La chambre N° 3
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Le monde du roman policier est désormais un monde mixte où les femmes autant que les hommes (ou pas loin) trustent les premières places des meilleures ventes de livres.
Et l’on pense souvent à tort que la participation de la gent féminine à la littérature populaire en générale et policière en particulier, est, à quelques exceptions près, assez récente.
D’ailleurs, si je vous demandais de citer des femmes auteurs de polars, vous sauteriez probablement volontiers d’Agatha Christie à Fred Vargas, omettant toutes les femmes de plumes ayant précédé la première et celles ayant œuvré entre les deux.
Mais, si le monde du polar fait actuellement une part belle à la plume féminine, c’était déjà presque le cas au tout début du genre (voire avant), même si cela peut surprendre les béotiens.
Effectivement, si l’on accorde la paternité du roman policier à Émile Gaboriau (Cocorico), aidé en cela par les bases posées par Edgar Alan Poe et quelques autres, les lecteurs mettent souvent sur la ligne de départ Arthur Conan Doyle pour le succès retentissant de son œuvre et pour l’émulation que celui-ci créa.
Mais les hommes ne furent pas les seuls à se laisser influencer par les aventures du détective du 221 B Baker Street et à créer leur propre détective pour lui faire vivre des aventures courtes, sous forme de nouvelles dédiées à des journaux et des magazines ou plus longues à publier dans un format roman.
En effet, on pourrait citer la baronne Orczy (1865-1947), hongroise émigrée à Londres, et son « Le vieil homme dans un coin » (1909) ou ses enquêtes de « Lady Molly de Scotland Yard » (1910), mais, avant elle, avait déjà sévi l’Anglaise Mary Elizabeth Braddon, (1835-1915) qui dès 1860 écrivait « La trace du serpent » ou une autre anglaise, Mrs. Henry Wood (1814-1887) qui écrivit des récits autour de son détective Johnny Ludlow, ou Catherine Louisa Pirkis (1839-1910) qui, en 1893 avait développé un personnage de femme détective, Loveday Brooke, ou un peu plus tard, Dorothy L. Sayers (1893-1957) qui à partir de 1923 conta les aventures du fantasque détective amateur Lord Peter.
Mais, si on escompte donc la grande Agatha Christie (1890-1976) et Patricia Highsmith (1921-1995), il est une romancière qu’il faut mettre en avant : l’Américaine Anna Katherine Green (1846-1935).
Si son nom ne vous dit peut-être rien, sachez qu’A. K. Green fut publiée en France dès 1893 et certains de ses romans furent réédités de manière posthume dans la célèbre collection « Le Masque ».
Si A. K. Green est principalement connue pour sa douzaine de romans autour du personnage d’Ebenezer Gryce, un détective de l’Agence Pinkerton, elle n’a pas écrit que cela.
En effet, A. K. Green développa également d’autres personnages récurrents comme la vieille fouineuse Amelia Butterworth (qui apparaît parfois en compagnie de M. Gryce) ou encore Violet Strange qui apparaît dans plusieurs nouvelles.
Et, du côté des nouvelles, A. K. Green en écrivit suffisamment pour remplir 8 recueils dont le dernier « Room number 3 and others detective stories » dont « La Chambre N° 3 » est la première nouvelle.
La chambre N° 3 :
Mme Demarest est retrouvée morte dans les bois non loin de l’auberge des « Trois Fourches ».
Meurtre ? Accident ? Les théories s’opposent aussi bien entre les principaux témoins, la fille de la victime et les Quimby, le couple de tenanciers, et les hommes chargés de l’enquête, le coroner et le policier Hammersmith.
Mais comment trouver la vérité quand aucune des deux parties n’a intérêt à mentir ?
Et cette chambre tapissée de papier rose dans laquelle la jeune femme assure que sa mère a résidé alors qu’aucune pièce de l’établissement ne correspond à cette description.
Entre la folie de Mlle Demarest et la fourberie des Quimby, M. Hammersmith va devoir trancher et, pour cela, il décide de passer la nuit dans la chambre N° 3.
Mme Desmaret est retrouvée morte dans les bois aux abords de l’auberge des « Trois Fourches » tenue par le couple Quimby…
Mlle Desmaret, la fille de la défunte, assure la police qu’elle est arrivée à l’auberge avec sa mère et qu’elles ont pris chacun une chambre alors que les tenanciers affirment que Mlle Desmaret est venue seule.
Hammersmith, le policier chargé de l’enquête a tendance à croire la jeune femme alors que rien ne corrobore ses affirmations, pas même le fait que sa mère logeait dans une chambre au papier rose… aucune chambre n’est tapissée en rose.
Hammersmith décide de passer la nuit à l’auberge et choisit la chambre n° 3, un cagibi qui semble mettre mal à l’aise les Quimby.
A. K. Green nous propose ici un petit récit d’ambiance policière avec un mort, une morte, plutôt. Crime ou accident, c’est à l’enquête de le déterminer. Qui ment, qui dit la vérité. Quelles raisons pourraient pousser les uns et les autres à mentir ?
Rien de transcendant, donc, dans cette nouvelle d’un peu plus de 15 000 mots, mais pourtant, celle-ci s’avère agréable à lire même si on devine très tôt qui sont les méchants de l’histoire.
On peut noter que le récit se tourne rapidement vers le genre « aventure » et que les rebondissements sont plus dirigés vers le ressort action/réaction que celui indice/révélation d’une enquête policière classique.
Au final, un petit récit policier agréable à lire à défaut d’être exaltant.