L'aiguille qui tue
Régulièrement, je plonge dans mes collections littéraires préférées, afin de m’assurer une plaisante lecture ou pour découvrir un auteur, des personnages…
« Série Noire » de Gallimard, « Spécial Police » de Fleuve Noir, « Le Masque » à La Librairie des Champs-Élysées… mais également, en remontant dans le temps, « La Collection Rouge » chez Janicot, « Police et Mystère » aux éditions Ferenczi… et plus ancienne encore, « Le Roman Policier » des éditions Ferenczi.
Cette dernière collection est en fait l’une des premières, si ce n’est la première collection fasciculaire policière. Du moins est-ce la première d’importance, tant dans son volume (plus de 200 titres), dans les auteurs ayant écrits pour elle (Marcel Priollet, Georges Spitzmuller, Jules de Gastyne, Rodolphe Bringer, Paul Garros, Jean Petithuguenin, René Schwaeblé, Henry de Golen, Georges Grison… et Marcel Vigier.
Ce dernier est le moins connu… d’autant moins connu que l’on ne sait rien de lui si ce n’est quelques-uns de ses pseudonymes [H. de Luray, Jean de Valbenoît…] et le fait que des titres signés par lui apparaissent à partir de 1916, et ce jusqu’au milieu des années 1930.
M’étant déjà confronté à des textes de l’auteur, j’ai pu apprécier ses aventures de Florac et La Glu, deux détectives dont le premier fait office de Maître et le second de jeune assistant à la gouaille parisienne et à la langue bien pendue.
Mais, comme Marcel Vigier [sous quelque pseudonyme que ce soit] n’a pas conté que des aventures de son duo, il m’arrive parfois de déguster des récits indépendants de l’auteur mettant en scène des personnages non récurrents.
Cette fois-ci, c’est « L’aiguille qui tue » qui m’est passé entre les mains, un texte initialement paru en 1920 dans la collection « Le Roman Policier » des éditions Ferenczi et réédité en 1934 dans la collection « Police et Mystère » du même éditeur.
La plupart des récits de cette première collection furent réédités dans la seconde, ce qui permet aux lecteurs tels que moi de pouvoir les découvrir, car les titres de la collection d’origine sont extrêmement difficiles à se procurer devant leur rareté. Certains titres sont d’ailleurs inconnus de nos jours.
L’AIGUILLE QUI TUE
Sir Edward Barnett vient de mettre un terme à un voyage mouvementé en Extrême-Orient.
Pour fêter son retour, il organise un repas auquel il convie son frère, Henry, et mistress Creak, sa fiancée et quelques amis, dont le juge Crowden.
À la fin des libations, Edward Barnett sort de sa poche une dizaine de perles magnifiques ramenées de ses tribulations puis s’écroule, mort, sur la table.
Alors que tout le monde s’active autour du corps transporté à l’étage, le magistrat, terrassé par l’émotion, préfère rester dans la salle à manger.
Il sera bientôt retrouvé sans vie par les convives qui constateront, également, la disparition des bijoux.
L’inspecteur Warden, de Scotland Yard, chargé de l’affaire, ne tarde pas à suspecter mistress Creak placée à côté d’Edward Barnett au moment de son décès, car le futur mari hérite de la fortune de ce dernier.
La jeune femme, face aux doutes émis sur son intégrité, décide de mener sa propre enquête, aidée, en cela par le détective Churchman…
Sir Edward Barnett vient à peine de rentrer d’un voyage mouvementé en Extrême-Orient, en possession de magnifiques perles, qu’il meurt au beau milieu d’un repas mondain passé en compagnie de son frère et de quelques invités.
Pendant que tous s’occupent du mort, le juge Clowden, un des invités, reste avec les perles. Bientôt, il est à son tour retrouvé mystérieusement mort et les perles ont disparu.
Le détective Warden de Scotland Yard est chargé de l’enquête. On ne tarde pas à découvrir sur les cadavres une trace de piqûre. Le policier, apprenant qu’Henry Barnett, le frère du défunt, hérite de celui-ci, suspecte immédiatement Mistress Creak, qui va prochainement épouser Henry et qui était située, durant le repas, à côté d’Edward, d’être la meurtrière.
Aussi, Mistress Creak décide-t-elle de mener sa propre enquête pour identifier l’assassin…
On retrouve dans ce texte de 16 000 mots datant de 1920 à peu près tous les éléments des textes de ce format et de cette époque : une mort mystérieuse, un mystérieux poison, de sournois Chinois [ou Japonais… ils ne faisaient pas la différence à l’époque, comme le fait dire l’auteur à un des personnages], des bijoux, une sorte de confrérie dangereuse, des déguisements…
Rien de bien nouveau, donc, si ce n’est le personnage de Mistress Creak qui s’échappe un peu du carcan dans lequel les personnages féminins furent enfermés dans la littérature policière pendant des décennies.
Effectivement, si la jeune femme ne peut s’empêcher de minauder, de penser aux bijoux avant tout [le diamant était déjà le meilleur ami des femmes], elle va tout de même se montrer plus forte et plus active que d’ordinaire même si elle n’est pas le personnage principal de cette aventure.
D’ailleurs, il n’y a pas réellement de personnage principal dans ce récit, que ce soit Mistress Creak, Henry Barnett, Warden ou même Churchman, le détective embauché par Mistress Creak pour enquêter pour son compte.
Chacun apportera sa petite pierre à l’édifice de la résolution de l’enquête ce qui, là aussi, est assez rare pour le noter.
Pour ce qui est du reste, on remarquera les débuts de la voiture avec les chauffeurs portant de grosses fourrures [les voitures n’étant pas capotées] et qu’un vélo peut suivre…
La plume de Vigier est honnête sans pour autant sortir du lot.
L’auteur nous prive de l’humour que l’on pouvait apprécier dans les aventures de Florac et La Glu, mais il faut dire que l’élément qui apportait cette touche d’humour était justement La Glu, qui n’est pas présent ici, ni lui ni un personnage similaire.
L’ensemble du récit se passe à Londres, une information qui ne sert à rien, mais que je vous livre tout de même.
Au final, un petit récit policier dans la veine de ce qui se faisait à l’époque et qui se lit avec un réel plaisir.