenscoff ».
Un cinquième individu est recherché.
Pour prêter main-forte à la Brigade criminelle dans cette enquête particulière, un jeune policier rejoint l’équipe.
Haïti, il connaît bien.
Il y est né.
Disons-le tout de suite, comme cela ce sera fait, « Coupable(s) » est ce genre d’œuvre qui souffre d’un rebondissement censé surprendre le lecteur ou le spectateur.
Du coup, vous comprendrez bien que ma volonté d’étayer ma critique pourrait engendrer des révélations qui nuiraient au plaisir futur des lecteurs désireux de se faire une idée par eux-mêmes.
Aussi, je vais prendre un autre exemple : le film d’Alexandre AJA : « Haute Tension ».
Pour ceux qui n’auraient pas vu le film, forcément, l’explication risque de ne pas être claire.
Mais, dans ce film qui suit le parcours d’un tueur en série, le spectateur assiste impuissant à des scènes de poursuites, de tensions, de violences à l’encontre d’une jeune étudiante, et à l’acharnement d’un psychopathe abattant un à un les membres de la famille de la jeune femme avant de tenter de la tuer à son tour.
Au bout d’une heure et demie, on se rend compte que la fille est schizo et que c’est elle la tueuse. Du coup, en repensant à tout le film (enfin, ceux qui l’ont fait, apparemment très peu, puisque le film jouit toujours d’une bonne réputation), on se rend compte que la plupart des scènes, à l’aune de cette révélation ne tiennent plus du tout la route et que le film n’en devient qu’une pénible supercherie.
C’est d’ailleurs tout l’inverse de « 6ème sens » de Night Shyamalan dans lequel tout le film prend un sens à l’issue de la révélation qui, pour le coup, est un choc qui fait de ce film un chef-d’œuvre de construction.
Bin, là, « Coupable(s) » est victime de l’idée de son auteur qui pense surprendre le lecteur et proposer un suspens insoutenable par la même occasion sauf que sa narration ne permet pas la révélation ou bien cette révélation détruit la narration et la rend caduque voire inepte.
Bon, je ne peux en dire plus sans faire de révélation donc je vous demanderais de me faire confiance sur le sujet d’autant plus que la plupart des faits qui me dérangent fortement, ne semblent déranger que moi, ce qui fait qu’il y a de fortes chances pour que cela ne nuise pas à votre lecture pour peu que vous décidiez de tenter l’expérience.
Le roman suit le parcours de Jean Raph', un jeune policier du Renseignement qui est né à Haïti, mais a été adopté par des parents français dès sa naissance.
Des meurtres sanglants ont été commis sans que la police trouve les meurtriers. Mais, un quatrième crime semble relier les trois précédents et, surtout, démontrer un lien avec des pratiques vaudoues toutes droites issues d’Haïti.
Pour faire avancer l’enquête, le patron de l’unité de la Crim fait donc appel à Jean Raph' qui, en plus d’être né à Haïti, a beaucoup étudié les mœurs et les coutumes de ce pays.
Jean Raph' débarque donc en 36 quai des Orfèvres, la Mecques des policiers avec des yeux qui brillent et dans l’espoir d’y rester.
Sur place, il intègre une équipe qui regroupe les quatre équipes ayant enquêté sur chacun des meurtres plus une psy chargée d’établir le profil du meurtrier.
L’auteur use d’une double narration. Narration à la première personne pour suivre le cheminement de Jean Raph' et narration à la troisième personne pour décrire les actes du criminel. Double narration, alternée, bien évidemment, un procédé plutôt habituel.
Question style, si l’auteur est réputé pour ses romans humoristiques, il est à même de mettre de côté ce penchant quand il lui prend de plonger sa plume dans l’encre noire.
Pour autant, cette plume est suffisamment alerte pour que le roman se lise avec plaisir et les personnages suffisamment intéressant pour ne pas lasser, si ce n’est que la seule femme de l’équipe est forcément jeune, belle et désirable et bien évidemment attirée par le jeune flic.
Mais ce qui pêche le plus dans ce roman, c’est l’intrigue elle-même. Car, à la fin de la lecture, on a le sentiment que l’auteur a tout misé sur son rebondissement, dans une sorte d’autosatisfaction qui le pousse à répéter un peu trop souvent la question à laquelle répond ce rebondissement.
Et c’est là qui réside le nœud du problème puisque, non seulement ce rebondissement détruit l’œuvre, comme je l’ai déjà expliqué, mais, qu’en plus, le lecteur devine ce rebondissement plusieurs chapitres avant que l’auteur ne tente de l’assener en l’espérant comme un uppercut en pleine mâchoire du lecteur alors qu’il n’a guère plus d’impact qu’un soufflet de grand-mère.
C’est d’ailleurs fort dommage, car, sans cela, l’ensemble était plutôt plaisant à lire et avec un peu plus d’idée ou une meilleure structure narrative, le roman aurait même pu s’avérer plutôt bon du fait que l’auteur écrit plutôt bien.
Au final, un roman dans lequel on rentre rapidement et avec plaisir, un plaisir qui ne s’altère pas trop, mais qui s’effrite au fur et à mesure que l’on voit venir la fameuse révélation.