La pluie de sang
« La pluie de sang » est le 11e épisode de la série « Marc Jordan, détective » une série éditée à partir de 1907 par les éditions Ferenczi suite au succès des premières traductions de la série américaine « Nick Carter » importée en France par les Éditions Eichler.
Les deux séries partageaient un genre (policier-aventures et personnage récurrent de détective) et un format (fascicule 32 pages, double-colonne contenant environ 20 000 mots).
Marc Jordan est un grand détective français qui a souvent aidé la Justice et la Police à arrêter les malfrats. Il est secondé par de fidèles lieutenants : Lagingeole, Léonnec, Fil-en-Quatre, le docteur Jarris, l’Assommeur et feu Cœur-d’Ours.
Dans les premiers épisodes de la série qui en compte 62, Marc Jordan et ses hommes étaient confrontés au Comte de Cazalès, et à sa terrible compagne Pépita la Rouge.
LA PLUIE DE SANG
Lagingeole et Fil-en-Quatre, les fidèles lieutenants du célèbre détective Marc JORDAN, sur les traces d’une association de bandits, se sont installés incognito dans un bouge qu’ils soupçonnent servir de repaire aux malfrats.
Alors que la nuit est venue, des bruits de pas étouffés provenant de l’étage supérieur les réveillent.
Soudain, un cri horrible !
Aux aguets, les deux hommes tendent l’oreille pour tenter de deviner ce qui se passe au-dessus d’eux quand Fil-en-Quatre reçoit une goutte chaude et gluante… puis une autre… une pluie de sang tombe du plafond de leur chambre…
Lagingeole et Fil-en-Quatre sont à la poursuite d’une Société Secrète responsable de divers crimes et qui assassine ceux qui la trahissent.
Ils ont loué une chambre dans un bouge qu’ils soupçonnent de servir d’abri à la bande et, durant la nuit, après d’étranges bruits, du sang s’écoule du plafond de leur chambre. Ils se précipitent à l’étage et, à travers une fente, constatent qu’un homme a été exécuté par la bande et gît la gorge ouverte sur une table. Un autre homme présent doit être prochainement jugé et, entre-temps, il sera enfermé à la cave.
Fil-en-Quatre voit là une bonne occasion d’aller visiter le prisonnier afin d’en apprendre plus et, grâce à lui, de pouvoir faire arrêter toute la bande.
Ahhhh, quelle étrange lecture ! Oui, je sais, je dis souvent cela, mais là, c’est encore plus étrange que d’ordinaire, non pas dans le style ni dans le genre, mais pour une raison qui n’émouvra personne d’autre que moi.
Mais, pour m’expliquer, il me faut revenir en arrière en avançant dans le temps.
Vous ne comprenez pas ? Suivez-moi, vous comprendrez mieux là où je veux en venir.
Il me faut revenir en arrière dans mes lectures, mais une lecture dont le texte est postérieur à celui dont il est question aujourd’hui.
Explications : lors de ma lecture du tout dernier épisode de « Marius Pégomas, détective marseillais », titré « Un dangereux bandit » j’évoquais un étrange ressenti que cet ultime épisode, du moins les premières scènes, ne collait ni à l’ambiance ni au style de la série. J’imaginais alors la possibilité qu’il fût la résultante de la réécriture d’un épisode prévu pour une autre série. Comme l’auteur de Marius Pégomas avait, auparavant, développé une autre série, « Thérèse Arnaud, espionne française » qui mettait également en scène un maître d’œuvre (Thérèse Arnaud), entourée de ses fidèles lieutenants et que la première scène de l’ultime épisode de « Marius Pégomas » faisait intervenir deux lieutenants du détective, alors que d’ordinaire, c’était toujours Marius Pégomas qui œuvrait, cela me laissa à penser que Pierre Yrondy, l’auteur des deux séries, avait réécrit un épisode prévu, à l’origine, pour la série « Thérèse Arnaud » afin d’en faire un épisode de « Marius Pégomas ». Le manque d’humour qui était pourtant une constante dans la série marseillaise me confortait dans cette idée tenace.
Quelques mois plus tard, je dois admettre que j’avais tort !
Effectivement, Pierre Yrondy, pour son ultime épisode de « Marius Pégomas » n’avait pas remanié un épisode prévu pour « Thérèse Arnaud », mais tout simplement réécrit un épisode parut 30 ans auparavant pour la série « Marc Jordan » et cet épisode, vous l’aurez compris, est justement « La pluie de sang », « La pluie de sang » qui est également le titre du premier chapitre de ce dernier épisode de Marius Pégomas.
Mais, outre le titre, c’est, avant tout, l’histoire qui si elle n’est par parfaitement identique dans les deux épisodes, est du moins très similaire dans son ensemble et copiée-collée dans la toute première partie. Pis encore, les premiers chapitres dans lesquels Lagingeole et Fil-en-Quatre, en 1907 et Titin et Bouillabaisse, en 1937, loge dans un meublé pour chasser une bande organisée et voit du sang couler du plafond de leur chambre pour ensuite apercevoir, dans la chambre au-dessus, le corps d’un homme égorgé entouré d’une bande de malfrats qui vient de le mettre à mort et prévoyant de juger prochainement un autre homme et presque identique au mot près... du moins, tellement similaire qu’aucun doute ne puisse être permis que Pierre Yrondy a réécrit le 11e épisode de la série « Marc Jordan » pour en faire un épisode de « Marius Pégomas ».
Que faut-il en conclure ? Que Pierre Yrondy a plagié l’auteur des Marc Jordan ? Auquel cas, cela ne serait pas novateur, les plagiats étaient nombreux, surtout dans la littérature populaire.
Ou bien, que Pierre Yrondy a réécrit un de ses textes de l’époque et que, du coup, l’auteur inconnu de la série Marc Jordan ne serait plus si inconnu que cela ? (même si Pierre Yrondy demeure un auteur énigmatique).
Cette similitude entre les deux épisodes n’est pas suffisante, bien évidemment, pour conclure pour la seconde hypothèse bien qu’elle soit la plus exaltante des deux (exaltante pour moi, bien sûr, et peut-être uniquement pour moi).
Il faudra voir dans la suite de mes lectures de la série « Marc Jordan » si d’autres épisodes ont été « plagiés » pour conforter cette hypothèse.
Toujours est-il que, bien que dans cet épisode, Marc Jordan soit plutôt en retrait et que c’est Fil-en-Quatre qui est le héros de l’histoire, le récit est dans la veine des précédents, c’est-à-dire un récit policier d’aventures sans temps mort, plutôt agréable à suivre même si on retrouve certaines similitudes dans la relation entre le prisonnier et la femme responsable de sa perte et celle du docteur Jarris avec Pépita la Rouge.
Si ce n’est une redite, on peut pour le moins parler de l’image assez négative de la femme dans ce début du siècle, femme vénale, voire vénéneuse, qui se joue des hommes naïfs pour les manipuler et en abuser.
Au final, un épisode qui vaut surtout, pour moi, pour l’éclairage qu’il apporte sur le dernier épisode de « Marius Pégomas », mais qui offrira aux autres lecteurs le même plaisir de lecture que les épisodes précédents.