Fils de personne
Quand on est fan de polar de langue française comme je le suis, il semble logique de se tourner, chaque année, vers le roman ayant emporté le prix du « Quai des Orfèvres »…
Oui, je me suis dit cela également fut une époque.
Puis j’ai lu certains de ces romans et j’ai déchanté.
Depuis, je ne me penche pas systématiquement vers le lauréat de l’année.
Mais il m’arrive de temps en temps de replonger la main dans le pot de confiture, ce que je viens de faire avec le vainqueur de la dernière cession : « Fils de personne » de Jean-François Pasques.
Jean-François Pasques ne m’est pas inconnu puisque déjà auteur de plusieurs romans policiers dont un que j’ai lu, « Mortelle Canicule » qui n’était pas dénué de qualités, mais qui ne m’avait pas complètement séduit.
Heureusement pour moi (pas pour l’auteur et je m’en excuse) j’avais oublié qu’il était un auteur déjà croisé dans mes précédentes lectures, évitant ainsi des a priori inconscients.
« Fils de personne » a donc remporté le prix du Quai des Orfèvres 2023 (alors qu’il est sorti en 2022, hé oui).
Fils de personne :
Un numéro de téléphone, un exemplaire de La Peau de chagrin et un briquet de la Légion étrangère. C’est tout ce qui est retrouvé sur le cadavre d’un homme abandonné dans un bassin du jardin des Tuileries. Alors qu’il piétine déjà dans une enquête sur la disparition de trois jeunes femmes, le commandant Julien Delestran est chargé de l’affaire. Le numéro de téléphone est sa première piste : c’est celui du CNAOP, l’organisme permettant aux enfants nés « sous X » de retrouver leurs parents biologiques. Mais tandis que le commandant essaie d’avancer sur cette nouvelle enquête, la précédente se rappelle à lui quand sa hiérarchie lui adjoint l’aide d’une psychologue.
Tout d’abord sceptique face à cette « ingérence », Delestran est bien obligé de reconnaître que Claire Ribot sait mettre au jour la vérité aussi bien que le plus fin des limiers. Et qu’elle ne sera pas de trop pour sonder, avec son groupe, les tréfonds de l’âme humaine…
Le commandant Delestran est chargé d’une enquête pour disparition inquiétante de trois femmes. En parallèle, il doit s’occuper également de la mort d’un clochard retrouvé dans le bassin du jardin des Tuileries. Accident ? Meurtre ? C’est ce que le policier devra déterminé, mais Delestran semble entrer en empathie avec la victime et quand il découvre sur la victime le numéro d’un organisme chargé de mettre en contact les enfants nés sous X avec leurs parents, il se met en tête de retrouver le fils du clochard.
Quand on est auteur de romans policiers, surtout lorsque l’on désire séduire un public en particulier ou plus encore un jury, on peut avoir tendance à user des ficelles maintes fois tendues par les écrivains à succès du genre.
Chapitres courts, narration alternée, flash-back, intrigue tarabiscotée, tueur en série machiavélique, rebondissements ineptes…
Heureusement, Jean-François Pasques nous évite la plupart de ces poncifs, se contentant juste, comme tous les lecteurs vont rapidement s’en douter (je ne révèle donc pas grand-chose) de proposer deux intrigues parallèles qui vont finir bien vite par se rejoindre.
Pour autant, pas de narrations alternées, de retour en arrière, de tueurs sanguinaires et machiavéliques, de jeu du chat et de la souris avec la police, de rebondissements sortis d’on ne sait où et autres joyeusetés du genre.
Quand un policier (policier un jour, policier toujours) se met à écrire des romans policiers, on attend de lui d’être au moins capable de mettre en place une ambiance policière…
C’est ce qu’on a pu apprécier, par exemple, dans les premiers romans d’Olivier Norek avant que celui-ci ne sacrifie sa plume sur l’autel du succès.
Et, en la matière, on peut dire que Jean-François Pasques ne nous déçoit pas.
Effectivement, le grand point fort de ce roman c’est que le lecteur est plongé au cœur de l’enquête comme s’il y participait. On suit donc aussi bien les policiers dans leurs états d’âme que dans le détail des procédures.
L’équilibre est quasi parfait, car le risque, dans ce cas-là, c’est d’en faire trop. Trop de psychologie du métier de policier, trop de détails procéduraux.
Mais l’auteur dose parfaitement ces ingrédients-là.
Les personnages sont eux aussi bien dosés. Ni des surhommes ou des surfemmes, ni des êtres brisés, dépressifs, suicidaires avec un lourd passif.
Ne pas être confronté à des flics alcooliques et bourrus ou à des super héros indestructibles, sûrs d’eux, charismatiques, beaux et séducteurs… cela change un peu des romans policiers récents.
Ambiance réussie ; personnages ordinaires, mais attachants… voilà deux éléments du Trium Vira qui ne déçoivent pas.
Reste le troisième : l’intrigue.
Et là, c’est un petit bémol. Un tout petit bémol, mais un bémol tout de même.
L’intrigue n’est pas dingue, mais en même temps, tous les flics ne peuvent pas être confrontés à l’affaire du siècle.
Et si je mets ce fait en bémol, ce n’est pas vraiment que j’aurais aimé une intrigue tarabiscotée, non pas, puisque c’est une habitude que j’ai déploré plus haut, mais juste que l’ambiance étant tellement présente, au début de l’enquête, qu’elle prend le pas sur l’intrigue et que j’ai eu un peu de mal à entrer réellement dans l’histoire, me contentant de profiter de cette atmosphère policière qui fait malheureusement souvent défaut dans les romans policiers.
Heureusement, en cours de route, l’intrigue m’a suffisamment intéressée pour que l’ensemble s’équilibre et que mon plaisir de lecture y gagne.
D’ailleurs, il faut féliciter Jean-François Pasques d’avoir misé sur une intrigue à taille humaine, sans psychopathe sanguinaire d’une intelligence supérieure…
À noter que, « Mortelle Canicule », paru en 2019, mettait en scène une intrigue se déroulant en 2003 et que « Fils de personne », sorti fin 2012, place son intrigue en 2005. Bizarre ce choix de ne pas placer son intrigue au moment présent…
Au final, un bon roman policier que j’aurais trouvé très bon si j’avais pu entrer plus vite dans l’intrigue. Mais l’enfer est pavé de détails et ceux-ci ne sont pas les mêmes pour tous les lecteurs.