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Loto Édition
18 octobre 2020

Le soleil n'est pas pour nous

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« Le soleil n’est pas pour nous » est le second opus de ce qu’il est convenu d’appeler « La trilogie noire » de Léo Malet, l’auteur des Nestor Burma.

Mais cette trilogie n’en est pas une, du moins, pas écrite en tant que telle puisque les récits sont espacés de plusieurs années (surtout entre les deux premiers et le troisième) et n’utilisent pas les mêmes personnages.

Mais, après avoir lu le premier opus, « La vie est dégueulasse » et ne voulant pas rester sur un constat mitigé envers cet auteur que j’aime beaucoup pour ses romans autour de Nestor Burma, j’ai décidé d’enchaîner sur « Le soleil n’est pas pour nous » et grand bien m’a pris.

Le soleil n’est pas pour nous :

Dans le Paris des années 1920, « époque de la joie de vivre » disait-on, le jeune Dédé Arnal crève de solitude, de misère et de vagabondage. Son horizon : la taule, l’esclavage en usine, le milieu des malfrats et des anars en rupture de ban. Comment échapper à l’asphyxie ? Comment survivre dans ces zones de violence et de haine où des gosses assassinent dans le seul but de se venger de leurs humiliations ? Condamné à la fureur et à la résignation, Dédé se tourne alors vers un fugitif rayon de soleil, c’est-à-dire vers Gina, une fille des rues, comme lui. Riches et pauvres sont égaux, en principe, devant les sentiments amoureux. Mais Gina est elle-même captive de son propre frère, un pâle voyou qui la viole et la vend. Tous les éléments d’une tragédie sont en place. Dédé Arnal sera ce « jeune monstre » que la société et l’injustice feront de lui.

Dans les années 1920, André Arnal, un gamin de 16 ans, vit dans la rue. Arrêté pour vagabondage, il est embastillé puis relâché au bout de quelques mois.

Dans un troquet, il croise un ouvrier qui va lui tendre la main, mais tu n’échappes jamais à la misère, car elle s’accroche à toi telle une ancre qui t’entraîne invariablement vers le fond. Pourtant, quand André va croiser la belle Gina, une jeune fille de son âge et de sa condition, il pense que tout peut changer... mais les miséreux sont fait pour demeurer dans la crasse et s’enfoncer dans l’obscurité, car le soleil n’est pas pour eux...

« Le soleil n’est pas pour nous » en plus des qualités indéniables qui l’animent, est la preuve même de mon amer constat sur le premier opus de la trilogie, « La vie est dégueulasse ».

Car les deux romans sont très proches dans la conception, l’écriture, la narration et le sujet, mais tellement différents dans le plaisir de lecture, et ce, pour la raison principale que j’avais évoquée à cette première lecture : l’attachement au personnage narrateur.

Car ici aussi le récit est à la première personne et là également, le héros va commettre des actes répréhensibles, parfois odieux, mais pas pour les mêmes raisons, pas dans les mêmes circonstances.

Là où le narrateur de « La vie est dégueulasse » sombrait dans la violence par envie, par lâcheté, par vice, celui de « Le soleil n’est pas pour nous » le fait par désespoir, par réaction, par rage, par amour, par obligation.

Et, pourtant, chacun a son gimmick pour justifier ses actes ou sa situation, gimmick donnant à chaque fois le titre du récit. Pour le premier, la vie est dégueulasse... alors, dégueulassons tout. Pour le second, le soleil n’est pas pour les pauvres, alors, se battre pour s’en sortir, ne sert à rien.

Mais on ne peut pas lui reprocher d’avoir totalement baissé les bras, car André tente de s’en sortir, mais comme il en a déjà fait l’amer constat :

La misère, c’est indécrottable... C’est pas pour rien qu’on l’appelle la merde... Tu peux te laver, il t’en reste toujours une vague odeur ou des particules dans les ongles ou les plis de la peau... Pire qu’un vidangeur. Vacherie de sort ! Tu crois te sauver et tu t’accroches toujours à des points d’appui qui foirent et tu retombes plus empanissé qu’avant...

Cependant, l’amour partagé lui rend l’espoir, l’espoir d’un lendemain qui chante, de jours meilleurs, mais, à la place, il ne fait que creuser sa tombe plus et mieux, car même l’amour n’est pas suffisant pour faire poindre le soleil dans leur obscurité.

André Arnal, le narrateur de 16 ans, est donc un personnage attachant et émouvant qui, pas encore un homme, est déjà désabusé de la vie et qui, même quand il pense parvenir à s’en sortir, ne fait que sombrer encore plus.

Développée avec une plume sèche, de l’encre très noire, cette histoire tragique d’un jeune homme bien qui sombre, devient émouvante au possible. Et le lecteur assiste à cette descente progressive aux enfers. Pourtant, lui, André Arnal, celui qui sera annoncé comme un « jeune monstre » par les journaux, est loin de l’être abject décrit. Mais la vie est ainsi faite qu’à chaque fois qu’il remue pour tenter de s’en sortir, il s’enfonce encore plus.

Car les miséreux vivent dans la misère, côtoient d’autres miséreux qui eux-mêmes vivent dans la même misère et à force de ne voir que le noir autour de toi, tu finis par ne plus rien voir de bien. Parce que les autres personnages peuvent être venimeux, volontairement, involontairement, directement, indirectement. Parce que, après tout, « Le soleil n’est pas pour eux ».

En tout cas, le soleil n’est pas pour André Arnal qui, malgré un bon fond, de la bonne volonté, assaillit par un certain fatalisme et de mauvaises rencontres, va finir de la plus mauvaise des manières, tant pour lui, qu’aux yeux de la société.

Léo Malet nous prend aux tripes avec ce roman sans concession d’une noirceur éprouvante, et démontre que l’attachement au personnage narrateur fait toute la différence et toute la force de « Le soleil n’est pas pour nous » et toute la faiblesse de « La vie est dégueulasse ».

Mais surtout, Léo Malet nous prouve qu’il était un excellent écrivain, tant dans la légèreté que dans la noirceur et ce dès le début de sa carrière.

Une seule chose sera à reprocher dans ce roman, la vision de l’auteur des Arabes (du moins, à travers des deux personnages arabes du récit), une vision, certes, à remettre dans le contexte de l’époque, mais qui, malheureusement, entre en résonnance avec les propos tenus par l’écrivain bien des décennies plus tard, à une époque où SOS racisme existait déjà.

Mais, comme je dis toujours, est c’est même préférable dans certains cas, l’homme qui se cache derrière l’auteur m’importe peu, seuls ses textes m’intéressent.

Aussi, pour ne pas finir sur une fausse note, je dirais que « Le soleil n’est pas pour nous » est un coup de poing dans le ventre sous forme d’amer constat sur la société et qui met à mal la théorie de l’ascenseur social, car, dans certaines strates de la société, l’ascenseur est toujours en panne.

Au final, un roman, une œuvre poignante, noire, pessimiste, fataliste, violente et très émouvante.

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