Monsieur Benoit
Maurice Lambert, j’en parle beaucoup, ces derniers temps, même si je ne sais pas grand-chose sur cet auteur, Georges Duvic, de son vrai nom, à part qu’il est né en 1900, mort en 1968, qu’il fut aussi chansonnier et passionné de pêche au point d’écrire des articles sur le sujet dans un magasine spécialisé…
Heureusement, et c’est ce qui m’intéresse le plus, j’en connais davantage sur sa plume et ses personnages.
Notamment deux de ses héros : le commissaire Mazère et l’inspecteur Machard, deux enquêteurs littéraires que l’auteur fit vivre séparément dans des fascicules de 32 pages destinés à diverses collections chez plusieurs éditeurs (« Police Express » chez A.B.C. ; « Énigma » chez Nicéa ; « Rouge » chez Janicot… et d’autres encore) entre 1942 et 1946, pour les titres que j’ai identifiés.
« Monsieur Benoit » est une enquête de l’inspecteur Machard, publiée en 1944 sous la forme d’un fascicule de 36 pages contenant un récit indépendant de 12 500 mots chez… je ne sais pas, l’information n’est pas indiquée sur le fascicule.
MONSIEUR BENOIT
Monsieur Benoit, un vieil homme tranquille, est retrouvé par le concierge, le soir, dans les escaliers de l’immeuble dans lequel il habite, assassiné d’un coup de couteau dans le dos.
Celui-ci se précipite à l’extérieur à la recherche d’un agent, démarche liminaire à l’enquête qui sera menée par l’inspecteur MACHARD, dépêché sur les lieux.
Le gardien est affirmatif : personne n’est entré dans le bâtiment au moment du meurtre ni n’en est ressorti. Le coupable serait donc à chercher parmi les locataires.
À défaut de vol, le défunt n’a pas été dépouillé, la vengeance semblerait être le mobile du crime.
Mais qui pourrait en vouloir à une personne sans histoire ?
À moins que monsieur Benoit ne soit pas le « bon vieux » que MACHARD s’imagine…
L’inspecteur Machard est chargé de découvrir l’identité de l’assassin de Monsieur Benoit, un vieil homme tranquille retrouvé, un soir, poignardé dans le dos dans l’escalier de son immeuble. Rien ne lui ayant été dérobé, le vol ne semble pas le mobile du crime. Aussi, qui peut bien avoir intérêt à tuer un petit vieux sans histoire ? À moins que monsieur Benoit ne soit pas ce « petit vieux sans histoire » que l’inspecteur Machard imagine.
Je retrouve l’inspecteur Machard pour la 8e fois (après 6 enquêtes du commissaire Mazère) autant dire que je commence à bien connaître la plume policière de l’auteur et que je l’apprécie, sinon je n’aurai pas autant lu de ses textes en si peu de temps..
Il faut dire que Maurice Lambert s’est rapidement avéré un écrivain maîtrisant parfaitement le format contraignant du fascicule de 32 pages (des récits d’environ 10 000 mots), un format dans lequel peu d’auteurs ont réussi à s’épanouir et à performer tant les écueils sont nombreux.
Car, pour performer dans ce format fasciculaire, il ne suffit pas de savoir écrire, d’avoir une bonne histoire, de bons personnages, et une belle plume (ce qui permettrait dans un format libre de s’en sortir avec les félicitations).
Non. Il faut d’abord maîtriser le format. C’est-à-dire posséder tous les éléments suscités et, en plus, les faire entrer dans une petite boîte, sans que rien ne déborde, mais, aussi, sans avoir à faire des coupes drastiques qui seraient perceptibles et nuisibles à la lecture.
Aussi faut-il avoir une bonne histoire, mais suffisamment simple pour être contée avec concision. Des personnages attachants, mais qu’on peut dépeindre en quelques mots (voire, qui s’inscrivent dans l’image d’Épinal inhérent à la fonction ou au type du personnage). Être capable d’installer un style et une ambiance en quelques mots. Savoir aller droit à l’essentiel sans oublier, de temps en temps, de s’égarer un peu, mais à grande économie de phrases. Savoir écrire plaisamment et simplement.
Beaucoup moins facile qu’il n’y paraît. Qui peut le plus peut le moins, assure Aristote. Pourtant, tous ceux qui sont aptes à écrire un bon pavé ne le sont pas forcément à performer dans le fascicule (qui n’est pas un genre similaire à la nouvelle).
Maurice Lambert, lui, excellait dans ce format.
Jusqu’à présent, je n’ai pas trouvé un seul mauvais récit dans tous ceux que j’ai lus. À peine certains étaient-ils un peu moins bons que les autres, mais les autres sont excellents…
C’est une nouvelle fois le cas ici. Maurice Lambert parvient à donner tous les éléments d’une intrigue policière (simple, certes, mais intrigue tout de même) en seulement quelques pages. Il propose de fausses pistes (reposant, comme souvent et je serai tenté de dire « obligatoirement » sur des hasards ou des coïncidences). Plusieurs suspects, un rebondissement final.
Comme toujours, le coupable avoue rapidement (il n’a pas le temps de faire autrement, on arrive au terme du format).
En fait, les seuls défauts à trouver à ce récit sont ceux inhérents à la concision du format. Donc, rien de répréhensible puisque quand un lecteur s’attelle à un texte de cette taille, il sait déjà à quoi s’attendre (pas une histoire rocambolesque à la J.C. Grangé ou à la Franck Thilliez, donc).
Cependant, je dois avouer que l’auteur m’a un peu surpris. Je pensais avoir trouvé le bon coupable, me disant qu’il était l’assassin idéal, celui qu’on ne soupçonne pas, mais qui pouvait avoir les connaissances et l’opportunité. Mais non, je m’étais trompé. Raa, le bougre de Maurice Lambert. Un peu déçu, il aurait fait un beau coupable.
Au final, comme toujours Maurice Lambert flirte avec l’excellence dans un format fasciculaire pourtant pas évident à maîtriser.