Chiens sales
« Chiens sales » est un roman de l’écrivain François Barcelo publié en 2000 dans la mythique collection « Série Noire » des éditions Gallimard.
Dans la liste des « Série Noire » que j’ai lus, une infime partie de l’ensemble, ce roman fait un peu figure d’OLNI, puisque l’intrigue se déroule au Québec.
Rien de plus normal me diront les lecteurs connaissant un peu François Barcelo, puisque celui-ci, étant né en 1940 à Montréal, est un Canadien pur jus.
Certes, mais je l’ignorais au moment de débuter ma lecture et j’étais en droit de me demander si le prologue expliquant l’expression « chien sale » désignant les policiers de là-bas et que l’auteur avait eu des démêlés déplaisants avec eux qui expliquaient cette vengeance littéraire était sincère ou purement littéraire.
Chiens sales :
En France, on les appelle des poulets. Aux États-Unis, des cochons. Au Québec ? Des chiens, même si on a souvent envie de les traiter de « chiens sales ». Quand ils font une connerie, pour la cacher ils en font une plus grosse qui devra être dissimulée par une énorme, et celle-là, par une monumentale… Mais si vous trouvez que c’est exagéré, attendez de lire ce qui est arrivé à Carmen Paradis…
Carmen Paradis vit tranquillement sur la petite île Fou, dans la petite maison léguée par son oncle. Sur l’île, une seule autre maison, celle d’un médecin qui ne l’habite qu’en été.
Seule ? Elle ne l’est plus à partir du moment où Roméo, un petit criminel, s’incruste chez elle et que, dans la foulée, deux de ses amis revenant d’une partie de chasse durant laquelle ils ont accidentellement abattu un autre chasseur débarquent avec leur victime.
Mais, quand les informations leur apprennent qu’un ministre a disparu lors d’une partie de chasse dans les environs, les deux assassins réalisent qu’ils ont peut-être tué le politicien et décident de profiter de cette disparition définitive pour la faire passer pour un enlèvement et demander une rançon.
Cette action va déclencher une suite de catastrophes dont Carmen Paradis va avoir du mal à sortir indemne.
François Barcelo nous propose donc là une sorte de « road trip » littéraire contée à la première personne du point de vue de son héroïne Carmen Paradis.
Se placer dans la peau d’une jeune femme, lorsque l’on est un homme de 60 balais, voilà qui n’est pas simple. Pas simple, surtout, d’être crédible dans ses réactions… mais qu’importe, la crédibilité n’est pas le principal souci de l’auteur qui préfère livrer une histoire des plus rocambolesques où les personnages agissent et réagissent de façon pas toujours logique, mais peut-on être logique dans de telles situations ???
La première chose qui se remarque à la lecture, c’est le style de l’auteur. Style du roman, devrais-je dire, car je ne sais si l’auteur utilise toujours ce style-là.
Entre la narration à la première personne et écrite en langage parlé (rien d’extraordinaire) et les quelques expressions québécoises qui émaillent le récit, le lecteur peu habitué à lire des auteurs du cru comme moi seront un peu surpris.
Cependant, l’auteur n’abuse pas de ces expressions, désirant probablement rester dans une certaine accessibilité aux lecteurs de la collection de Gallimard.
Qu’en est-il du reste ?
Les personnages représentent l’archétype du loser pathétique ou magnifique selon le cas. De petits truands un peu bas du front, une héroïne sans argent, sans amour, sans ambition, sans volonté, et un Roméo qui n’a de flamboyant que le prénom…
Quant à l’histoire, bien c’est là que le bât pourrait blesser.
Effectivement, l’histoire est totalement foutraque, et dans son ensemble et dans son traitement, à tel point que l’on se demande sans cesse si l’héroïne n’a pas fait une consommation excessive de produits stupéfiants (de l’héroïne, par exemple) ou que l’on craint que l’auteur nous offre une révélation finale du style « C’était un rêve » ou une connerie du genre comme nous l’ont déjà offert des écrivains en mal d’inspiration pour conclure des histoires qui partent dans tous les sens.
Mais je rassure les lecteurs et lectrices, François Barcelo assume la démesure de son histoire et ses excès et offre aux lecteurs une fin à l’image du reste du récit.
Car Carmen Paradis et Roméo vont en voir de toutes les couleurs et subir des évènements tous plus improbables les uns que les autres et dont l’ampleur va aller crescendo et justifiés par la simple réflexion de Roméo : « Des cons, quand ça fait une connerie, ça en fait tout de suite une autre plus grosse pour faire oublier la première. ». Les cons étant, dans le cas présent, les « Chiens Sales », les flics, donc (oui, l’auteur a une dent contre la police).
Alors, oui, parfois je me suis demandé où allait le roman et j’étais incapable de dire si j’appréciais ou non… mais comme je suis allé au bout, il faut croire que celui-ci ne m’a pas totalement déplu.
Et j’ai parfois eu l’impression de me trouver devant un délire littéraire comme aurait pu en écrire un fan québécois de certains livres de Pierre Siniac sauce « Luj ' Inferman et la Cloducque ».
Mais, si mon plaisir de lecture a navigué sans cesse sur un fil, jamais celui-ci n’est tombé du mauvais côté et je dois avouer que j’étais curieux de savoir comment cette histoire allait se terminer notamment du fait de la propension de l’auteur à toujours faire plus gros (un peu comme les cons de son histoire).
Au final, un titre à part dans la mythique « Série Noire », du fait de ses accents québécois, d’abord, mais également à cause de son histoire décomplexée dans laquelle la crédibilité n’est pas le souci premier. Un délire venu de la Belle Province…